Ce mercredi 9 février nous avons poursuivi l’examen des articles du projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité. Trois points peuvent être mentionnés.

Recours suspensif contre les décisions de renvoi vers le pays d’entrée sur le territoire de l’Union européenne

Contre l’avis du gouvernement, le groupe socialiste a fait rajouter un article additionnel après l’article 34 (cliquez ici pour lire l’amendement). Le but de cet amendement était de résoudre le problème des « dublinés ». Lorsqu’un étranger est admissible dans un autre État européen en application de la convention de Schengen ou de la procédure Dublin, il fait l’objet d’un arrêté de réadmission fondé sur les articles L. 531-1 et suivants du CESEDA. Contrairement aux OQTF et aux APRF, ces arrêtés ne peuvent actuellement pas faire l’objet d’un recours suspensif.
Le 20 mai 2010, le Conseil d’État a suspendu par une ordonnance de référé-liberté le renvoi vers la Grèce de Palestiniens qui avait fait l’objet de mauvais traitements dans ce pays. Le 21 janvier 2011, la Cour de Strasbourg a statué contre la Belgique et la Grèce dans une affaire comparable. Dans l’attente d’un aménagement du Règlement de Dublin, il est donc nécessaire d’instaurer un recours suspensif contre les décisions de renvoi, comme il en existe contre les OQTF.

Allongement du délai pour la saisine du juge des libertés et de la détention

L’article 37 du projet de loi immigration proposait d’allonger le délai de quarante-huit heures après une décision de placement en rétention pour que le juge des libertés et de la détention soit saisi afin de prolonger la rétention, pour le porter à 5 jours. Cet article avait été supprimé deux fois en commission des lois. M. Gérard Longuet, président du groupe UMP, souhaitait, par un amendement, revenir sur la suppression de cet article.
Jean-Noël Buffet, rapporteur du texte, avait donné l’avis défavorable de la commission sur l’amendement tout en précisant « La commission des lois a supprimé l’article, contre mon avis personnel ». Malgré le soutien du gouvernement l’amendement a été rejeté en scrutin public par 184 voix contre et 153 voix pour.
Voici un extrait de mon intervention dans ce débat : « C’est là le débat le plus important de ce projet de loi. La question de la déchéance relevait du symbole, il s’agissait d’amuser la galerie ; là, on touche aux principes fondamentaux, à l’organisation de la justice en France.
Le rapport Mazeaud évoque une possible inversion du dispositif actuel, vous en faites un impératif. Il est clair que le Ceséda relève du juge administratif ; face à quoi, il y a les libertés individuelles dont le JLD est le garant. Certains font primer le Ceséda, d’autres, dont nous sommes, les libertés. […]
Nous sommes sur un débat de fond, mais il y a aussi un contexte. On ne peut oublier les attaques répétées contre les juges, qu’il s’agit de « punir », ou du moins de le laisser croire à l’opinion publique. »

Contrôle au faciès

Pour finir, par un amendement que j’avais déposé avec le groupe socialiste (cliquez ici pour lire l’amendement), nous avions souhaité faire inscrire dans le projet de loi que les contrôles d’identité ne doivent être faits que sur des éléments objectifs des personnes contrôlées et non pas sur leur apparence ou leur couleur de peau, mais malheureusement après un débat animé avec le ministre, notre amendement a été rejeté.
Voici quelques extraits du débat :
« Les contrôles d’identité se font malheureusement surtout sur l’apparence.
Les personnes d’origine africaine et maghrébine ont sept ou huit fois plus de chance d’être contrôlés que les Caucasiens.
Le Conseil constitutionnel en 1993 avait confirmé que les contrôles d’identité devaient s’opérer « exclusivement sur des critères objectifs » ; il est temps d’inscrire ces principes dans la loi. »
(Richard Yung)
« J’ai été choqué par les sous-entendus de M. Yung : à l’en croire, les contrôles au faciès seraient monnaie courante... C’est une attaque gratuite contre les forces de l’ordre qui travaillent sérieusement dans des conditions difficile. » (M. Philippe Richert, ministre)
« Je suis étonné par vos propos monsieur le ministre. Nous avons procédé à des auditions de policiers : « On nous demande d’éponger la mer avec une petite cuillère, parce que de toute façon les étrangers sont là » nous a dit l’un d’entre eux. « On nous dit » déclare un autre de « faire de l’Indien et du Chinois parce que les consulats les reconnaissent ».
« Les commissaires qui ne se plient pas à ces injonctions voient leur carrière ralentie ». »
(Louis Mermaz)
« Le monde de la justice est dans la rue. Il faut donc des moyens. Sur les contrôles au faciès, M. Mermaz a bien traduit le sentiment des syndicats de policiers.
Allez voir les stations de métro « gare du Nord » ou « porte d’Ivry », vous y verrez ce qu’il en est des contrôles au faciès ! »
(Mme Nicole Borvo Cohen-Seat)