Le vendredi 27 novembre, je suis intervenu au Sénat en séance lors de la discussion des crédits relatifs à la mission « Immigration, asile et intégration ». Vous trouverez ci-dessous mon intervention.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Vous devez être un homme heureux, monsieur Besson ! L'immigration est au cœur des débats et de l'actualité : « L'immigration, un sujet cher à l'UMP en période électorale », titrait hier Le Parisien–Aujourd'hui en France, qui n'est d'ailleurs pas paru ce matin, mais je ne pense pas qu'il y ait un lien ! (Sourires.) « L'immigration, c'est comme Alexandrie, Alexandra, de Claude François, le succès assuré pour l'UMP », disait, hier également, un commentateur sur une grande radio nationale. Et je ne parle pas du débat sur l'identité nationale…

Monsieur Besson, vous qui êtes un homme de droite convaincu, pensez-vous que le général de Gaulle se soit posé des questions sur l'identité nationale ?

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Sûrement pas !

M. Richard Yung. Je ne le crois pas ! Si je faisais preuve de mauvais esprit, j'y verrais une corrélation, à l'approche des élections régionales, avec les mauvais sondages de l'UMP !

À la question posée par M. le rapporteur spécial, Pierre Bernard-Reymond, je répondrai : ni angélisme béat – j'imagine que nous étions visés –, ni nationalisme tactique – c'était pour vous !

J'en viens maintenant plus précisément aux crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

Pour commencer, je formulerai plusieurs observations sur le droit d'asile.

Comme cela a été dit, le nombre de demandeurs d'asile est en forte hausse : il a augmenté de 20 % en 2008 et progressera de 14 % en 2009.

D'une certaine façon, c'est une bonne nouvelle, parce que cela signifie que la France continue d'être perçue dans le monde comme elle l'a toujours été, comme nous souhaitons qu'elle le soit, c'est-à-dire comme une terre de défense des droits de l'homme, d'accueil pour tous ceux qui sont persécutés à travers le monde.

Mais, en même temps, c'est une mauvaise nouvelle pour vous, monsieur le ministre ! Cette augmentation est la réponse à la politique de fermeture que vous avez menée et que vous continuez à appliquer, votre politique de restriction des visas, d'expulsions, et que vous avez justifiée en nous disant : « Nous, nous sommes des gens fermes, non pas des laxistes comme vous, et par notre fermeté, nous envoyons le message à travers le monde qu'il est vain de venir en France pour essayer d'obtenir l'accueil ou le droit d'asile ». Votre message n'est pas passé, et je m'en réjouis !

D'ailleurs, on compte aujourd'hui toujours autant de citoyens indiens ou afghans qui cherchent à passer en Grande-Bretagne : 200 à 300 par jour, me dit-on, soit près de 10 000 par mois ! Toute cette agitation, notamment autour de Coquelles, n'aura donc servi à rien !

Après avoir adopté tant de postures avec force coups de menton, vous avez vous-même annoncé subitement la régularisation de 1 000 sans-papiers.

Pour notre part, nous pensons qu'il faut procéder d'une autre manière, que vos critères sont à la fois trop restrictifs et trop vagues et que cette politique de régularisation devrait s'adresser à un plus grand nombre.

Comme l'ont souligné MM. les rapporteurs, les crédits consacrés au soutien apporté aux demandeurs d'asile et à l'organisation de la demande d'asile sont manifestement insuffisants.

Votre budget est construit sur l'idée que le nombre des demandeurs d'asile serait identique en 2010 à ce qu'il était en 2009, soit 45 000. Or la courbe est croissante, et il est fort possible que ce nombre augmente de 20 %, pour atteindre un total de 55 000 (M. Philippe Dominati s'exclame.), mais je ne peux en apporter la démonstration, tout pronostic en la matière étant bien difficile.

M. le président de la commission des finances nous a demandé, ce matin, de présenter des budgets sincères. En l'occurrence, le présent budget n'est pas sincère !

Les crédits de l'OFPRA n'augmentent que de 5 % tandis que ceux de la CNDA restent stables, alors qu'on demande à ces organismes de réduire les délais d'instruction.

Les mille places nouvelles en CADA seront certainement insuffisantes. Les crédits d'hébergement d'urgence, quant à eux, restent stables à 30 millions d'euros, alors qu'ils étaient déjà très nettement insuffisants.

Enfin, les crédits inscrits pour l'accompagnement social passent de 5 millions d'euros à 500 000 euros, soit une baisse de 90 %, mes chers collègues !

Dans ces conditions, comment mener une politique d'accueil et d'asile forte et cohérente ?

J'en viens à la rétention administrative.

En 2008, 32 200 personnes ont été placées en rétention administrative, pour une durée moyenne de dix jours. Depuis 2004, le nombre des placements en rétention a augmenté de 20 %, en raison, évidemment, des pressions exercées par les gouvernements successifs pour interpeller les étrangers en situation irrégulière et respecter les fameux quotas annuels d'expulsion – 27 000 en 2009, et autant en 2010.

Dans son rapport, publié l'an dernier, sur la gestion des centres de rétention administrative, la Cour des comptes a pointé du doigt « d'importantes lacunes dans le suivi des coûts ». Elle évalue le coût de la rétention à près de 200 millions d'euros, hors dépenses d'interpellation, d'éloignement et de justice, soit 5 500 euros par personne retenue et 13 200 euros par personne ayant fait l'objet d'une reconduite effective à la frontière. Incidemment, je ferai remarquer que l'examen des crédits de cette mission est un peu formel, car nous n'abordons que quelques aspects de la politique budgétaire en matière d'immigration, d'asile et d'intégration, les autres volets relevant d'autres ministères ou d'actions interministérielles.

Les chiffres montrent que les résultats ne sont pas à la hauteur des moyens engagés. Au final, mes chers collègues, la Cour des comptes et, me semble-t-il, M. le rapporteur spécial évaluent le coût total de l'éloignement entre 400 millions et 500 millions d'euros, soit 21 000 euros par personne expulsée.

Il s'agit là de sommes importantes. Aussi, le bon sens voudrait qu'on se demande si l'on ne devrait pas remplacer l'enfermement des étrangers en situation irrégulière par leur assignation à résidence, comme cela se pratique dans un certain nombre de pays civilisés d'Europe du Nord.

Il reste beaucoup de progrès à faire dans le fonctionnement des centres de rétention administrative, s'agissant, en particulier, de l'organisation des visites, de l'accès au téléphone et de l'aide à l'exercice effectif des droits.

Le demandeur d'asile ne dispose que d'un délai très court, de cinq jours au maximum après son arrivée au centre, pour formuler sa demande d'asile, laquelle doit être rédigée exclusivement en français, alors que la personne retenue ne peut plus bénéficier de l'assistance gratuite d'un traducteur.

En général, c'est la CIMADE qui pallie ces difficultés. Elle assiste le demandeur en lui assurant les services d'un interprète bénévole ou en lui fournissant de quoi écrire, car le budget des centres de rétention administrative ne prévoit pas l'achat de stylos.

Cela m'amène à évoquer les associations d'aide aux personnes retenues. J'ai pris acte de l'arrêt du Conseil d'État qui a annulé la décision en référé du tribunal administratif de Paris. Nous n'avons pas à commenter des décisions de justice.

Je continue néanmoins à penser que l'allotement, c'est-à-dire la division en sept ou huit lots du contrat d'aide aux personnes retenues, n'est pas une bonne décision. Elle compliquera la tâche du ministère, qui devra gérer sept ou huit contrats et les difficultés de rapprochement qui en résultent. Elle sera par ailleurs préjudiciable pour les étrangers retenus, car elle reviendra à limiter l'aide qui leur est apportée lorsqu'ils changeront de CRA.

En fait, derrière cette décision, se cache la volonté de punir la CIMADE, organisme subventionné qui se permet, dans son rapport annuel, au demeurant très lu et très recherché, de critiquer le Gouvernement Or, par les temps qui courent, la critique est plutôt mal perçue.

Le montant prévu dans votre budget des crédits relatifs à l'aide juridique, soit 4,6 millions d'euros pour 2010 contre 4 millions d'euros en 2009, vient à l'appui de mon propos. L'allotement du contrat d'aide juridique, bien loin de permettre une diminution des dépenses, entraînera au contraire une augmentation de 15% de cette ligne budgétaire, ce qui va à l'encontre des annonces d'économie qui avaient été faites en leur temps.

Pour toutes ces raisons, vous le comprendrez, monsieur le ministre, notre groupe ne votera pas les crédits de la mission « Intégration, asile et intégration ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)

Vous pouvez l'intégralité des débats sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » en cliquant ici.