M. le président. La parole est à M. Richard Yung. (MM. Didier Boulaud et Robert Hue applaudissent.)

M. Richard Yung. Monsieur le secrétaire d’État, voilà quelques jours, dans un quotidien du soir, vous avez qualifié la réforme dont nous discutons d’« ambitieuse », ce qui est vrai, je vous en donne acte. Toutefois, il aurait été plus juste de dire que, si tel est le cas, c’est en grande partie grâce au Parlement. Je me réjouis de voir que celui-ci sert à quelque chose ! Nous sommes en effet parfois amenés à nous poser la question.

M. Didier Boulaud. C’est bien vrai !

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Pour autant, vous ne voterez pas la réforme !

M. Richard Yung. C’est un procès d’intention que vous nous faites, monsieur le président de Rohan, car je ne suis pas arrivé à ma conclusion

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Votre collègue l’a dit tout à l’heure !

M. Richard Yung. Monsieur le président, je vous demande de décompter ces interruptions de mon temps de parole.

L’économie générale du texte qui nous a été soumis en première lecture n’était pas optimale et ne correspondait pas à nos attentes. Nous avions du mal, en particulier, à y retrouver les ambitions du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France.

La rédaction du présent projet de loi a été largement améliorée par les deux chambres. Une deuxième lecture aurait d’ailleurs constitué une excellente chose. Pourquoi avons-nous dû, une fois encore, travailler sous la contrainte de la procédure accélérée ? C’est un grand défaut de ce gouvernement que de procéder ainsi.

Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi tout d’abord de rappeler l’engagement que vous aviez pris dans cet hémicycle de faire mentionner dans le décret que, parmi les personnalités qualifiées des conseils d’administration des établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France, figurerait un membre élu de l’Assemblée des Français de l’étranger. Vous le verrez, cette disposition s’avérera utile, car les conseillers de l’AFE connaissent bien les situations locales.

Par ailleurs, je me réjouis que la commission mixte paritaire ait rétabli l’obligation, pour les établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France, de présenter un rapport annuel de leurs activités devant l’AFE. Cette disposition avait été supprimée, sans doute par méconnaissance, par les députés, qui ne comptent pas encore parmi eux de représentants des Français de l’étranger.

La fusion de l’association Égide et du groupement d’intérêt public CampusFrance en un EPIC autonome, ainsi que la spécialisation de ces deux organismes, va dans le bon sens. Le dispositif prévu dans le projet de loi initial mélangeait en effet deux activités par trop différentes ; c’était le mariage de la carpe et du lapin ! Nous l’avions d’ailleurs dit lors de la première et unique lecture, et vous l’avez entendu. La situation me semble donc désormais beaucoup plus claire.

Autant le statut d’EPIC de l’Institut français soulève de notre part certaines réserves, autant celui-ci paraît adapté pour ce qui concerne les appels d’offres et l’expertise. Il s’agit en effet, face à la concurrence internationale et européenne, de réussir à glaner quelques millions d’euros à Bruxelles.

L’EPIC Campus France a été placé sous la tutelle conjointe du ministère des affaires étrangères et du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, ce qui est une bonne chose. En permettant l’entrée progressive des activités internationales du Centre national des œuvres universitaires et scolaires, le CNOUS, dans le dispositif, les étudiants étrangers qui auront réussi à obtenir une bourse dans leur pays d’origine pourront désormais disposer d’une « filière intégrée ». On pourra ainsi les aider, alors que, jusqu’à présent, le soutien qu’ils recevaient s’arrêtait à Roissy ! Après avoir débarqué à l’aéroport, les étudiants étrangers devaient se débrouiller pour trouver une chambre, comme nous avons d’ailleurs dû le faire nous-mêmes à notre époque. Il s’agit donc d’un bon dispositif.

Campus France devient donc une sorte de guichet unique, ce qui améliorera grandement les prestations offertes aux étudiants étrangers.

Concernant les activités de l’AFD, l’Agence française de développement, l’ambassadeur joue déjà un rôle important. Il est associé à l’élaboration des programmes-cadres et peut donner son imprimatur diplomatique et politique. En revanche, il n’a pas à s’engager dans les activités proprement bancaires, qui sont régies par le code monétaire et financier.

Selon moi, il eût été préférable de s’inspirer du modèle allemand, en fusionnant l’AFD et France coopération internationale, afin de créer une grande agence publique de coopération de type GTZ, qui aurait été chargée, d’une part, de l’expertise internationale et, d’autre part, des activités de dons et de prêts. L’ensemble des prestations aurait ainsi relevé du même organisme. C’est là que réside d’ailleurs la force du système allemand, lequel, comme vous le savez, constitue pour nous un concurrent redoutable. Au demeurant, nous aurons certainement d’autres occasions de revenir sur ce point.

Enfin, s’agissant de la disposition controversée de l’article 13 permettant à l’État d’obtenir le remboursement des sommes qu’il a avancées pour rapatrier les Français qui se seraient exposés à des risques qu’ils ne pouvaient ignorer, j’estime qu’il y a là un excès d’indignité. Un dispositif analogue existe notamment pour ce qui concerne les secours en mer ou même en montagne.

Si je ne remets pas en cause l’idée elle-même, je m’étonne du caractère peu explicite de cette disposition. Visiblement, cette question suscite une certaine émotion auprès des journalistes, et ce pour des raisons que l’on peut imaginer.

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Il y a aussi de la démagogie ! Chacun se veut le grand défenseur des journalistes !

M. Richard Yung. Non, non ! Pourquoi ne pas préciser qu’il s’agit, entre autres, des journalistes et des humanitaires, dont vous avez fait partie, monsieur le ministre ? Cela n’aurait pas modifié l’économie du texte !

J’en viens à la question des moyens. Vous l’avez dit, l’une de nos grandes difficultés vient du fait que nous votons des lois, mais pas des moyens. Malgré tous vos efforts, qui sont grands, monsieur le ministre, nous observons la diminution permanente des moyens de votre ministère, et notamment de l’action culturelle. Cette dernière sert particulièrement de variable d’ajustement lors des discussions budgétaires.

Bien sûr, les crédits augmentent, en 2011, de 4,5 %. Toutefois, nous le savons, ces augmentations ne sont pas directement consacrées à l’outil diplomatique ; elles correspondent à des modifications de structures et servent à alimenter nos contributions aux organismes internationaux. Le budget des affaires étrangères sert de boîte à lettres : les crédits y entrent et en ressortent aussitôt.

À ma connaissance, la baisse moyenne des crédits dans le domaine culturel a été de 10 % de 2005 à 2008, de 13 % en 2009 et de 11 % en 2010. Si mes informations sont justes, le nombre de postes consacrés à l’action culturelle continuera de baisser en 2011, sauf avis contraire de votre part, monsieur le ministre.

Nous qui visitons en permanence les consulats, les ambassades et les services culturels, nous connaissons bien les difficultés qui y sont rencontrées. Bien sûr, nous avons de grandes idées ! La France fait toujours de grandes déclarations universelles, sur la paix dans le monde ou les droits de l’homme. Mais la personne en poste au centre culturel de Bobo-Dioulasso ne dispose pas des 150 euros nécessaires pour monter une exposition de photographies, par exemple, sur les ponts romains dans la France gallo-romaine. Telle est la réalité !

Malgré les réformes de structures, ce sera toujours, in fine, la pauvreté ! Nous n’échapperons pas, un jour ou l’autre, j’en suis persuadé, au débat sur l’universalité du réseau. Je pense à cet égard aux tensions qui règnent actuellement au sein du ministère des affaires étrangères. Plusieurs de mes collègues ont d’ailleurs cité la tribune libre d’Alain Juppé et Hubert Védrine, qui, à ma connaissance, ne sont pas de dangereux agitateurs trotsko-communistes.

Pour faire plaisir au président de Rohan, je vais conclure mon propos en indiquant que nous exprimerons sur ce texte un vote d’abstention positive. (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.)

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. C’est toujours de l’abstention !