Hier soir, après douze heures de négociations, les ministres européens du travail et des affaires sociales ont adopté leur position de négociation sur la révision de la directive de 1996 sur le détachement des travailleurs. Seules la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie et la Pologne ont voté contre le texte de compromis.

Ce dernier vise à réformer en profondeur le régime du détachement des travailleurs, qui repose, d’une part, sur l’application des règles d’ordre public social du pays d’accueil et, d’autre part, sur le maintien du rattachement des salariés au régime de sécurité sociale du pays d’origine.

La principale avancée enregistrée lors de la réunion du Conseil est la mise en œuvre effective du principe « à travail égal, salaire égal sur un même lieu de travail ». Cela signifie que les États membres sont favorables à l’intégration à la rémunération due aux travailleurs détachés de tous les éléments de salaire (indemnités de transport, d’hébergement et de repas ; primes issues des accords de branche ; etc.) alors que les salariés détachés n’ont actuellement droit qu’au salaire minimum prévu par la loi et la branche. L’objectif est d’améliorer la protection des salariés et rendre la concurrence plus équitable.

Une autre avancée majeure est la limitation à 12 mois de la durée du détachement. Ce plafond pourra être relevé de 6 mois, seulement sur décision du pays d’accueil. Au-delà de 18 mois, les travailleurs détachés devront obligatoirement bénéficier de tous les droits applicables aux salariés du pays d’accueil. L’objectif est ici de garantir le caractère temporaire du détachement.

La position adoptée par les ministres européens prévoit également le renforcement de la lutte contre les abus et les fraudes. Pour être détaché, un salarié devra ainsi avoir été affilié à la sécurité sociale de son État d’origine pendant au moins trois mois. De plus, les États membres pourront recourir à la plateforme européenne de lutte contre le travail non déclaré, l’objectif étant de combattre les entreprises dites « boîtes aux lettres ».

Par ailleurs, le Conseil propose que les nouvelles dispositions entrent en vigueur quatre ans après leur adoption, les États membres disposant d’un délai de trois ans pour les transposer dans leur droit interne.

Pour ce qui concerne le transport routier, les ministres sont convenus de maintenir l’application de la directive de 1996 en attendant l’adoption du paquet législatif dit « mobilité », qui prévoit notamment la révision de la directive de 2006 concernant le détachement des travailleurs du secteur routier.

Si l’on excepte ce dernier point ainsi que la question de l’entrée en vigueur du nouveau dispositif, la position du Conseil recoupe très largement celle défendue par la France. J’y vois notamment la concrétisation des efforts déployés par le Président de la République, qui plaide à juste titre pour « une Europe qui protège ». Ce succès est également à mettre au crédit de notre ministre du travail, Muriel Pénicaud, dont je salue le parcours sans faute.

Les négociations entre le Conseil et le Parlement européen vont désormais pouvoir débuter. Il importe qu’elles aboutissent rapidement afin que détachement ne rime plus avec dumping social.

Outre la conclusion de l'accord sur la révision de la directive de 1996, les ministres européens du travail et des affaires sociales ont donné leur feu vert à l’adoption du socle européen des droits sociaux, qui comprend vingt principes articulés autour de trois grands axes : l’égalité des chances et l’accès au marché du travail ; les conditions de travail équitables ; la protection et l’insertion sociales.

Toutes ces initiatives vont dans le sens d’une convergence sociale par le haut, ce dont je me réjouis. Le renforcement de la dimension sociale de l’Europe est une impérieuse nécessité. Il est attendu par nos concitoyens, qui sont encore nombreux à avoir le sentiment que la construction européenne se fait sans les peuples.