Interview publiée dans les cahiers de la compétitivité du Monde du 5 juin 2008

Richard Yung, sénateur des Français établis hors de France, ancien directeur de la Coopération internationale de l'Office Européen des Brevets de 1989 à 2004, plaide pour une relance de la politique européenne de l'innovation.

L'Europe produit-elle assez d'efforts en faveur de l'innovation ?

L'Europe peine à développer une politique forte. Or, c'est dans la matière grise et l'innovation que résident nos chances de demeurer parmi les premiers pays en matière de développement économique et social, de défense de l'environnement et de capacité à affronter la mondialisation. Un des éléments de cette politique de l'innovation est la propriété industrielle, et en particulier la défense des droits des brevets. L'Europe a pris une avance importante, d'abord en créant un système commun de dépôt et de délivrance des brevets puis avec l'Office européen des brevets. Celui-ci est devenu l'un des trois grands mondiaux parce qu'il a su harmoniser le droit européen et créer les normes mondiales en la matière.

Quels sont les dossiers susceptibles d'être conclus à court terme ?

Les conditions d'un accord sur une juridiction européenne en matière de brevet semblent réunies avec la proposition d'un réseau de haute qualité de tribunaux de première instance, et d'une cour d'appel européenne. Ce serait un pas en avant décisif: il garantirait aux créateurs un jugement unique pour toute l'Union et certains pays européens non membres, alors qu'aujourd'hui ils dépendent de décisions qui peuvent être contredites d'un pays à l'autre. Un accord international mixte entre l'Union européenne, ses États membres et les États tiers qui le souhaitent portant sur les règles de procédure et sur le régime linguistique est en vue.

Où en est le chantier du brevet communautaire ?

L'Europe est proche d'une solution après 35 ans de débats et d'atermoiements. Il s'agit non plus de mettre en commun l'examen et la délivrance pour chaque pays, mais d'accorder un titre unique valable d'un coup pour tous les pays de l'Union. De gros progrès ont été réalisés entre les États de l'Union sur le régime trilingue de la délivrance et sur les traductions faites dans toutes les langues et financées par l'Union. On est très proche d'un accord. Ce serait un progrès considérable pour tous les innovateurs et l'industrie, en particulier par la baisse sensible des coûts pour les PME que représente la prise en charge des traductions.

Propos recueillis par Élodie Toustou-Chelidze