Tribune des sénateurs Richard Yung et Michèle André

La ministre des droits des femmes relance l’idée de la pénalisation des clients des travailleurs et travailleuses du sexe. Cette idée est défendue par plusieurs associations comme le Nid mais n’est pas partagée par des nombreuses autres associations.
Najat Vallaud-Belkacem a déclaré, dans une interview, vouloir faire disparaître la prostitution. Mais peut-on croire sérieusement que la pénalisation des clients fera disparaître le plus vieux métier du monde ?

De telles mesures ont déjà été adoptées dans les pays nordiques (Suède, Norvège) mais elles n’ont pas eu les résultats escomptés : la prostitution n’a pas disparu, la marginalisation et la précarisation des travailleuses et travailleurs du sexe s’est accrue.
Et en France, si le délit de racolage, institué en 2003 par la loi sur la sécurité intérieure, a fait disparaître les prostitué(e)s des centres villes, le commerce du sexe continue à s’exercer loin des yeux des gens bien comme il faut, dans des conditions dégradées.
Marginalisées les personnes prostituées font face à une augmentation des violences. En sachant leur activité criminalisée, elles se tournent encore moins facilement vers la police et finissent par avoir recours à des intermédiaires pour assurer leur protection, ce qui fait le jeu des proxénètes.
En se cachant, elles se trouvent isolées, éloignées des structures associatives qui peuvent les aider. Elles ont de plus en plus difficilement accès aux soins et aux programmes de lutte contre le VIH.
Pour toutes ces raisons, nous demandons l’abrogation du délit de racolage !

Le bilan des expériences nordiques et de l’instauration du délit de racolage prouve que la criminalisation de la prostitution pousse les travailleurs du sexe à l’exercer dans la clandestinité et augmente la dangerosité de leur métier.
Donc quelle hypocrisie de la part des partisans de la pénalisation et des chantres de l’abolitionnisme de prétendre agir dans le but de protéger les prostituées, même contre leur propre volonté.

Il y a des mesures à prendre pour protéger efficacement les travailleurs du sexe, tout en respectant leur choix. La première d’entre elle est l’abrogation du racolage passif !
Au lieu de parler pour eux, il faut écouter leurs revendications, portées, entre autres, par le Syndicat du travail sexuel (Strass) : abroger le délit de racolage, réprimer efficacement les violences à leur encontre, augmenter les moyens des associations, délivrer de plein droit un titre de séjour aux victimes étrangères de l’exploitation sexuelle…
Plutôt que d’adopter un volet répressif contre les prostituées et les clients, la France doit se donner les moyens humains pour poursuivre les proxénètes et durcir les sanctions contre eux tout en accentuant la lutte contre la traite des êtres humains au travers de coopérations internationales renforcées.

Enfin, à ceux qui brandissent l’étendard de la dignité pour interdire la prostitution, le Strass répond en demandant de permettre aux travailleuses et travailleurs du sexe, qui ont choisi ce métier, de pouvoir l’exercer dans des conditions dignes, c’est-à-dire avoir la possibilité de bénéficier de l’assurance maladie et de l’assurance retraite après paiement de leurs charges sociales et la possibilité de se réorienter professionnellement.

La pénalisation du client ne viendra pas à bout du plus vieux métier du monde. Alors, faisons preuve de réalisme et donnons aux travailleuses et travailleurs du sexe les droits qu’ils réclament !

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