Le 16 février, le Sénat a adopté définitivement le projet de loi ratifiant l’ordonnance du 11 septembre 2019 portant partie législative du code de la justice pénale des mineurs (CJPM).

À compter du 30 septembre prochain, le CJPM remplacera l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante.

Adoptée alors que le second conflit mondial n’était pas encore achevé, la fameuse ordonnance de 1945 a posé les principes qui régissent depuis plus de soixante-quinze ans la justice pénale des mineurs en France. Modifiée à de nombreuses reprises, elle a progressivement perdu sa cohérence et est devenue « peu accessible tant pour les professionnels de la justice pénale des mineurs que pour les justiciables ».

Le CJPM réaffirme les principes fondateurs de la justice pénale des mineurs, à savoir l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs en fonction de l’âge, le primat de l’éducatif sur le répressif et le principe de spécialisation des juridictions ou de l’emploi de procédures appropriées. Le Parlement y a ajouté la prise en considération de l’intérêt supérieur des mineurs.

Tout en conservant le principe selon lequel les mineurs sont pénalement responsables lorsqu’ils sont capables de discernement [*], le CJPM introduit une présomption simple de discernement pour les mineurs âgés de plus de 13 ans, et symétriquement, une présomption simple d’irresponsabilité pénale avant 13 ans. Chaque année, environ 2.000 mineurs de moins de 13 ans font l’objet de poursuites pénales, ce qui représente une faible part des quelque 58.000 poursuites engagées contre des mineurs.

La principale innovation du CJPM est la césure du procès pénal. Au cours d’une première audience, la juridiction devra statuer sur la culpabilité du mineur et, le cas échéant, sur les réparations accordées à la victime. Lors d’une seconde audience, elle devra statuer sur la sanction (mesure éducative ou peine). Dans l’intervalle, le mineur déclaré coupable sera soumis à une période de mise à l’épreuve éducative, durant laquelle pourront être prononcées, cumulativement ou alternativement, des mesures d’investigation, une mesure éducative judiciaire provisoire (mise en œuvre par la protection judiciaire de la jeunesse), ainsi que des mesures de sûreté (contrôle judiciaire ou, à partir de 16 ans, assignation à résidence avec surveillance électronique).

À titre exceptionnel, la juridiction pourra statuer au cours d’une même audience sur la culpabilité et la sanction. Cette audience unique ne pourra se tenir qu’à la double condition que les faits sont d’une certaine gravité et que le mineur est déjà connu de la justice.

Afin de réduire les délais de jugement et « donner davantage de sens à la sanction prononcée », le CJPM prévoit que la première audience devra se tenir dans un délai compris entre dix jours et trois mois à compter de la fin de l’enquête. Quant au prononcé de la sanction, il devra intervenir dans un délai compris entre six et neuf mois. Actuellement, la procédure n’est pas encadrée dans le temps. Elle entraîne des délais de jugement longs (dix-huit mois en moyenne). Il s’ensuit que 45% des affaires sont jugées après que le mineur a atteint ses 18 ans.

Par ailleurs, les nombreuses mesures éducatives existantes sont remplacées par l’avertissement judiciaire et la mesure éducative judiciaire. Le contenu de cette dernière pourra être modifié à tout moment pour tenir compte de l’évolution du mineur : insertion (accueil de jour, internat scolaire, établissement d’enseignement ou de formation professionnelle), placement (famille d’accueil, foyer), santé (prise en charge sanitaire ou placement dans un établissement de santé ou médico-social), réparation (à l’égard de la victime ou dans l’intérêt de la collectivité).

Pour ce qui concerne les peines, le CJPM ne modifie pas les règles en vigueur (non application de certaines peines ; maintien de la possibilité d’écarter la règle d’atténuation de la peine si le mineur est âgé de plus de 16 ans, au regard des circonstances de l’espèce et de la personnalité et de la situation du mineur ; etc.). La seule modification concerne la possibilité, pour le juge des enfants, de prononcer certaines peines dans le cadre d’une audience de cabinet (seul le tribunal pour enfants est actuellement compétent).

En vue de limiter le recours à la détention provisoire, le CJPM prévoit qu’elle ne peut être décidée qu’en cas de violation répétée ou d’une particulière gravité de ses obligations par le mineur et si le simple rappel ou l’aggravation de ses obligations apparaît insuffisant. Le code prévoit également l’interdiction du recours à la visioconférence pour le débat sur le placement en détention provisoire. Actuellement, la détention provisoire concerne 80% des mineurs emprisonnés.

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[*] Le discernement suppose que le mineur « a compris et voulu son acte » et « est apte à comprendre le sens de la procédure pénale dont il fait l’objet ».