Le 8 mars 2010, à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, la délégation parlementaire du Sénat aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, dont je suis membre, a organisé un colloque sur les crimes « d’honneur » et les mariages forcés.

Des violences gravissimes

Ces deux formes extrêmes de violence touchent principalement les femmes migrantes ou issus de l’immigration. Les crimes « d’honneur » et les mariages forcés sont alors à tort considérés comme un problème « exotique » qui nous est étranger. La peur de stigmatiser les populations migrantes et leurs enfants ou petits-enfants a conduit à une forme d’acceptation. Or, il faut pointer du doigt ces pratiques d’un autre âge et les combattre pleinement.

Aucune considération liée à la coutume, la tradition, la religion ou la culture ne doit pouvoir exonérer les horreurs faites aux femmes. Il ne faut pas, de plus, faire une amalgame entre l’islam et ses pratiques relevant avant tout de l’obscurantisme. En Europe, il y a pas si longtemps, les mariages étaient arrangés et l’on plaçait les femmes « insoumises » dans les couvents comme l’avait rappelé le film Magdalene sisters. De même, la qualification de crime passionnel n’est pas éloignée de celle de crime « d’honneur ».

Le mariage forcé : une trahison de la famille et un viol perpétuel

Les mariages forcés ne sont pas nouveaux mais on en parle plus – et heureusement – car certaines jeunes filles se défendent. Intégrées à la société française, elles connaissent leurs droits. Elles se battent, s’enfuient, cherchent de l’aide auprès des associations, des autorités, et témoignent courageusement de leur calvaire lorsqu’elles s’en sortent – Fatou Diouf et Karima sont ainsi venues nous parler de leur expérience. Cependant, cela reste la partie émergée de l’iceberg. Combien de femmes se battent pour combien qui se taisent ?

Le crime « d’honneur » : un crime inexcusable

On compte environ 5 000 crimes « d’honneur » par an dans le monde. Auxquels il faut rajouter les actes de torture, les immolations, les viols collectifs ou non et les suicides déguisés… Les crimes « d’honneur » sont en effet souvent déguisés en suicides, comme le montre indirectement l’exemple de la Turquie. Cet État a traité le problème des crimes « d’honneur » comme un fléau national et a rendu la loi plus sévère envers les crimes « d’honneur ». Cependant, si leur nombre a diminué, le nombre de suicide - notamment de défenestration, d’ingestion de poisons … – a quant à lui augmenté …

Les crimes « d’honneur » sont le plus souvent exécutés par le benjamin des frères à la demande de toute la famille qui cherche à rétablir son honneur « déchu » face au reste de la communauté. Comme l’ont rappelé l’ensemble des intervenants il n’y a pas d’honneur dans le crime comme il n’existe pas de crime passionnel. Un crime est un crime.

Un ensemble d’acteurs à mobiliser et un meilleur investissement des pouvoirs publics

Il faut une réelle prévention pour que chaque jeune fille connaisse ses droits, que l’ensemble des acteurs sociaux mais aussi des enseignants – les premiers à remarquer une absence – sachent à qui s’adresser dans une telle situation. Christine Jama, juriste et directrice de l’association Voix de femmes, a souligné le bon travail des policiers et des gendarmes – à quelques exceptions près… – notamment lorsqu’ils conseillent aux jeunes filles de porter plainte. A l’inverse, elle a expliqué que les éducateurs avaient parfois une attitude ambiguë sur le caractère forcé du mariage. De même, les assistant(e)s sociales ne sont pas assez souvent soutenu(e)s par leur hiérarchie.

Claudine Serre, chef du bureau de la protection des mineurs et de la famille à la Direction des Français de l’étranger, a quant à elle rendu hommage aux représentants de l’Assemblée des Français de l’étranger (AFE) qui aident ces jeunes filles sur le terrain. Elle a aussi rappelé le travail important du Quai d’Orsay – notamment dans la recherche des jeunes filles –, des consulats et ambassades.

Connaissant le terrain, les associations ont un rôle primordial. Les autorités publiques doivent les soutenir. Or, c’est avec émotion que nous avons appris le possible dépôt de bilan de ELELE – Migrations et cultures de Turquie par sa directrice, Gaye Petek. Cette association, travaillant à l’intégration des personnes originaires de Turquie, n’a plus assez de moyens.

Ce sont majoritairement les collectivités territoriales qui subventionnent ces associations. Cependant, celles-ci voyant leur budget contraint par les désengagements de l’Etat et les transferts de compétences sans transferts de moyens doivent se re-concentrer sur les compétences obligatoires que leur attribue la loi et diminuent les aides à l’intention des associations.

Les jeunes femmes doivent bénéficier d’une vrai protection dans un lieu secret, à l’écart de la famille. Actuellement, la territorialisation amènent les jeunes filles à rester dans la même ville. De même, il faut qu’elles soient totalement prises en charge et suivies psychologiquement. Ce sont de vraies traumatisées, elles ont été trahies par leur famille, avec laquelle elles ont, par ailleurs, du mal à rompre, et ne savent plus vers qui se tourner.

Une meilleure sensibilisation de l’opinion publique nécessaire

Le rôle des médias est important dans la manière dont ils relaient les crimes « d’honneur » ou les mariages forcés. En effet, au lieu de faire des campagnes de sensibilisation, ils présentent des scoops et des faits divers sensationnels. A chaque nouvelle affaire reprise par les médias les gens s’émeuvent pour un temps mais cela reste considéré comme un problème exceptionnel et marginal. Or, cette question doit être prise à bras le corps par les autorités. Il en va de la vie de jeunes filles.

On notera que les jeunes hommes sont aussi victimes de mariages forcés et de crimes « d’honneur ». Les mariages forcés concernent pour un tiers les hommes et deux tiers les femmes, et les hommes homosexuels sont souvent la cible de crimes « d’honneur ». Cependant, nous avons peu parlé d’eux lors de cette journée consacrée aux femmes, car la majeure partie des victimes reste féminine…