Le 16 janvier, Éric Besson avait décidé d’assumer jusqu’au bout son virage idéologique en acceptant de devenir ministre de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire. Six semaines plus tard, l’association RESF a fait un bilan avec un relevé des arrestations, placements en rétention de mineurs et d’adultes, menaces d’expulsion et expulsions exécutées qui sont survenues dans les 32 premiers jours du ministère emblématique de la Sarkozie sous la direction de l’ancien socialiste.

Dans son bilan, RESF fait état de « la fréquence des arrestations de parents, en France depuis de nombreuses années, ayant un travail et ayant construit une vie familiale stable, leurs enfants allant à l’école, […] les expulsions de pères de familles, fabrique d’enfants demi-orphelins, de conjoint privés d’affection et de soutien, […] les appels quasi automatiques des préfectures sur les décisions des tribunaux d’annulation d’APRF et d’OQTF ». Pour RESF c’est donc « une grande continuité de l’action du ministère et de l’appareil de l’Etat, dressé à la chasse à l’étranger, dressé à la fabrication de sans papiers par le refus du renouvellement de titre de séjour, par le refus de délivrer un titre au mineur présent depuis plusieurs années quand il devient majeur. »

Éric Besson a affirmé le 12 février qu’il ne signerait le décret d’application permettant la mise en œuvre de ces tests ADN que quand il aurait « la conviction absolue que tout a été fait sur le plan éthique, moral et des réalisations concrètes ». Quand on connaît son sens des convictions, et que le Éric Besson qui dénonçait en 2006 « les effets dévastateurs de la politique menée depuis 2003 : arrestations massives dans certains quartiers, placements en rétention à répétition de personnes non reconductibles, y compris les enfants... » est celui qui aujourd’hui dirige cette politique, on peut avoir des doutes. Attendons-nous à ce que ce décret soit bientôt promulgué. Ses décisions relatives à l’assistance aux étrangers retenus dans les centres de rétention et à la tentative d’exclusion de la CIMADE seront significatives.

Comme tous les ralliés et ouvriers de la 11ème heure, Besson voudra se dédouaner en en faisant encore plus encore plus que Brice Hortefeux, comme le montrent ses critiques injustes et acerbes sur le très beau film Welcome. Cela ne suffira quand même pas à le faire aimer de l’omniprésident !

Richard Yung
Sénateur des Français établis hors de France

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Les cas sont trop nombreux pour les dénombrer en détail, et on peut en avoir une liste sur le site de RESF. Mais on peut citer trois exemples de familles déchirées et de vies brisées, qui font naître des sentiments d’injustice et de honte.

Tout d’abord Ammar et Rahma. Lui Marocain, elle d’origine marocaine mais résidente en France depuis l’âge d’un an et titulaire d’une carte de résident.
Ils se sont mariés en 2005 au Maroc et ont attendu en vain l’accord à leur demande de regroupement familial, fait immédiatement. De cette union est d’abord née la petite Maria puis Rahma étant de nouveau enceinte, Ammar, lassé d’attendre ce regroupement familial qui ne vient jamais, entre en France avec un visa de trois mois en mars 2008 et décide à l’expiration du visa de rester avec sa famille.
Quelques jours seulement avant la naissance de sa deuxième fille, Ammar est interpellé par la police à son domicile. Il est placé en garde à vue, puis en rétention à Rennes. Conduit à l’aéroport, il refuse d’embarquer. Il sera ensuite condamné à un mois de prison pour refus d’embarquement, puis finalement expulsé quelques temps plus tard
Il revient de nouveau en septembre 2008, cette fois clandestinement pour retrouver sa femme et de ses 2 petites filles.
Malheureusement, le 6 février, il est arrêté, à moins de 100 m de l’école où il vient à pied, comme chaque matin, déposer sa fille. Il vient d’être condamné le 3 mars dernier à deux mois de prison pour un nouveau refus de monter l’avion.

Ensuite, Lisa et Jean-Luc. Elle Congolaise et lui Français se sont mariés en novembre 2005 après un an de concubinage. Lisa souffre d’hypertension de problèmes cardiaques graves et d’asthme, et fait l’objet d’un suivi médical régulier en France. Depuis le début de leur relation, le couple a déposé plusieurs demandes de titre de séjour qui ont toutes été rejetées.
En novembre 2006, Lisa reçoit un premier arrêté de reconduite à la frontière. La peur de l’expulsion s’ajoute à ses problèmes de santé et provoque un drame : elle perd l’enfant qu’elle portait depuis 7 mois.
En novembre 2007, un nouvel arrêté de reconduite à la frontière est prononcé contre Lisa et elle est placée au centre de rétention de Nîmes. Elle est libérée 5 jours plus tard suite à une forte mobilisation associative. Depuis plus d’un an, Lisa est maintenue sous autorisations provisoires de séjour de trois mois pour raison médicale. Le renouvellement de ces autorisations peut être refusé à tout moment et le préfet continue de refuser à Lisa la délivrance d’un titre de séjour en qualité de conjoint d’un ressortissant français. Il exige qu’elle aille chercher un visa dans son pays d’origine, ce qui aurait notamment pour conséquence d’interrompre ses soins en France et de la séparer pendant plusieurs mois de son mari.

Et pour finir, Mobido. Il est malien, a 41 ans et vit en France depuis 1989 quand il est arrêté en janvier dernier.
Il avait pourtant obtenu de son employeur une promesse d’embauche, pour une demande de régularisation par le travail et un rendez-vous était fixé en préfecture le 12 mars.
Depuis le 14 février, il était en grève de la faim au CRA de Palaiseau, suite à une décision collective des retenus du centre.
Vendredi 20 février, Modibo est « extrait  » du CRA pour être « éloigné du territoire ». Mais le commandant de bord demande qu’il soit débarqué, refusant d’embarquer sans assistance médicale une personne affaiblie par une semaine de grève de la faim. Modibo est ramené au CRA, mais 3 jours plus tard il est raccompagné à l’aéroport, escorté par six policiers. Il raconte avoir été violemment « agressé » : « J’avais les pieds scotchés au siège, les mains menottées dans le dos. J’étais attaché comme un animal. Plié en deux, je n’arrivais pas à respirer. » Au point que plusieurs passagers interviennent.
L’Association malienne des expulsés s’inquiète du changement de nature des expulsions : « Depuis décembre, les expulsés ont changé, remarque Alassane Dicko, que j’avais rencontré à Bamako en février dernier. Nous voyons arriver de plus en plus de gens qui étaient depuis très longtemps en France, quinze ans, même vingt-deux ans la semaine dernière. L’un vient de sortir du bureau, il a sa femme et ses enfants en France, il ne comprend pas ce qui lui arrive. »

Quelques sites que je vous recommande sur le sujet :
http://www.c-est-la-honte.com/, Manifeste « 30.000 expulsions, c'est la honte » que je vous incite à signer comme je l’ai fait.
http://www.cimade.org/, site de la Cimade, association de solidarité active avec les migrants, les réfugiés et les demandeurs d'asile.
http://amoureuxauban.net/, site des amoureux au banc public, mouvement de couples mixtes pour la défense du droit de mener une vie familiale.