Le 8 octobre, j’ai déposé une proposition de résolution relative aux enfants franco-japonais privés de tout lien avec leur parent français à la suite d’un enlèvement parental.

Signé par 74 sénateurs de tous bords, ce texte vise à soutenir les efforts diplomatiques déployés par la France et ses partenaires européens.

Lors de sa première visite officielle au Japon, en juin dernier, le Président de la République s’est engagé à agir en faveur des parents qui vivent « des situations de détresse […] absolument inacceptables ». Il considère que les droits fondamentaux des enfants « doivent être défendus ». Il a promis de « travailler de façon constructive avec les services consulaires et la justice japonaise ».

En 2011, j’avais fait adopter – à l’unanimité – par le Sénat une résolution destinée à appeler l’attention des autorités japonaises sur la nécessité de reconnaître aux enfants binationaux le droit de conserver des liens avec chacun de leurs parents. Cette initiative parlementaire avait fait écho à une résolution adoptée par la Chambre des représentants des États-Unis.

En 2014, le Japon a adhéré à la convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants. L’entrée en vigueur de cette convention n’a cependant pas permis de résoudre certaines situations douloureuses, qui découlent non seulement de la persistance de pratiques installées dans les mœurs, mais aussi et surtout de l’application de la législation japonaise en matière de droit de la famille (octroi quasi-systématique de l’autorité parentale et de la garde exclusive de l’enfant au parent ravisseur ; exercice du droit de visite conditionné au bon vouloir du parent ravisseur ; etc.).

Des décisions judiciaires prises en vertu de la convention de La Haye ne sont pas exécutées ou difficilement exécutées. Ces décisions concernent soit le retour de l’enfant dans l’État dans lequel il avait sa résidence habituelle immédiatement avant son enlèvement, soit l’organisation ou la protection de l’exercice effectif d’un droit de visite. Aussi surprenant que cela puisse paraître, les décisions rendues par les juges civils japonais ne peuvent pas faire l’objet d’une exécution forcée, la police nippone n’étant pas compétente pour intervenir dans les affaires familiales. Dans son rapport 2019 sur les enlèvements internationaux d’enfants, le département d’État des États-Unis se dit « extrêmement préoccupé » par l’absence de mécanismes efficaces d’exécution des décisions de justice.

La résolution des cas ne relevant pas de la convention de La Haye s’avère également difficile. De nombreux cas sont relatifs à des enlèvements internationaux survenus avant la date d’entrée en vigueur de la convention (1er avril 2014). Les autres cas concernent des enlèvements commis à l’intérieur du Japon.

Environ 150.000 enfants sont actuellement privés de tout lien avec l’un de leur parent au Japon. Parmi ces enfants figurent de nombreux enfants binationaux, qui se retrouvent privés d’une part essentielle de leur identité. Leur droit à avoir deux parents, deux familles, deux cultures, deux langues et deux pays est totalement bafoué.

Les parents français privés de tout contact avec leur(s) enfant(s) sont dans un désarroi absolu. Nombre d’entre eux n’ont pas vu leur(s) enfant(s) depuis plusieurs années. Ils courent le risque d’être placés en garde à vue (23 jours) par la police japonaise à chaque fois qu’ils tentent d’entrer en contact avec leur(s) enfant(s).

Le 10 mai dernier, le parlement japonais a adopté une loi visant à améliorer l’exécution des décisions rendues par les juges civils à compter d’avril 2020. Cette réforme législative va dans le bon sens. Cependant, il n’est pas certain qu’elle soit pleinement efficace. De plus, elle ne va pas assez loin.

Je regrette que le Japon n’envisage pas de mettre un terme à l’application du principe non écrit de « continuité », qui conduit les juges nippons à attribuer l’autorité parentale et la garde exclusive de l’enfant au parent ravisseur. Il est par ailleurs inquiétant de constater que la nouvelle loi ne modifie pas les conditions dans lesquelles s’exercent l’autorité parentale, le droit de garde et le droit de visite.

Une réflexion sur la garde alternée devrait certes être lancée par le ministère de la justice japonais d’ici à la fin de cette année. Cependant, elle ne devrait pas aboutir avant 2021.

Au regard de ce constat, je souhaite que le Sénat, comme en 2011, appelle au respect des droits fondamentaux des enfants franco-japonais au centre d’un conflit parental. C’est dans cette perspective que j’ai déposé une proposition de résolution.

Je propose notamment :

  • d’approfondir le dialogue entre les autorités centrales chargées de l’application de la convention de La Haye ;
  • de créer un poste de magistrat de liaison à l’ambassade de France au Japon ;
  • de rétablir le comité consultatif franco-japonais relatif à l’enfant au centre d’un conflit parental, en vue de faciliter le traitement des cas n’entrant pas dans le champ d’application de la convention de La Haye ;
  • d’organiser une nouvelle rencontre entre les ambassadeurs des États membres de l’UE représentés au Japon et le ministre de la justice japonais ;
  • d’améliorer l’accès des ressortissants français et japonais à une information claire, transparente et objective en matière de droit de la famille (l’organisme local d’entraide et de solidarité du Japon a obtenu une subvention en vue de publier un guide pratique juridique et socio-culturel du mariage franco-japonais) ;
  • d’améliorer la sensibilisation des magistrats français aux problématiques liées à l’enlèvement international d’enfants ;
  • de veiller à ce que les jugements de divorce rendus en France ne soient pas, dans certains cas, privés d’effet au Japon en application de la loi japonaise modifiant la loi relative aux litiges liés au statut personnel, entrée en vigueur le 1er avril 2019 ;
  • de renforcer les mesures visant à prévenir l’enlèvement des enfants binationaux résidant sur le territoire français ;
  • d’établir une liste nationale ou européenne des pays qui ne se conforment pas aux obligations qui leur incombent en vertu de la convention de La Haye ;
  • de porter la question des enlèvements internationaux d’enfants au sein des organisations internationales dont la France est membre.

Ma démarche s’inscrit dans le prolongement de la table ronde que j’avais organisée au Sénat le 8 mars dernier. Elle est également complémentaire de deux initiatives prises par des avocats et des pères. Le 9 août dernier, Maître Jessica FINELLE, avocate au barreau de Paris, a déposé une plainte auprès du Conseil des droits de l’homme des Nations unies, au nom de 14 enfants ayant fait l’objet d’un enlèvement par leur parent japonais. Par ailleurs, neuf pères - dont des membres de l’association Sauvons nos enfants Japon - ont récemment adressé une pétition au Parlement européen.

Vous pouvez lire ma proposition de résolution en cliquant ici.

Je l’ai présentée à la presse le 14 octobre. Vous pouvez visionner la vidéo de la conférence de presse en cliquant ici.