Le 22 avril, l’Assemblée nationale a adopté, en première lecture, le projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, selon la belle phraséologie en cours.

Félicitons les députés d’avoir travaillé tout le samedi et le dimanche jusqu’à 23h alors même qu’ils auraient dû être en vacances. Qui a dit que les parlementaires ne travaillent pas ?

La discussion a été rude, très tendue. Bien sûr, le FN et l’aile droitière de LR menée par Laurent Wauquiez et l’ineffable Éric Ciotti ont fait feu de tout bois sur leurs thèmes favoris : remise en cause du droit à la réunification familiale pour les réfugiés mineurs, durcissement des conditions du regroupement familial, suppression de l’aide médicale de l’État, remise en cause du droit du sol, fixation de quotas annuels, expulsion de tous les migrants en situation irrégulière (chiche, mais pourquoi ne pas l’avoir fait plus tôt ?), etc.
Sans surprise, ils ont voté contre le texte, le considérant comme trop mou et favorisant l’immigration. La France insoumise, le PC et le PS ont aussi voté contre, mais plutôt parce qu’il faut voter contre toute proposition venant du Gouvernement. C’est ce que l’on appelle « l’opposition constructive » ! Le PS pense se « refaire » une santé avec de telles alliances. Attention, le grand méchant Mélenchon mangera le tendre Faure !

Heureusement, une majorité forte (LaREM, Modem, UDI) l’a voté par 228 voix contre 139.

Les députés ont examiné près de 1000 amendements, dont beaucoup n’avaient guère d’intérêt sinon de permettre à l’opposition de tenir la tribune. Une cinquantaine d’amendements ont été adoptés, dont certains font avancer un texte qui était davantage marqué par l’autoritarisme que par l’humanisme. Pour quelqu’un comme moi qui milite depuis des dizaines d’années aux côtés de La Cimade et pour une politique de dignité en faveur des demandeurs du droit d’asile, il posait - il pose - problème. J’ai mené pendant des années le débat dans l’hémicycle du Sénat contre les propositions de Hortefeux, Besson, Guéant... souvent un peu seul et généralement battu (c’est le Sénat) !

Nous reprenons ce débat avec une nouvelle loi (une loi en moyenne tous les 18 mois) avec la crainte qu’elle soit inutile et inefficace alors que la priorité devrait être donnée au renforcement des moyens des préfectures (amélioration de l’accueil des demandeurs d’asile), à l’amélioration de la politique d’accueil (formation, travail, logement, etc.) ainsi qu’à la simplification massive du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), dont les procédures sont devenues incompréhensibles. Donc une loi qu’il nous faut discuter et améliorer autant que possible.

Je me réjouis des avancées importantes qui ont été enregistrées à l’Assemblée nationale:

  • assouplissement du « délit de solidarité » ;
  • maintien à 15 jours du délai de contestation devant le juge administratif d’une décision de transfert vers un autre État membre de l’UE d’un étranger faisant l’objet d’une procédure « Dublin » ;
  • assouplissement des conditions de délivrance de la carte de séjour pluriannuelle (4 ans) portant la mention « passeport talent » ;
  • renforcement du parcours personnalisé d’intégration républicaine ;
  • exclusion de la liste des pays d’origine sûrs des pays où l’homosexualité est pénalisée ;
  • renforcement des garanties entourant l’envoi des convocations et la notification des décisions de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) par voie électronique ;
  • encadrement du recours à la vidéo-audience par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) ;
  • amélioration du dispositif d’orientation directive des demandeurs d’asile ;
  • renforcement de l’accompagnement juridique des demandeurs d’asile ;
  • possibilité, pour les demandeurs d’asile qui n’ont pas obtenu de réponse de l’OFPRA, d’accéder au marché du travail dans un délai de six mois à compter de l’introduction de la demande (au lieu de neuf mois).

Est-ce pour autant suffisant ? Je ne le crois pas et je pense que nous pourrons encore améliorer le texte au Sénat : révision des différents délais qui ont été raccourcis pour ramener à six mois le délai d’instruction d’une demande d’asile, recours compris (objectif louable mais qui ne doit pas se faire au détriment du demandeur, certains de ces raccourcissements pouvant mettre le requérant en difficulté) ; réduction de la durée maximale de rétention ; interdiction du placement en rétention des familles avec enfants ; etc.