Les efforts déployés depuis plus d’un an par le Parlement européen auront fini par payer. Les ambassadeurs des États membres auprès de l’Union européenne, réunis au sein du COREPER, ont donné leur accord, le 27 mars, au plafonnement des bonus bancaires et au renforcement de la transparence des banques.

En avalisant le compromis interinstitutionnel du 28 février sur la réforme du cadre réglementaire du secteur bancaire, plus connue sous le nom de « CRD IV », le COREPER a ouvert la voie à une réforme sans précédent. Les eurodéputés progressistes y sont pour beaucoup. Je salue leur détermination à défendre l’intérêt général européen.

Grâce à eux, les bonus des dirigeants des banques et des opérateurs de marché – les fameux traders - ne devront pas excéder leur salaire fixe annuel. Ils ne pourront être multipliés par deux qu’à la condition d’obtenir le feu vert d’au moins 65% des actionnaires détenant la moitié des actions. En l’absence de quorum, ce taux sera de 75%. De plus, un quart du bonus sera reporté de cinq ans au minimum. Applicables dès le 1er janvier 2014, ces nouvelles règles concerneront les banques de l'UE, leurs filiales dans les pays tiers ainsi que celles de banques de pays tiers établies en Europe.

Elles vont plus loin que celles prévues par la directive dite « CRD III ». Entrée en vigueur en janvier 2011, cette dernière prévoit que les banquiers et les traders reçoivent 60% de leur bonus immédiatement et 40% après une période d’au moins trois ans. Elle oblige également à verser au moins 50% de la rémunération variable sous la forme d’actions ou de produits dérivés d’actions.

Je me réjouis que le Royaume-Uni n’ait pas réussi à faire échouer l’accord négocié par la présidence irlandaise et le Parlement de Strasbourg. L’annonce du plafonnement des bonus avait pourtant eu l’effet d’une bombe outre-Manche. Craignant pour l’attractivité de la City, le maire de Londres, Boris JOHNSON, n’avait pas hésité à qualifier l’encadrement de la rémunération des banquiers et des traders de « mesure la plus illusoire en provenance de l'Europe depuis que Dioclétien a tenté de fixer le prix des denrées à travers l'Empire romain ». Bien qu’admirant la culture historique du très honorable lord-maire de Londres, je ne peux que désapprouver ses propos, qui relèvent de la pure provocation. Un registre dont il est coutumier.

Pour sa part, la France n’a pas attendu la décision du COREPER pour encadrer les rémunérations dans le secteur bancaire. En effet, la semaine dernière, le Sénat a adopté un amendement au projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires qui prévoit que les assemblées générales des actionnaires des banques seront consultées annuellement sur l'enveloppe des rémunérations de toutes natures des dirigeants et preneurs de risque. Cette disposition sera modifiée lorsque nous connaîtrons la rédaction exacte du compromis européen.

Autre avancée majeure impulsée par le Parlement européen : les banques seront contraintes de communiquer les profits réalisés, les impôts payés et les subventions reçues pays par pays, ainsi que le chiffre d’affaires et le nombre d’employés. Ces informations devront être transmises à la Commission européenne dès 2014 et – éventuellement – au grand public à partir de 2015.

Là encore, le Sénat a anticipé la transposition du droit européen en introduisant ces nouvelles règles de transparence - uniques au monde - dans le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires (elles entreront en vigueur en 2015, pour l’exercice 2014).

L’objectif de la réforme dite « CRD IV » – qui prévoit également l’augmentation de la qualité et de la quantité des fonds propres des banques – n’est pas de moraliser le secteur bancaire, mais de mieux le réguler en réduisant les incitations à la prise de risque excessive et en renforçant la transparence des activités bancaires. In fine, il s’agit de prévenir la survenance de crises systémiques et de mettre les banques au service de l’économie réelle. L’Union européenne envoie ainsi un signal fort au reste du monde.

Prochaines étapes : le vote du Parlement européen, prévu à la mi-avril, puis le vote final du Conseil de l’UE.