Dans la nuit du 22 au 23 février, la majorité de gauche du Sénat a rejeté le projet de loi de finances rectificative pour 2012 en adoptant par 174 voix contre 157 une motion de procédure présentée par ma collègue Nicole Bricq, rapporteure générale du budget.

Nous avons estimé qu’il n’y avait pas lieu de débattre dans la mesure où la plupart des dispositions de ce texte sont prévues pour entrer en vigueur après les élections présidentielle et législatives.

Nous avons également considéré que plusieurs des mesures proposées par le Gouvernement sont politiquement inacceptables et économiquement dangereuses.

Il en est ainsi de la création de la "TVA Sarkozy", qui vise à transférer une partie des cotisations patronales famille vers la consommation (hausse de 1,6 point du taux normal de TVA). Le Gouvernement justifie cette mesure par la nécessité de baisser le coût du travail en France, dont le niveau prétendument élevé serait "responsable de la désindustrialisation et du creusement des déficits extérieurs". Cet argument est fallacieux car aucune dérive particulière des coûts salariaux français n’a été constatée au cours des dernières années.

Par ailleurs, ce dispositif ne permettra pas d’atteindre les objectifs poursuivis par le Gouvernement.

La "TVA Sarkozy" ne sera pas efficace pour lutter contre les délocalisations car l’allègement des charges patronales ne permettra pas de combler l’écart de coûts salariaux entre la France et les pays à bas salaires

S’agissant des effets sur l’emploi, ils sont incertains. D’après Nicole Bricq, une telle mesure générerait au mieux 30.000 emplois et pourrait même en détruire 40.000. On est donc bien loin des 75.000 à 120.000 emplois supplémentaires espérés par le Gouvernement.

Par ailleurs, la "TVA Sarkozy" n’aura aucun impact sur la compétitivité étant donné que la perte de compétitivité trouve principalement son origine dans les faiblesses structurelles de l'offre française. C’est pourquoi nous proposons de combler le déficit commercial (69,6 milliards d'euros en 2011) en favorisant notamment l’amélioration de la compétitivité hors coût. Concrètement, la relance des exportations passe par une montée en gamme des produits français – via un accroissement des efforts de recherche et développement des entreprises françaises – ainsi que par l’augmentation du nombre de PME exportatrices.

La "TVA Sarkozy" participe également d’une logique non coopérative. La majorité de nos échanges commerciaux est en effet réalisée avec nos partenaires de l’Union européenne.

En revanche, il ne fait aucun doute que la hausse de la TVA aura un impact négatif sur le pouvoir d’achat des ménages français, à commencer par les plus pauvres. Pour s’en convaincre, il suffit de rappeler que les augmentations de TVA en France (1995), en Allemagne (2007) et au Royaume-Uni (2011) ont toutes pesé négativement sur la consommation. Par ailleurs, en 2007, Christine Lagarde, alors ministre de l’économie, admettait que la TVA dite "sociale" provoquerait une hausse des prix et n’était pas opportune en période de ralentissement économique !

La droite n’a visiblement pas tiré les leçons de ses échecs. Les Français, pour leur part, ne sont pas dupes. Ils ont compris que Nicolas Sarkozy et son gouvernement font fausse route. Un récent sondage a en effet montré que plus de six personnes sur dix rejettent la "TVA anti-sociale".

Outre la "TVA Sarkozy", le projet de loi de finances rectificative pour 2012 prévoit aussi la hausse de deux points du taux de CSG sur les revenus du capital. Cette mesure vise à augmenter la contribution de ces revenus au financement de la sécurité sociale. Je déplore que le Gouvernement n’ait pas proposé, par la même occasion, d’améliorer leur participation au financement de l’État en les soumettant obligatoirement au barème de l’impôt sur le revenu, comme le propose François Hollande.

Quant à la création d’une taxe sur les transactions financières, elle constitue une occasion manquée. Il s’agit d’une taxe a minima qui ne frappera pas les transactions les plus spéculatives et dont le produit, au grand dam des acteurs du développement, servirait intégralement à renflouer les caisses de l’État et non à aider les pays les plus pauvres. Autrement dit, le Gouvernement se contente de rétablir l’impôt de bourse qu’il avait lui-même supprimé en 2008 tout en reniant les engagements qu'il avait pris dans le cadre du G20. Comprenne qui pourra…