Je suis intervenu le 7 novembre, au nom du groupe socialiste, pour interpeller le ministre de l’Intérieur sur son bilan en matière de lutte contre l’insécurité. J’ai dénoncé une action qui cafouille, inquiète et sème la violence, et rappelé nos propositions, des mesures qui ont fait leurs preuves.

Vous pouvez lire le compte-rendu ci-dessous.

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, nos pensées se tournent d'abord vers la jeune Mama Galledou, notre compatriote victime de l'attentat dont vous avez tous eu connaissance, qui lutte encore pour sa vie, une vie qui ne sera plus jamais ce qu'elle avait espéré. Nos pensées vont également à sa famille.

Je souhaite répondre à ceux qui se sont interrogés sur le motif d'un tel débat. Mes chers collègues, que pouvons-nous faire pour qu'un tel drame ne se reproduise pas ? Tel est précisément le sens du débat proposé par M. Peyronnet.

L'incendie du bus 32 à Marseille fait malheureusement suite à une longue série de crimes crapuleux, racistes et sexistes : le meurtre d'Ilan Halimi, celui de Jean-claude Irvoas, assassiné alors qu'il photographiait un réverbère pour des raisons professionnelles, celui de Sohane Benziane, brûlée vive, et bien d'autres encore.

Les collègues qui m'ont précédé à cette tribune ont insisté sur l'augmentation de l'insécurité et des actes d'incivilité, qui se manifestent par les incendies d'autobus et de milliers de voitures, ainsi que par le saccage de biens publics et collectifs.

À cela s'ajoutent les agressions dont font l'objet des policiers - parfois pris dans de véritables souricières ou guets-apens - et dont les auteurs doivent être poursuivis et condamnés. C'est un miracle qu'un accident majeur ne se soit pas encore produit ou qu'un homme ne soit pas mort !

Je voudrais rendre hommage ici au courage, au sang-froid et à l'engagement des policiers et des gendarmes qui, sur le terrain, jour après jour, réussissent à maintenir l'ordre dans les zones les plus difficiles, tout en respectant la légalité et en évitant les incidents ou les accidents. Ils ont bien mérité de la République.

Il faut donc restaurer l'ordre républicain partout où il est mis ou remis en cause. Cette démarche doit aller de pair avec la restauration des valeurs fondamentales qui sont à la base de notre société, en particulier le respect des institutions et de la démocratie, le respect de l'autorité, des parents, des enseignants et, pour commencer, le respect de la vie humaine.

Ces valeurs, personne n'en a le monopole : elles fondent notre culture et notre démocratie. Nous les défendons, nous, au moins autant que vous.

À cet égard, je demanderai au ministre d'État de cesser de parler à la gauche et de la gauche avec ce ton de commisération, de mépris, voire de supériorité.

Si l'argument principal de votre ministre d'État consiste à traiter François Hollande « de comique inimitable de la vie politique », vous conviendrez que nous serions en droit de vous répondre, pour filer la métaphore, que, dans ce Médrano permanent, vous êtes quant à vous des gugusses !

Vous répétez à satiété la thèse selon laquelle la gauche serait -- je cite dans le désordre le florilège des qualificatifs - incompétente, laxiste, prisonnière d'un angélisme digne de jeunes pensionnaires du couvent des Oiseaux - j'ignore s'il existe encore - mais, en tout cas, responsable de tout ce qui s'est passé avant et, pourquoi pas, depuis 2002 !

Nous serions ceux qui excusent les marlous, ceux qui laissent courir les assassins, ceux qui ouvrent les prisons. Nous serions avec les agresseurs contre les victimes ! Voilà ce que Nicolas Sarkozy dit de nous, et je vous le dis tout net, c'est inacceptable, surtout de la part d'un ministre d'État qui, les derniers sondages le montrent, inquiète 55 % des Français et n'en rassure que 30 %. Tout cela relève du faux débat, de la caricature et de la mauvaise foi.

Votre ministre d'État a, il y a quelque temps, critiqué injustement les juges du tribunal pour enfants de Bobigny.

Outre que le nombre des condamnations et leur durée ne sont pas nécessairement des indicateurs d'une bonne justice, le vrai problème, tout le monde le sait, tient à l'absence des structures nécessaires pour l'incarcération, la rééducation et la réintégration des mineurs après le prononcé des peines.

C'est la grande misère de la protection judicaire de la jeunesse, la PJJ, et des associations qui aident les pouvoirs publics à rééduquer ces jeunes, à les remettre dans le droit chemin, à suppléer les parents démissionnaires ou défaillants.

En fait, cette présentation vise, à mon sens, à cacher votre propre incurie et, sans doute aussi, d'une certaine manière, votre propre déception. Car, sans faire de polémique, tout montre que la situation s'est dégradée depuis quatre ans. Cela a été suffisamment illustré à cette tribune pour que je n'y revienne pas.

Vous commettez pour le moins une erreur de diagnostic. Au pire, vous jouez avec le feu, c'est-à-dire avec la peur des Français ! Vous pensez que la sécurité s'obtient par la seule répression, par la lourdeur des peines, par la réforme permanente et incessante du code pénal et du code de procédure pénale.

À chaque crise, à chaque crime ou délit que nous sommes unanimes à condamner légitimement, le ministre d'État ou le garde des sceaux viennent devant le Parlement pour lui proposer de doubler les peines de prison, de réduire ou de supprimer les sursis, d'introduire des peines incompressibles ou des peines plancher.

Vous êtes donc dans une vision purement quantitative et sécuritaire. Ce que je dis est tellement vrai que certains, dans votre ministère et dans les préfectures -  et je ne vise pas que la préfecture de Seine-Saint-Denis - surprennent en retirant les forces de l'ordre, dans certaines situations graves, pour ramener le calme.

C'est que vous en êtes à votre quatrième loi sur la sécurité : après la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure d'août 2002, la loi pour la sécurité intérieure de mars 2003, la loi sur le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers de janvier 2006, nous attendons maintenant la seconde lecture du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance. Plus d'une loi par an, si l'on y ajoute les lois contre l'immigration, celle contre les mariages avec les étrangers, que votre collègue de la justice vient de faire passer !

Et nous avons des craintes que vous ne transformiez en outil supplémentaire de répression l'ordonnance de 1945 sur les mineurs délinquants, qui a donné de bons résultats pendant soixante ans. Nos prédécesseurs issus des rangs de la Résistance avaient bien fait leur travail.

Bien sûr, nous sommes conscients de la nécessité de faire évoluer les textes quand la société se transforme ! Mais cela a déjà été en grande partie fait.

Ainsi, la loi du 9 septembre 2002 marque déjà un durcissement sensible de la réponse pénale à la délinquance des mineurs. J'en citerai deux éléments : la possibilité d'exclure, pour les jeunes de seize à dix-huit ans, ce que l'on appelle l'excuse de minorité, qui permet de prononcer une peine équivalente à celle qui serait infligée à un majeur ; la création des centres éducatifs fermés pour les mineurs âgés de treize à dix-huit ans.

Par ailleurs, la cour d'assises des mineurs peut d'ores et déjà prononcer une peine de prison à l'encontre de mineurs de treize ans et plus si les mesures éducatives et de placement ne semblent pas appropriées.

Voilà ce qui existe, aux termes de modifications législatives récentes. Faut-il aller plus loin et modifier une nouvelle fois la loi applicable aux mineurs ? Certainement pas ! Un tel projet ne ferait que s'ajouter à d'autres textes, redondants et inutiles, dont vous êtes habituellement les promoteurs. Il est inutile de déférer les mineurs devant les assises en cas d'agression de policiers, car chacun sait que cette mesure est à la fois inapplicable et bête. Il faut commencer par appliquer les textes en vigueur, mais c'est évidemment plus difficile que d'aller donner quelques coups de menton au journal de 20 heures !

Nous, nous proposons des solutions qui ont fait leurs preuves, tout en étant conscients de la complexité de la question telle qu'elle a été développée en particulier dans le rapport de la mission d'information commune examiné ce matin par notre assemblée.

En matière de sécurité, nous proposons des mesures indissociables du retour à une police de proximité dotée de capacités judiciaires et pratiquant l'îlotage, en tirant les enseignements de ce qui a été fait entre 1997 et 2002.

Nous proposons la prévention précoce de la violence, dans le cadre d'un plan gouvernemental, et la création de cellules de veille éducative.

Nous proposons l'application de mesures éducatives et de sanctions prononcées, ce qui implique, nous le savons, un effort budgétaire considérable pour les forces de sécurité et pour la justice.

Nous proposons une valorisation des alternatives à la prison en vue de faciliter la réinsertion des mineurs délinquants.

Nous proposons un plan de lutte contre les violences conjugales et familiales, ce qui nécessitera probablement une loi du Parlement.

Nous proposons un renforcement de la présence des adultes dans les écoles afin d'endiguer les comportements violents.

Nous proposons la réduction des délais entre l'infraction, la constatation de l'infraction, la sanction et son exécution.

Nous proposons enfin de redonner un soutien réel et financier aux associations de terrain qui oeuvrent pour la prévention.

Voilà les grandes lignes de ce qu'il faudrait faire, en veillant à y associer la justice, la police et la gendarmerie, les élus, en particulier les maires, et les citoyens dans un effort commun. Voilà ce que nous ferons ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)