Le mardi 17 janvier 2012, je suis intervenu dans les débats du projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2011.

Vous trouverez ci-dessous un extrait des débats.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je commencerai, si vous le voulez bien, par m’adresser à M. Delattre, qui a qualifié ce débat de « comédie ».

M. Francis Delattre. Mais oui !

M. Richard Yung. Tout d’abord, nous sommes loin de Dante. Et puis, ce n’est pas le mot qui me paraît convenir. En effet, derrière les chiffres que nous vous rappelons, que nous vous répéterons, et que vous ne contestez pas, même s’ils vous font mal, il y a beaucoup de malheurs, du chômage, de la misère, de la pauvreté. Par conséquent, dans ce débat, je ne me sens guère d’humeur à sourire.

Notre propos est sévère, mais il est juste. En réalité, nous appuyons là où ça vous fait mal !

M. Philippe Dallier. On verra !

M. Richard Yung. Non, il n’y a pas de « On verra » ! Nous parlons du passé : on a vu !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Il faudra nous expliquer !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. La polémique est inutile !

M. Richard Yung. Monsieur le président Marini, ce n’est pas moi qui ai utilisé le mot « comédie » !

M. Francis Delattre. Le raisonnement élimine la raison !

M. le président. Monsieur Delattre, laissez M. Yung s’exprimer.

M. Richard Yung. Nous procédons donc à l’examen du projet de loi de règlement pour 2011. Cela a déjà été dit, mais je le répète : la réduction du déficit qui y est affichée est un trompe-l’œil.

L’adoption de quatre lois de finances rectificatives l’année dernière est symptomatique, au moins, d’une grande difficulté à assurer la gestion des finances publiques et à suivre l’évolution de l’économie…

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Cela s’appelle de la réactivité !

M. Francis Delattre. De la flexibilité !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Cela relevait de la nécessité ! Et ne dites pas : « Fontaine, je ne boirai pas de ton eau » !

M. Richard Yung. Le dernier collectif adopté, qui répondait à un impératif budgétaire lié à la crise, était en fait de nature européenne.

En revanche, les autres modifications apportées au budget initial montrent que le gouvernement Fillon n’avait pas anticipé la dégradation de la conjoncture économique, pourtant annoncée depuis longtemps par des instituts de conjoncture.

M. Philippe Dallier. Hollande, lui, a tout prévu !

M. Richard Yung. Dès le deuxième trimestre de 2011, la croissance économique a été faible, voire atone. Or, à cette époque, vous chantiez sur tous les tons les grands mérites de la seule austérité. Et lorsque certains parmi nous osaient avancer l’idée selon laquelle un peu de relance économique améliorerait grandement la situation, vous nous traitiez d’irresponsables. Vous arguiez du fait que vous, vous étiez aux affaires, que nous, nous n’y étions pas, etc.

M. Francis Delattre. Mais nous ne sommes pas des austères !

M. Richard Yung. Et pourtant, la chute des investissements, de notre potentiel industriel et, par conséquent, de la compétitivité s’est poursuivie pendant cette période. Et c’est à nous qu’il revient maintenant de relever le défi de la compétitivité !

Par ailleurs, comme cela a été indiqué, l’exécution budgétaire a été marquée par une réduction des dépenses de l’État. Cependant, celle-ci a été facilitée par différents phénomènes conjoncturels : taux d’inflation de 2 %, moindres dépenses au titre du fonds de compensation de la TVA, etc.

Nous avions noté – ce point a d’ailleurs longuement été évoqué en commission des finances – l’évolution de la masse salariale, qui prouve que la RGPP n’a pas atteint ses objectifs. La mise en œuvre de la politique de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite n’a pas produit les effets escomptés.

M. Francis Delattre. Voilà pourquoi vous allez instaurer la règle du « deux sur trois » !

M. Richard Yung. Elle a été appliquée de façon mécanique, comme plusieurs de mes collègues l’ont souligné. Plaidant un peu pour ma « paroisse », je précise que 72 % des départs à la retraite ayant eu lieu au sein du réseau consulaire n’ont pas été remplacés. De ce fait, eu égard aux effectifs dont elle dispose, la France ne peut plus maintenir un réseau de deux cents consulats à travers le monde.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Comment allons-nous faire l’année prochaine ?

M. Richard Yung. Un débat devra d’ailleurs être ouvert sur ce que l’on appelle l’« universalité du réseau consulaire ».

Je ne développerai pas ce point de mon intervention, des exemples ayant été donnés au préalable par différents collègues.

J’en viens maintenant aux heures supplémentaires, auxquelles le journal Libération consacre aujourd’hui une demi-page. Grâce aux heures supplémentaires, dont ont bénéficié en particulier certaines catégories d’enseignants, il en est parmi eux qui ont pu doubler leur salaire !

M. Philippe Dallier. Ce n’est quand même pas la majorité des cas !

M. Francis Delattre. Et ils n’ont pas été reconnaissants !

M. Richard Yung. Pour la seule éducation nationale, le coût de cette mesure s’est élevé à 1,5 milliard d’euros. Il s’agit bien d’un dérapage ! Et vous conviendrez avec moi que, de toute façon, le doublement du salaire des enseignants n’était tout de même pas l’objectif visé.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ne vous fâchez pas avec les membres de l’éducation nationale !

M. Richard Yung. Nous en discuterons la semaine prochaine ! De cela et des cotisations sociales…

S’agissant des recettes, l’année 2011 a été marquée par les effets d’un certain nombre de décisions, que nous avions critiquées en leur temps. Ainsi, la loi TEPA a entraîné pour l’État un manque à gagner de près de 12 milliards d’euros. L’instauration du taux réduit de TVA dans la restauration, grande invention s’il en est, a coûté 3 milliards d’euros.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Vous allez supprimer brutalement ce taux réduit !

M. Richard Yung. La réforme de la taxe professionnelle a, quant à elle, coûté 7 milliards d’euros.

À toutes ces mesures, dont le coût total atteint 22 milliards d’euros, il faut ajouter l’allégement de l’ISF, adopté en pleine tempête financière – 400 millions d’euros – et la forte baisse du rendement de l’impôt sur les sociétés, soit près de 5 milliards d’euros !

Il y a donc eu conjugaison de cadeaux fiscaux, de niches, et d’une baisse non négligeable du rendement de l’impôt.

Le creusement de la dette fiscale et, par conséquent, de la dette publique aurait pu être vertueux s’il avait aidé à la relance de la croissance économique et à la création d’emplois. Mais ces cadeaux fiscaux se sont mués en dividendes, en dépenses immobilières, voire en gaspillages divers.

Au fond, nous sommes face au paradoxe d’une politique qui a été à la fois injuste et inefficace. Injuste puisqu’elle n’a pas concerné les catégories sociales qui en avaient besoin et inefficace puisque… le résultat obtenu parle de lui-même !

M. Philippe Marini, président de la commission des financess. Profitez-en, cela ne durera pas toujours !

M. Richard Yung. Certes, monsieur le président, car, la mémoire étant courte, vous oublierez encore plus vite que tout le monde !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. On n’est jamais aussi bien servi que par soi-même !

M. Richard Yung. Il est donc tout à fait normal que nous fassions ces rappels. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Francis Delattre. Mais les réalités sont têtues !

M. Richard Yung. Tout à fait, et c’est bien pourquoi vous n’aimez pas qu’on vous les rappelle. En fait, vous n’aimez pas ce débat !

M. Francis Delattre. Mais si !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. On vous dit simplement : « Profitez-en ! »

M. Philippe Dallier. Vous n’êtes pas honnête !

M. le président. Mes chers collègues, la parole est à M. Yung et à lui seul !

M. Richard Yung. Je ne suis pas honnête ?

M. le président. Ne cherchez pas non plus à provoquer ! Poursuivez votre propos !

M. Richard Yung. Chers collègues de l’opposition, vous ne pouvez pas contester un seul des chiffres que je rappelle.

Le temps de parole qui m’a été accordé arrivant à son terme et l’opposition n’aimant pas mes propos (Exclamations sur les travées de l'UMP.),…

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Mais vous lui rendez service, à l’opposition !

M. Richard Yung. … je vais conclure mon intervention.

La dette s’élève à 1 800 milliards d’euros. Avez-vous divisé cette somme par 60 millions de Français ?

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Bien sûr !

M. Richard Yung. Cela fait 30 000 euros par Français ! C’est quasiment un record mondial.

M. Francis Delattre. On verra dans cinq ans !

M. Richard Yung. Chers collègues de l’opposition, vous criez beaucoup mais, paradoxalement, vous allez voter le présent projet de loi.

M. Francis Delattre. Vous aussi !

M. Richard Yung. Effectivement. Par conséquent, nous devrions nous entendre, même si nous n’avons pas les mêmes raisons de voter ce texte.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Nous n’en faisons surtout pas la même lecture !

M. Richard Yung. Quoi qu’il en soit, le projet de loi de règlement que nous examinons est le reflet fidèle du désastre de la gestion précédente. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)