Le 26 mai, Claudine LEPAGE et moi-même nous sommes entretenus avec Pascal BRICE, directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).

Cette rencontre très intéressante nous a permis d’approfondir notre réflexion dans la perspective de l’examen par le Sénat du projet de loi relatif à l’asile, qui sera présenté par Bernard CAZENEUVE à la fin du mois de juin. Nous avons constaté avec satisfaction que la politique de l’asile est désormais clairement dissociée de la politique migratoire.

Créé en 1952, l’OFPRA est un établissement public administratif (EPA) dont la tutelle est assurée, depuis 2010, par le ministère de l’Intérieur. Il est chargé de l'instruction des demandes d'asile et de la protection des réfugiés (« mairie des réfugiés »). Son siège est situé à Fontenay-sous-Bois. Il dispose également d’un bureau à l’aéroport Roissy-Charles-De-Gaulle et d’une antenne en Guadeloupe. Il organise par ailleurs des missions foraines d’instruction en région.
Son budget annuel s’élève à un peu plus de 40 millions d’euros. Il est essentiellement alimenté par une subvention de l’État et doit être mis en parallèle avec les 500 millions d’euros qui, chaque année, sont consacrés à l’hébergement des demandeurs d’asile.
Au cours des dernières années, ses effectifs ont été renforcés. Ils s’élèvent actuellement à 476 équivalents temps plein (+10 ETP en 2013 ; +10 ETP en 2014).
Grâce à l’augmentation de ses moyens humains, l’établissement a vu son activité augmenter de 15% en 2013. Résultat : depuis l’été 2013, le nombre de dossiers en instance et les délais de traitement sont en baisse. Cette évolution est bienvenue car, d’après M. BRICE, la réduction d’un mois du délai de traitement représente 15 millions d’euros d’économies pour le budget « hébergement » des demandeurs d’asile. De nouveaux besoins seront nécessaires en 2015 afin d’apurer le stock de dossiers en attente.

Les demandeurs d’asile ne peuvent pas saisir directement l’OFPRA. Après avoir obtenu une domiciliation auprès d'une association agréée, ils doivent se rendre à plusieurs reprises à la préfecture pour une prise d’empreintes et la remise de l’admission provisoire au séjour (APS) et du dossier de demande d’asile (les demandeurs d’asile relevant du règlement européen dit « Dublin II » ne sont pas admis au séjour et sont renvoyés dans le premier État de l'UE par lequel ils ont transité). Ce dernier doit être rempli en français puis transmis à l’OFPRA.
Une fois enregistrée, la demande est instruite par un officier de protection (les officiers de protection sont répartis dans quatre divisions géographiques – Europe, Afrique, Asie, Amériques-Maghreb –, elles-mêmes divisées en sections.), qui convoque le requérant à un entretien (un entretien dure en moyenne une heure et demie ; le demandeur peut être assisté d’un interprète). Après l’entretien, la décision est prise par l’officier de protection ou le chef de division/section ou – dans certains cas exceptionnels – le directeur général. Chaque décision repose sur la prise en considération de trois éléments : les dispositions de la convention de Genève, la situation dans le pays d’origine et le récit du demandeur.
L’Office bénéficie d'une indépendance fonctionnelle, qui se traduit notamment par une absence d'instructions. Ce principe devrait être consacré par la future loi sur l’asile.
Si le demandeur d'asile se voit notifier une décision de rejet, il peut former un recours devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), qui devrait être « rénovée » par la future loi.

La qualité de réfugié est octroyée à « toute personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays » (article 1er de la convention de 1951 relative au statut des réfugiés). Les réfugiés se voient délivrer une carte de résident valable dix ans et peuvent solliciter sans délai la nationalité française.

Les demandeurs d’asile originaires des pays d’origine sûrs sont soumis à la procédure prioritaire. Dans ce cas, l’OFPRA doit statuer dans un délai de 15 jours (96 heures si le requérant est placé en rétention administrative) et le recours éventuel devant la CNDA n'a pas de caractère suspensif. Sur le fond, ces demandes sont cependant traitées dans les mêmes conditions que la procédure normale.
D’après M. BRICE, la liste des pays d’origine sûrs « suscite de nombreux fantasmes ». La notion de pays d'origine sûrs a été introduite en droit français en 2003. Un pays est considéré comme sûr « s'il veille au respect des principes de liberté, de la démocratie et de l'état de droit, ainsi que des droits de l'homme et des libertés fondamentales ».
Établie par le conseil d’administration de l’OFPRA, elle comprend actuellement 17 États (Albanie, Arménie, Bénin, Bosnie-Herzégovine, Cap-Vert, Géorgie, Ghana, Inde, Kosovo, Macédoine, Maurice, Moldavie, Mongolie, Monténégro, Sénégal, Serbie, Tanzanie). Elle n'est pas figée dans le temps. Le Mali, le Bangladesh et l’Ukraine en ont été retirés. À l’inverse, le Kosovo, la Géorgie et l’Albanie y ont récemment été ajoutés.

En 2013, l’OFPRA a enregistré 66.251 demandes d’asile, dont 45.925 premières demandes, 5.790 réexamens et 14.536 mineurs accompagnants (mineurs inscrits dans le dossier de leurs parents demandeurs d’asile). Ce nombre est en hausse continue depuis six ans (+7,8% par rapport à 2012). Les principaux pays de provenance des demandeurs d’asile sont la République démocratique du Congo, le Kosovo, l’Albanie, le Bangladesh. L’année 2013 a également été marquée par une forte hausse du nombre de demandeurs originaires de pays en crise (Mali, Syrie, République centrafricaine). À noter que la demande d'asile à la frontière a très fortement diminué en 2013 (1.346 demandes). Le nombre de demandes d'asile déposées par des mineurs isolés a également connu une baisse en 2013 (367 demandes).
L’OFPRA a rendu 62.056 décisions, dont 5.978 admissions. La CNDA a annulé 5.393 décisions de rejet prononcées par l’OFPRA. Au total, l’an dernier, 11.371 migrants ont obtenu le statut de réfugié ou une protection subsidiaire.
M. BRICE a attiré notre attention sur le fait que le taux d’accord devant l’OFPRA (12,8% en 2013 ; 9,4% en 2012) est désormais supérieur au taux d’accord devant la CNDA (12% en 2013 ; 14% en 2012). Cette situation s’explique par le fait que l’OFPRA prend davantage en considération la jurisprudence de la CNDA.

C’est dans ce contexte d’augmentation continue de la demande d'asile que M. BRICE, depuis l’été 2013, met en œuvre un plan d’action destiné à réformer le fonctionnement de l’OFPRA. Objectif : réduire de moitié les délais de traitement des demandes d’ici à 2015 (3 mois contre 6 mois actuellement). Cet objectif très ambitieux a été fixé par le contrat d’objectifs et de performance 2013-2015 que l’opérateur a signé avec l’État. Sa réalisation vise à permettre la mise en œuvre de la future loi relative à l’asile (le Gouvernement souhaite ramener à 9 mois le délai global d’examen des dossiers) ainsi que la transposition de plusieurs directives européennes récemment adoptées. Il s’agit de s’aligner sur les pratiques déjà en vigueur chez nos voisins européens.

À compter de l’été 2015, les entretiens se dérouleront selon de nouvelles modalités. Conformément aux nouvelles règles européennes (directive « procédure »), les demandeurs d’asile pourront être assistés par un conseil (avocat ou membre d’une association). Afin de rendre cette nouvelle obligation compatible avec l’objectif de réduction des délais, le tiers devrait s’exprimer à la fin de l’entretien, qui fera l’objet d’un enregistrement audio. M. BRICE prépare actuellement les personnels de l’office à cette « révolution », en lien avec les associations.

La réforme de l’OFPRA comprend par ailleurs un volet « ressource humaines ». M. BRICE souhaite notamment réduire la précarité des personnels contractuels, dont 60% d’officiers de protection (titularisation via la mise en place de la loi dite « Sauvadet »), et renforcer la formation des agents (accueil des récits de souffrance, etc.).

La mutualisation des principaux flux de demandeurs d’asile est actuellement en cours. L’instruction de 30 à 40% de la demande d’asile (Albanie, Arménie, Bangladesh, Kosovo, RDC) est ainsi partagée entre les quatre divisions géographiques. L’objectif de cette mesure est double : « améliorer la réactivité de l’Office face à l’accélération de certains flux grâce à une répartition plus équilibrée de la charge de travail » et harmoniser les pratiques de travail.

La réduction des délais de traitement des demandes d’asile passe également par une simplification des démarches devant être effectuées par les requérants (suppression de la domiciliation ; création d’un guichet unique ; etc.) et la mise en place d’un traitement différencié à l’égard des personnes vulnérables. À cet égard, des groupes d’agents référents ont été créés afin de renforcer la capacité de protection liée aux tortures, à la traite des êtres humains, aux violences faites aux femmes, à l’orientation sexuelle et aux mineurs isolés.

Par ailleurs, M. BRICE nous a indiqué que plus de 3.000 petites filles et jeunes femmes sont actuellement protégées par l’OFPRA contre le risque d’excision. Leurs parents, s’ils ne bénéficient pas eux-mêmes du statut de réfugié, se voient délivrer une carte temporaire de séjour portant la mention « vie privée et familiale », conformément à une circulaire du 5 avril 2013. Chaque année, l’Office demande que lui soit transmis un certificat médical de non-excision, document nécessaire au renouvellement de la protection et du droit au séjour. M. BRICE souhaite que ce dispositif soit modifié. À cette fin, il travaille en lien étroit avec la ministre des affaires sociales et de la santé, Marisol TOURAINE. Il propose que les certificats soient établis par les unités médico-judiciaires et transmis à l’Office tous les 3 à 5 ans.

En 2013, 1.314 ressortissants syriens ont demandé l’asile en France (deux fois plus qu’en 2012). D’après M. BRICE, la faiblesse de ce nombre s’explique par le fait que les Syriens se tournent davantage vers l’Allemagne et la Suède, qui comptent de fortes communautés syriennes. En octobre 2013, le Président de la République s'était engagé à accueillir 500 réfugiés syriens en France à la demande du Haut-Commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR). À cette fin, des représentants de l’OFPRA se sont récemment rendus en Égypte et au Liban. Une mission en Jordanie est prévue. Entre 2.500 et 3.000 ressortissants syriens pourraient demander l’asile en 2014. Ces personnes reçoivent une réponse dans un délai de 3 mois maximum. Le taux d’accord est de 96%.

À l’issue de l’entretien, M. BRICE nous a fait rencontrer des responsables de la section Amériques-Maghreb. Nous avons également visité les locaux dans lesquels se déroulent, chaque jour, les entretiens. Chaque box comprend un bureau, un ordinateur et trois chaises. Nous avons eu l'occasion d'échanger avec un officier de protection qui venait d’achever un entretien avec un demandeur d’asile originaire de Guinée Conakry.

Le 23 juin, à l'occasion de la journée mondiale des réfugiés, l'OFPRA organise un colloque à l’Institut du Monde arabe (IMA).