Suite à ma visite des annexes judiciaires situées au bord des pistes de l'aéroport Roissy-Charles De Gaulle, j'ai adressé un courrier à Mme Christiane TAUBIRA, garde des sceaux, ministre de la justice.


Madame la Ministre,

Je me permets d’attirer votre attention sur la prochaine mise en service des salles d’audience qui ont été aménagées au sein de la zone d’attente de l’aéroport Roissy-Charles De Gaulle, dite « ZAPI 3 », et à proximité immédiate des trois centres de rétention administrative (CRA) du Mesnil-Amelot.

Le 17 septembre dernier, à l’occasion d’une visite de ces locaux, je me suis entretenu avec des professionnels de la justice (avocats et magistrats) et des représentants du monde associatif. Ces échanges m’ont conforté dans l’idée que la délocalisation des audiences devant les juridictions administratives et judiciaires participe de la mise en place d’une justice d’exception pour les migrants en situation irrégulière.

En 2011, lors de la discussion au Sénat du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, je m’étais fermement opposé à l’extension des audiences délocalisées. Deux ans plus tard, je ne peux que réitérer mon opposition à toute remise en cause des principes fondamentaux qui régissent notre système judiciaire : procès équitable, publicité des débats, indépendance et impartialité des juridictions, droits de la défense.

Symbole de la « politique du chiffre » conduite par les gouvernements qui se sont succédé entre 2002 et 2012, le recours aux audiences délocalisées vise à réduire les coûts liés aux escortes nécessaires entre les zones d'attente ou les centres de rétention administrative et les juridictions. Or, il n’est pas démontré que cette pratique permette de dégager des économies. De plus, des considérations d’ordre budgétaire ne sauraient justifier que l’on puisse rendre la justice de façon industrielle dans des lieux dépourvus de solennité, difficiles d’accès et contrôlés par l’une des parties.

Au regard de ces considérations, il serait à mon sens souhaitable que le Gouvernement renonce à l’ouverture des annexes des tribunaux de grande instance de Bobigny et Meaux. Il conviendrait également de fermer les salles d’audience qui sont déjà en service à Coquelles et Marseille.

Par ailleurs, il me semble que la prochaine réforme du droit des étrangers pourrait être l’occasion de supprimer les dispositions du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) qui rendent possible la tenue d’audiences délocalisées.

Vous remerciant d’avance pour l’attention que vous voudrez bien porter à mes remarques, je vous prie de croire, madame la Ministre, à l’expression de ma haute considération.

Richard YUNG