Je suis intervenu en séance public le mardi 17 juin lors de la discussion générale sur le projet de loi constitutionnel Modernisation des institutions de la Ve République pour aborder l’élection envisagée des députés représentant les Français établis hors de France Vous trouverez ci-dessous le compte-rendu de mon intervention.

Je traiterai de l’article 9 qui introduit dans notre loi fondamentale le principe de la représentation à l’Assemblée nationale des 2,5 millions de Français établis hors de France. La modification de l’article 24 de l’actuelle Constitution constitue une avancée démocratique qui couronne le long chemin, débuté il y a trente ans, d’une grande et belle idée qui fut portée par le parti socialiste et, en particulier, par ses candidats successifs à l’élection présidentielle. La proposition 48 des cent-dix propositions du Président Mitterrand prévoyait que « la représentation des Français de l’étranger, comprenant non seulement des sénateurs mais aussi des députés, sera assurée selon des procédures qui en garantiront le caractère démocratique ». Pour ma part, j’avais déposé en 2005 avec ma collègue Monique Cerisier-ben Guiga une proposition de loi en ce sens qui n’a malheureusement jamais été discutée.

La situation actuelle n’est pas satisfaisante. D’une part parce que, les députés, étant censés représenter la Nation tout entière, on ne peut en priver deux millions et demi de citoyens. D’autre part parce que la plupart de nos collègues de l’Assemblée méconnaissent la situation de leurs concitoyens de l’étranger, ils en ont souvent une fausse image, ce qui les conduit régulièrement à tenir des propos empreints d’a priori parfois blessants -« évadés fiscaux » et autres gentillesses. Il est donc temps que les Français établis hors de France fassent entendre leur voix au Palais Bourbon. La France rejoindrait ainsi l’Italie et le Portugal, qui élisent respectivement douze et quatre députés représentant leurs ressortissants établis à l’étranger.

Ce projet fait naître deux craintes. D’abord celle que la droite soit consubstantiellement majoritaire parmi ces douze nouveaux députés. Mais la démocratie ne se monnaye pas et nous sommes prêts à en assumer le risque.

On craint aussi que le Sénat perde sa priorité dans l’examen des textes relatifs aux français de l’étranger. Mais la grande majorité de ces textes sont des propositions et non des projets de loi.

Je m’inquiète en revanche de la définition du mode de scrutin et du choix du découpage électoral. Le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale a refusé que les députés représentant les Français de l’étranger soient élus selon un mode de scrutin différent de celui des autres députés. Quant à vous, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, vous avez été encore plus catégorique en affirmant que ces parlementaires seraient élus au scrutin uninominal majoritaire à deux tours. Un tel mode de scrutin supposerait la création de douze circonscriptions uninominales. Au vu de la répartition géographique des personnes inscrites sur les listes électorales consulaires, la moitié des douze circonscriptions se trouverait en Europe. Quant aux six autres circonscriptions, elles couvriraient des territoires très vastes : les États-Unis, le Canada, l’Amérique latine, le Maghreb et le Levant, le reste de l’Afrique et l’Asie-Pacifique. L’argument de proximité invoqué pour justifier le scrutin uninominal n’est pas pertinent dans la mesure où, à l’exception de l’Europe, les députés auraient à couvrir jusqu’à une vingtaine de pays !

Par ailleurs, le choix du découpage électoral pourrait aussi avoir des incidences sur la sincérité du scrutin. En outre, le gel du nombre maximal de députés va sérieusement compliquer les choses. Nous risquons de nous retrouver dans la même situation qu’en Italie, où la création d’une circonscription « étranger » avait entraîné une modification de la répartition des sièges à la Chambre des députés car le nombre total de parlementaires y était resté inchangé. Un scénario identique aurait pour fâcheuse conséquence de mettre les élus dos à dos et de stigmatiser les représentants des Français de l’étranger. Nous refusons donc que le chiffre de 577 soit figé dans le marbre de la Constitution.

Nous sommes sensibles aux avancées proposées sur ce point précis des Français de l’étranger, mais nous porterons une appréciation plus globale sur l’ensemble de ce projet de réforme.