Le 23 juillet, le Sénat a adopté définitivement le projet de loi de transformation de la fonction publique.

Selon le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics, Olivier Dussopt, ce texte vise à « bâtir la fonction publique du 21ème siècle » en modernisant le statut général des fonctionnaires, qui, soixante-treize ans après sa création, sera « adapté aux attentes des agents publics et de leurs managers, ainsi qu’aux nouveaux besoins de la société ».

Cette réforme est le fruit d’une concertation avec les organisations syndicales représentatives de la fonction publique, les représentants de l’État, des employeurs territoriaux et des employeurs hospitaliers. Elle s’articule autour de cinq axes.

1) Promotion d’un dialogue social plus stratégique et efficace dans le respect des garanties des agents publics

  • Fusion du comité technique (CT) et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) en une instance unique de concertation (comité social) ;
  • Redéfinition des compétences des commissions administratives paritaires (CAP), qui sont recentrées sur le champ disciplinaire et les situations individuelles les plus délicates ;
  • Développement du recours à la négociation collective dans la fonction publique (redéfinition de l’articulation des accords locaux et nationaux ; fixation des conditions dans lesquelles un accord local peut être pris sans accord national ; définition des cas dans lesquels les accords majoritaires disposent d’une portée ou d’effets juridiques).

2) Transformation et simplification de la gestion des ressources humaines

  • Élargissement du recours au contrat sur les emplois de direction dans les trois versants de la fonction publique (État, territoriale et hospitalière), sans remise en cause du statut et de ses valeurs (obligation, pour les agents contractuels, de suivre « une formation les préparant à leurs nouvelles fonctions, notamment en matière de déontologie ainsi que d’organisation et de fonctionnement des services publics ») ;
  • Extension du contrat de projet aux trois versants de la fonction publique (recrutement d’un agent par un contrat à durée déterminée dont l’échéance est la réalisation d’un projet ou d’une opération ; contrat conclu pour une durée minimale d’un an et pouvant être renouvelé dans la limite d’une durée totale de six ans) ;
  • Élargissement du recours au contrat pour pourvoir les emplois permanents des administrations de l’État (les catégories A, B et C seront concernées ; conditions : fonctions nécessitant des compétences techniques spécialisées ou nouvelles, impossibilité de pourvoir l’emploi par un fonctionnaire présentant l’expertise ou l’expérience professionnelle adaptée aux missions à accomplir, emploi ne nécessitant pas une formation statutaire donnant lieu à titularisation dans un corps de fonctionnaires) ;
  • Création d’emplois saisonniers dans la fonction publique hospitalière;
  • Élargissement du recours au contrat dans la fonction publique territoriale (possibilité, pour les communes de moins de 1.000 habitants et les groupements de communes regroupant moins de 15.000 habitants, de recourir à des agents contractuels « pour tous les emplois » ; etc.) ;
  • Extension de la prime de précarité aux trois versants de la fonction publique (mesure concernant les agents dont le contrat est d’une durée inférieure ou égale à un an et dont la rémunération brute globale est inférieure à un plafond fixé par décret) ;
  • Facilitation des mutations dans la fonction publique d’État (suppression de l’avis préalable de la CAP et recours à des lignes directrices de gestion ; encadrement des mouvements de fonctionnaires par des durées maximum et minimum ; etc.) ;
  • Suppression de la notation et généralisation de l’entretien professionnel comme modalité d’appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires ;
  • Suppression de l’avis consultatif de la CAP en matière d’avancement et de promotion interne dans les trois versants de la fonction publique et création de lignes directrices de gestion;
  • Révision de l’échelle des sanctions disciplinaires et harmonisation entre les trois versants de la fonction publique.

3) Simplification du cadre de gestion des agents publics

  • Renforcement des contrôles déontologiques dans la fonction publique (transfert des compétences de la commission de déontologie de la fonction publique à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique ; recentrage du contrôle des départs vers le secteur privé – « pantouflage » – et des cumuls d’activités sur les cas les plus sensibles ; contrôle du « rétro-pantouflage » lorsqu’un fonctionnaire revient du secteur privé ou lorsque l’administration recrute un contractuel issu du secteur privé ; etc.) ;
  • Publication annuelle des hautes rémunérations de la fonction publique (obligation, pour chacun des employeurs publics concernés, de publier sur leur site internet la somme des dix rémunérations les plus élevées et précision du nombre de femmes et d’hommes figurant parmi ces dix rémunérations) et publication d’informations sur le remboursement de la « pantoufle »(somme devant être remboursée par les fonctionnaires ne respectant pas leur obligation de servir pendant une durée minimale) ;
  • Encadrement de la rémunération des membres des autorités publiques et administratives indépendantes;
  • Simplification et modernisation des règles relatives à la protection sociale des agents publics ;
  • Création d’un droit à l’allaitement sur le lieu de travail (droit pouvant s’exercer « pendant une année à compter du jour de la naissance » et « pendant une heure maximum par jour, sous réserve des nécessités du service ») ;
  • Suppression des dérogations à la durée hebdomadaire de travail de 35 heures dans la fonction publique territoriale;
  • Fixation, par décret, des possibilités de recours ponctuel au télétravail;
  • Création d’un code général de la fonction publique en vue de « renforcer la clarté et l’intelligibilité du droit » ;
  • Encadrement du droit de grève dans la fonction publique territoriale (encadrement limité aux services publics de collecte et de traitement des déchets des ménages, de transport public de personnes, d’aide aux personnes âgées et handicapées, d’accueil des enfants de moins de trois ans, d’accueil périscolaire, de restauration collective et scolaire ; négociations en vue de la signature d’accords visant à garantir la continuité des services publics en cas de grève ; obligation, pour les agents, de prévenir leur employeur au plus tard 48 heures avant de participer à une grève [information couverte par le secret professionnel et utilisée pour la seule organisation du service durant la grève] ; etc.).

4) Facilitation de la mobilité et accompagnement des transitions professionnelles des agents publics

  • Garantie de la portabilité des droits liés au compte personnel de formation (CPF) en cas de mobilité entre le secteur public et le secteur privé ;
  • Réforme des modalités de recrutement et de formation des fonctionnaires (diversification des profils des fonctionnaires de catégorie A, harmonisation de leur formation initiale, création d’un tronc commun d’enseignements, développement de leur formation continue et aménagement de leur parcours de carrière ; renforcement de la formation des agents les moins qualifiés, des agents en situation de handicap ainsi que des agents les plus exposés aux risques d’usure professionnelle ; etc.) ;
  • Développement de l’apprentissage dans la fonction publique hospitalière (infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, orthoptistes, orthophonistes) ;
  • Formation aux fonctions de management des agents publics accédant, pour la première fois, à des fonctions d’encadrement ;
  • Élargissement du champ des emplois d’experts techniques internationaux aux associations étrangères œuvrant en faveur de la langue française et de la francophonie (Alliances françaises) ;
  • Facilitation de la mobilité des personnels militaires (fixation, par décret, d’une liste des organismes autorisés à accueillir des militaires en activité) ;
  • Levée de l’interdiction du recrutement initial par contrat à durée indéterminée (CDI) pour pouvoir des emplois permanents de la fonction publique territoriale;
  • Expérimentation de la rupture conventionnelle dans le secteur public et extension du droit à l’allocation chômage aux bénéficiaires de la rupture conventionnelle et à certains agents démissionnaires ;
  • Mise en place, dans la fonction publique d’État et la fonction publique hospitalière, d’un dispositif global d’accompagnement pour les fonctionnaires dont l’emploi est supprimé dans le cadre d’une restructuration (mobilité dans le secteur public ou passerelle vers le secteur privé ; formation et accompagnement personnalisé) ;
  • Création d’un détachement d’office pour les fonctionnaires dont les missions ou services sont externalisés (détachement sur un CDI « lorsqu’une activité d’une personne morale de droit public employant des fonctionnaires est transférée à une personne morale de droit privé ou à une personne morale de droit public gérant un service public industriel et commercial ») ;
  • Amélioration de la prise en charge des fonctionnaires momentanément privés d’emploi (FMPE) dans la fonction publique territoriale.

5) Renforcement de l’égalité professionnelle dans la fonction publique

  • Généralisation des dispositifs de signalement destinés aux victimes d’actes de violence, de discrimination, de harcèlement et d’agissements sexistes et mise en place de plans d’action obligatoires pour assurer l’égalité entre les femmes et les hommes;
  • Ajout de l’état de grossesse aux critères ne permettant aucune distinction entre fonctionnaires ;
  • Extension de l’obligation de nominations équilibrées dans les emplois supérieurs et de direction de la fonction publique ;
  • Inapplication du jour de carence pour les congés maladie liés à l’état de grossesse et maintien du régime indemnitaire pendant les congés liés à l’enfant dans la fonction publique territoriale;
  • Maintien des droits à avancement en cas de congé parental ou de disponibilité pour élever un enfant et précision de la part respective des femmes et des hommes promouvables et promus dans les tableaux d’avancement ;
  • Maintien des droits à avancement pour les militaires bénéficiant de congés parentaux ou pour élever un enfant ;
  • Dérogation, à titre expérimental, du principe du concours pour certains recrutements du ministère des armées (objectif: remédier aux « difficultés de recrutement de fonctionnaires dans certaines zones géographiques et dans certains secteurs d’activité ») ;
  • Clarification et modernisation du droit du handicap dans la fonction publique ;
  • Expérimentation de la titularisation des personnes handicapées à l’issue de leur contrat d’apprentissage, sous réserve de leurs compétences professionnelles ;
  • Sécurisation du parcours professionnel des agents en situation de handicap (obligation, pour les employeurs publics, de permettre à leurs agents en situation de handicap de « développer un parcours professionnel et d’accéder à des fonctions de niveau supérieur ainsi que de bénéficier d’une formation adaptée à leurs besoins tout au long de leur vie professionnelle ») et précision des conditions d’aménagement des concours administratifs;
  • Création, à titre expérimental, d’un mécanisme de détachement et d’intégration directe pour la promotion interne des fonctionnaires en situation de handicap.

Lors de la première lecture, j’avais déposé deux amendements visant à permettre aux agents contractuels de droit local en poste dans les administrations françaises à l’étranger d’accéder à la fonction publique par le biais des concours internes et des troisièmes concours. Ils n’ont malheureusement pas été adoptés.
Pour ce qui concerne l’amendement relatif aux concours internes, la rapporteure et le ministre ont chacun émis un avis défavorable (inopportunité d’ouvrir les concours internes aux recrutés locaux, qui sont sous contrat de droit privé, et non de droit public ; crainte « que l’ouverture des concours internes à ces contractuels ne déséquilibre ces concours, en particulier au Quai d’Orsay »).
Quant à l’amendement relatif aux troisièmes concours, il a été considéré comme satisfait par le ministre, qui a confirmé que les troisièmes concours de catégorie C sont désormais ouverts aux recrutés locaux (décret du 21 mai 2019). M. Dussopt a également indiqué qu’« un décret relatif aux catégories A et B du ministère de l’Europe et des affaires étrangères sera prochainement soumis au comité technique ministériel ».