Hier, lors de l’examen du projet de loi sur la bioéthique au Sénat, le groupe socialiste a élargi l’assistance médicale à la procréation (AMP) en l’ouvrant « à tous les couples », donc de facto aux couples homoparentaux. Notre amendement a été voté de justesse et contre l’avis de Xavier BERTRAND. Le rapporteur M. Alain MILON a voté pour, à titre personnel.

Par contre notre amendement visant à autoriser la gestation pour autrui (GPA), autrement dit la pratique des mères porteuses, a été rejeté. Le débat a été passionné, transcendant le clivage gauche/droite. La GPA, interdite, fait débat en France. Elle revient régulièrement sur le devant de la scène, comme récemment avec l’arrestation de deux Français à la frontière ukraino-hongroise qui avaient tenté de sortir illégalement d’Ukraine deux jumelles de deux mois, nées d’une mère porteuse en Ukraine.

De même notre amendement qui aurait permis la transcription à l’état civil des actes de naissance étranger d’enfants nés à l’étranger par GPA a été rejeté.

Vous pouvez lire ci-dessous des extraits des débats.

Vous pouvez aussi lire le communiqué du groupe socialiste et mon billet « Éthique la bioéthique ? » sur le blog.

Article 20

M. Richard Yung. - Cet article affirme la finalité médicale de l'AMP et l'ouvre aux pacsés. Nous proposerons de supprimer tout critère relatif au mode d'union des couples et d'ouvrir l'AMP aux couples homosexuels : l'orientation sexuelle des futurs parents, pourvu qu'ils soient liés par un projet familial, relève de leur vie privée et ne nous regarde pas. Les jurisprudences européenne et française l'ont dit, aucune discrimination ne doit être fondée sur l'orientation sexuelle.

Ensuite, la société ne doit plus avoir peur de l'homoparentalité ; quoi que nous en pensions, nous devons en prendre acte. Les enfants élevés par des parents du même sexe ne sont ni plus heureux ni plus malheureux que les autres et ne se différencient pas des enfants des couples hétérosexuels -c'est ce que démontrent de nombreuses études. Être élevé dans une famille homoparentale n'est pas un facteur de risque pour un enfant. Nombre de pays ont déjà adapté leur législation pour reconnaître cette évolution de la société et mieux respecter les projets parentaux.

[…]

Mme la présidente. - Amendement n°25 rectifié, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

I. - Alinéa 3, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

II. - Alinéas 4 à 6

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

2° A la première phrase du dernier alinéa, les mots : « L'homme et la femme formant le couple doivent être vivants, en âge de procréer, mariés ou en mesure d'apporter la preuve d'une vie commune d'au moins deux ans et consentant » sont remplacés par les mots : « Les personnes formant le couple doivent être vivants, en âge de procréer et consentir ».

M. Jean-Pierre Godefroy. - La législation française réserve l'AMP à des cas très précis ; elle est fondée sur le modèle familial dominant. Or les formes de couples et de parentalité ont évolué depuis 1994 ; il est majoritairement admis aujourd'hui que sexualité et procréation puissent être découplées.

L'AMP doit s'ouvrir à ces autres formes de parentalité, à tous les couples -et quelle que soit la cause, médicale ou sociale, de l'infertilité. Seul doit compter la consistance du projet parental, c'est l'intérêt de l'enfant.

L'homoparentalité n'a pas de conséquences négatives pour les enfants, il faut le reconnaître. Mon propos vaut défense de l'amendement n°26.

[…]

M. Alain Milon, rapporteur. - Avis défavorable aux neuf amendements. Je note que MM. de Legge et Godefroy défendent le même amendement, pour des raisons inverses...

M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis. - Le Conseil d'État a estimé que l'AMP n'est pas le bon moyen d'aborder la question de l'homoparentalité. La commission des lois a pris en compte l'intérêt de l'enfant pour émettre un avis défavorable aux neuf amendements.

La stabilité d'un couple peut être appréciée de différentes manières ; le Pacs est incontestablement la preuve d'un engagement et un élément suffisant de preuve de stabilité.

M. Xavier Bertrand, ministre. - Le constat d'infertilité reste la condition d'accès à l'AMP alors que plusieurs des amendements proposent un critère sociétal. Le Gouvernement n'est pas prêt à suivre cette logique. Il est défavorable à tous les amendements, sauf à ceux qui rétablissent son texte.

[…]

L'amendement n°25 rectifié est adopté.

[…]

Articles additionnels

M. le président. - Amendement n°2 rectifié quater, présenté par M. Milon, Mmes Dini et Bout et MM. Beaumont, Carle et Mayet.

Après l'article 22 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de la santé publique est ainsi modifié :

[…]

« Gestation pour autrui

« Art. L. 2144-1. - La gestation pour autrui est le fait, pour une femme, de porter en elle un ou plusieurs enfants conçus dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation en vue de les remettre, à leur naissance, à un couple demandeur selon les conditions et modalités définies au présent titre.

« Art. L. 2144-2. - Peuvent bénéficier d'une gestation pour autrui les couples qui remplissent, outre les conditions prévues au dernier alinéa de l'article L. 2141-2, celles fixées aux alinéas suivants :

« 1° L'homme et la femme doivent tous deux être domiciliés en France ;

« 2° La femme doit se trouver dans l'impossibilité de mener une grossesse à terme ou ne pouvoir la mener sans un risque d'une particulière gravité pour sa santé ou pour celle de l'enfant à naître ;

« 3° L'enfant doit être conçu avec les gamètes de l'un au moins des membres du couple.

« Art. L. 2144-3. - Peut seule porter en elle un ou plusieurs enfants pour autrui, la femme majeure, domiciliée en France et ayant déjà accouché d'un enfant au moins sans avoir rencontré de difficulté particulière durant la grossesse puis l'accouchement.

« Une femme ne peut porter pour autrui un enfant conçu avec ses propres ovocytes.

« Une mère ne peut porter un enfant pour sa fille.

« Une femme ne peut mener plus de deux grossesses pour autrui.

« Art. L. 2144-4. - Les couples désireux de bénéficier d'une gestation pour autrui et les femmes disposées à porter en elles un ou plusieurs enfants pour autrui doivent en outre obtenir l'agrément de l'Agence de la biomédecine.

« Cet agrément est délivré après évaluation de leur état de santé physique et psychologique par une commission pluridisciplinaire dont la composition est fixée par décret.

« Il est valable pour une durée de trois ans renouvelable.

« Tout refus ou retrait d'agrément doit être motivé.

« Art. L. 2144-5. - La mise en relation d'un ou de plusieurs couples désireux de bénéficier d'une gestation pour autrui et d'une ou de plusieurs femmes disposées à porter en elles un ou plusieurs enfants pour autrui ne peut donner lieu ni à publicité ni à rémunération. Elle ne peut être réalisée qu'avec l'agrément de l'Agence de la biomédecine.

« Art. L. 2144-6. - Le transfert d'embryons en vue d'une gestation pour autrui est subordonné à une décision de l'autorité judiciaire.

« Le juge s'assure du respect des articles L. 2144-1 à L. 2144-5.

« Après les avoir informés des conséquences de leur décision, il recueille les consentements écrits des membres du couple demandeur, de la femme disposée à porter en elle un ou plusieurs enfants pour leur compte et, le cas échéant, celui de son conjoint, de son concubin ou de la personne avec laquelle elle a conclu un pacte civil de solidarité.

« Le juge fixe la somme que les membres du couple demandeur doivent verser à la femme qui portera en elle un ou plusieurs enfants pour leur compte afin de couvrir les frais liés à la grossesse qui ne seraient pas pris en charge par l'organisme de sécurité sociale et les organismes complémentaires d'assurance maladie. Cette somme peut être révisée durant la grossesse. Aucun autre paiement, quelle qu'en soit la forme, ne peut être alloué au titre de la gestation pour autrui.

« Art. L. 2144-7. - Toute décision relative à une interruption volontaire de la grossesse est prise, le cas échéant, par la femme ayant accepté de porter en elle un ou plusieurs enfants pour autrui.

« Art. L. 2144-8. - Aucune action en responsabilité ne peut être engagée, au titre d'une gestation pour autrui, par les membres du couple bénéficiaire de cette gestation, ou l'un d'entre eux, à l'encontre de la femme ayant accepté de porter en elle un ou plusieurs enfants pour leur compte. »

[…]

M. le président. - Amendement identique n°75 rectifié, présenté par M. Godefroy, Mmes M. André et Le Texier, M. Michel, Mmes Cerisier-ben Guiga et Lepage, MM. Yung, Kerdraon, Rebsamen, C. Gautier, Lagauche, Botrel et Frimat, Mme Campion, MM. Madec et Courteau, Mme Schillinger, MM. Guillaume, Mazuir, Piras, Marc, Signé et Desessard, Mmes Boumediene-Thiery et Blandin, MM. Andreoni et Chastan, Mme Laurent-Perrigot, M. Badinter, Mme Blondin et M. Carrère.

M. Jean-Pierre Godefroy. - La liberté de procréer est un droit fondamental, élargi par les progrès de la science.

Je vois dans la GPA une technique supplémentaire pour lutter contre l'infertilité : sa légalisation doit être strictement encadrée, comme le prévoyait la proposition de loi de Mme André.

Il s'agit de répondre à des demandes précises, limitées, celles des couples dont la femme, pour raisons médicales, ne peut porter un enfant : ce n'est donc pas une pratique de confort.

La GPA se différencie de la pratique des mères porteuses : la femme qui porte l'enfant ne pourra donner son patrimoine génétique. C'est un don de vie qui permet de sortir de situations de souffrance.

L'agrément de l'Agence de biomédecine sera requis, ainsi que l'autorisation du juge judiciaire, chargé de vérifier que le consentement des parties est éclairé.

Ainsi entendue, la GPA est un « don gestationnel », conforme à notre cadre éthique, altruiste et non lucratif.

La marchandisation peut être évitée grâce à une procédure qui l'encadre strictement, à la différence de ce qui prévaut dans certains pays, comme l'Inde ou l'Ukraine.

En refusant la GPA en France, on l'encourage à l'étranger. Cette proposition est réaliste, pragmatique, rigoureuse. Ce débat, que l'on ne peut occulter, honore notre assemblée.

[…]

M. Bruno Retailleau. - Je reconnais à mes collègues le mérite de la ténacité. M. Godefroy a défendu un amendement permettant aux homosexuels d'avoir des enfants : il est logique qu'il légalise la GPA.

[…]

M. Richard Yung. - Vous avez voulu jeter l'opprobre sur l'argumentation de M. Godefroy, en évoquant les couples homosexuels.

Mais dans la majorité des cas, les couples demandeurs sont hétérosexuels.

Nous révisons les lois de bioéthique et, sur ce point, silence total ! Votre conception, madame la ministre, s'est arrêtée au XIXe, celui de Balzac et d'Alexandre Dumas. Pour nous, le droit doit suivre l'évolution des moeurs. Je comprends que sur un tel sujet, le Gouvernement demande un scrutin public.

La Cour de cassation ne fait qu'interpréter notre droit : si l'on change le cadre juridique, elle suivra. La légalisation conduira à ne plus accepter, en revanche, que des parents français puissent s'adresser à l'étranger.

[…]

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants  286

Nombre de suffrages exprimés  281

Majorité absolue des suffrages exprimés  141

Pour l'adoption  80

Contre  201

Le Sénat n'a pas adopté.

[…]

M. le président. - Amendement n°29, présenté par M. Cazeau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 22 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 336-1 du code civil, il est inséré un article 336-2 ainsi rédigé :

« Art. 336-2. - Lorsque l'état civil de l'enfant a été établi par une autorité étrangère en conformité avec une décision de justice faisant suite à un protocole de gestation pour autrui, cet état civil est transcrit dans les registres français sans contestation possible aux conditions que la décision de justice soit conforme aux lois locales applicables, que le consentement libre et éclairé de la femme qui a porté l'enfant soit reconnu par cette décision et que les possibilités de recours contre cette décision soient épuisées. »

M. Jean-Pierre Godefroy. - On ne veut ni admettre la GPA ni reconnaître les enfants nés de la GPA -et l'on nous dit que la seule solution, c'est que les autres pays changent leur législation : bon courage !

Les enfants nés de la GPA en Californie sont américains, grâce au droit du sol, mais pas français -et s'ils étaient nés dans un pays où le droit du sol n'est pas admis, ils seraient apatrides. Accorder la nationalité française à des enfants nés de parents français, ce n'est pas la mer à boire ! C'est à nous de changer la loi, pas à la Cour de cassation.

L'amendement n°29 n'est pas adopté.