Dans la nuit du 23 au 24 mars, je suis intervenu en séance sur le débat préalable au conseil européen des 25 et 26 mars 2010.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour le groupe socialiste.

M. Richard Yung.Je souscris aux propos qu'ont tenus nos deux collègues (qui avaient fait un rappel au règlement pour se plaindre de l'heure tardive du débat commencé après minuit). La manière dont sont organisés nos débats soulève un problème d'ordre général. Pour une fois, c'est vrai, le Gouvernement n'y est pour rien.

Parmi de nombreux points importants, la stratégie de Lisbonne visait à l'« amélioration quantitative et qualitative de l'emploi ». Aussi, je ne parlerai pas des aspects économiques et financiers ou du débat avec l'Allemagne, mais je centrerai ma question sur le travail et l'emploi.

Les objectifs en taux d'emploi que les États membres s'étaient fixés en 2000 n'ont pas été atteints. Les taux d'emploi ont certes connu une évolution positive, mais ils restent insuffisants et, surtout, très disparates selon les pays et selon les catégories sociales que l'on considère, qu'il s'agisse des classes d'âge – les seniors ou les jeunes – ou des catégories socioprofessionnelles.

L'objectif visant à créer des emplois de meilleure qualité, second objectif de la stratégie de Lisbonne, est également loin d'avoir été atteint. La hausse des taux d'emploi résulte pour l'essentiel de la croissance des contrats précaires – contrats à durée déterminée et intérim – et du temps partiel. Cette tendance touche tout particulièrement les femmes, les jeunes, les travailleurs âgés de 55 à 64 ans et les migrants.

Pourquoi en est-il ainsi ? Ces résultats relativement médiocres – malheureusement, ils ne sont pas isolés – trouvent leur origine dans l'infléchissement excessivement libéral de la politique européenne et de la stratégie de Lisbonne. L'emploi n'est plus une priorité. La Commission européenne et la plupart des gouvernements ont privilégié l'assouplissement du marché du travail et la réduction des coûts salariaux pour favoriser l'emploi. Je vous renvoie à cet égard au débat actuellement en cours avec l'Allemagne. Conséquence : le nombre de travailleurs pauvres est en hausse.

On a beaucoup parlé de « flexisécurité », mais pour n'en retenir que le préfixe, à savoir la flexibilité. Le suffixe, quant à lui – la sécurité – a été oublié.

M. le président. Je vous prie de conclure, mon cher collègue.

M. Richard Yung. Au vu de ce bilan critiquable, il est difficile de croire à la position officielle française, qui est l'amélioration de la qualité de l'emploi. Aussi, monsieur le secrétaire d'État, quelles propositions concrètes entendez-vous présenter lors du prochain Conseil européen afin de résoudre le dilemme entre taux et qualité de l'emploi ? Proposerez-vous à nos partenaires de définir des standards européens relatifs à la qualité des emplois, de relancer les négociations sur le temps de travail et de réviser la directive sur le détachement des travailleurs (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Pierre Lellouche, secrétaire d'État chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, au préalable, je vous remercie du travail que vous avez produit sur la réforme du Quai d'Orsay, plus particulièrement sur la protection de nos concitoyens à l'étranger. Votre contribution a été fort utile.

Vous m'interrogez sur l'équilibre à trouver entre l'objectif d'emploi et la qualité des emplois. La stratégie européenne pour la croissance et l'emploi, la stratégie UE 2020, ne fait pas l'économie d'une réflexion sur le dilemme auquel nous sommes confrontés pour atteindre ces deux objectifs. Les peuples européens attendent en effet de leurs gouvernements un leadership politique et que ceux-ci apportent rapidement des solutions et des réponses claires à leurs attentes.

La commission a proposé, dans sa communication en date du 3 mars, de dédier un des cinq grands objectifs de la future stratégie – je reviendrai sur ces objectifs tout à l'heure –, en mentionnant que 75 % de la population âgée de 20 à 64 ans devait avoir un emploi.

Elle est allée plus loin, notamment parce que les États, dont la France, l'ont poussée dans ce sens, en soulignant l'importance d'adapter le cadre législatif à l'évolution des formules de travail – le temps de travail, le détachement des travailleurs –, à la qualité de l'emploi et aux nouveaux risques pour la santé et la sécurité au travail.

Je rappelle à ce sujet que la qualité de l'emploi fait partie intégrante des objectifs de la France et de la stratégie européenne pour l'emploi s'agissant de la formation, des qualifications, des conditions de travail, de l'égalité entre les hommes et les femmes, de la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle, ainsi que de la non-discrimination.

La contribution française à la définition de la stratégie « Europe 2020 » a mis l'accent sur le caractère indissociable de l'objectif d'augmentation du taux d'emploi et de celui de qualité des emplois créés, afin notamment de lutter contre le phénomène des travailleurs pauvres, que vous avez dénoncé à raison. Il y va de la cohésion de la société, tous les États s'accordent sur ce point.

La difficulté tient moins, vous le savez, aux objectifs que nous nous sommes fixés qu'à la capacité de l'Europe d'imposer sa compétitivité face aux autres grands pôles économiques. Nous reviendrons sur ce point tout à l'heure.

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