La journée Anti-Acta du 11 Février, soutenue par le Parti Socialiste Européen, a été un succès. Je me réjouis de la forte mobilisation des citoyens et des internautes européens, qui ont fait éclater au grand jour le mécontentement de la société civile contre cet accord négocié dans le plus grand secret par la Commission européenne.

L’intention - protéger la propriété intellectuelle de la contrefaçon en établissant des normes internationales harmonisées – était bonne. Cependant l’ACTA est  inacceptable sur le fond et sur la forme.

Sur le fond

1/Les normes fixées par l’ACTA pour la protection intellectuelle sont en retrait par rapport à ce que nous connaissons (au niveau communautaire et au niveau national).
La directive du 22 mai 2001 fournit un encadrement juridique du droit d’auteur et des droits voisins en prévoyant des exceptions et des limitations à ces droits. Or, l’ACTA fragilise cet encadrement en menaçant l’harmonisation de ces exceptions au sein de l’UE et en restreignant potentiellement la possibilité d’élargir la catégorie des exceptions dans le futur.

2/Un bon accord se caractérise par la conciliation entre les différents droits et les différentes libertés mis en balance. L’accord ACTA n’a pas trouvé ce juste milieu. Il sacrifie les libertés individuelles et les droits fondamentaux au droit de propriété (intellectuelle).
En matière de contrôle des activités en ligne, l’ACTA confère un pouvoir de contrôle démesuré aux fournisseurs d’accès à internet au détriment du droit à la vie privée et à la confidentialité des internautes. Les fournisseurs de services internet pourraient être amenés à surveiller et à filtrer les données qu’ils hébergent et à suspendre l’abonnement de leurs clients.
En plus des coups portés aux droits des internautes, l’accord menace l’accès, le commerce et le développement des médicaments génériques. Il faudrait prévoir une exclusion explicite et absolue des brevets, comme le réclame la proposition de résolution commune des groupes de gauche au Parlement européen.

3/Parmi les états ayant participé aux négociations (USA, Canada, Corée du Sud…), seuls le Maroc et le Mexique sont des pays en voie de développement. Cette absence illustre le manque de prise en considération des politiques de développement dans cet accord. On note aussi celle des grands émergents, d’autant plus problématique que la Chine et l’Inde sont les pays « cibles » en matière de contrefaçon.

Sur la forme

L’accord a été négocié en dehors des instances internationales (OMC), dans le plus grand secret (à huit clos entre 2007 et 2010) et sans consultation ni du Parlement européen, ni de la société civile.

Cette politique du fait accompli n’est pas acceptable au regard des enjeux. Le Parlement européen devra se prononcer sur le texte dans les mois à venir. Je soutiens l’opposition des groupes de gauche et du rapporteur S&D, qui refusent de réduire le Parlement européen au rôle de chambre d’enregistrement d’un accord liberticide négocié dans son dos.

Aujourd’hui, plusieurs États, comme la Pologne, la République Tchèque et l’Allemagne, ont décidé de geler le processus de ratification d’ACTA dans l’attente d’une expertise juridique sur les points portant atteinte aux libertés. Pourquoi le Gouvernement français ne fait-il pas de même ?