J’ai participé le 10 mai à l’émission « Bouge la France » sur Public Sénat, au cours de laquelle j’ai débattu sur le bilan de Tony Blair avec Pierre Sled, Jean Louis Gombeaud et un journaliste de « Courrier international ».

J’ai d’abord noté ce départ volontaire, en dehors de toute victoire ou défaite électorale, à deux ans de la fin normale de son mandat, même si l’usure et l’impopularité se faisaient sentir. Voilà qui n’est guère dans les habitudes politiques françaises où l’on a tendance à aller jusqu’au bout de ses mandats.
J’ai ensuite fait remarquer que Tony Blair a été vilipendé par la gauche et par le PS français. Il n’y avait pas pire insulte dans les réunions de section que de qualifier son adversaire de « blairiste » : libéral, social-traitre, petit chien de Bush et autres amabilités.
Quel bilan peut-on faire de ces dix ans de blairisme ?

Côté ombre, une erreur, pire une faute majeure : l’alignement sur la politique étrangère américaine et la participation à l’intervention militaire en Irak. C’est d’ailleurs sur ce point que Blair a perdu la confiance de ses concitoyens, surtout pour leur avoir menti sur l’armement supposé de Saddam, et qu’il a terni son bilan.
De même, après une première période marquée par des avancées sur l’Europe de la défense et de l’armement, l’action européenne de Tony Blair, et en particulier sa présidence de l’Union, a été décevante.
J’ai ajouté une autre critique. Le volet sécuritaire a pris une dimension qui va au delà du nécessaire (je pense aux millions de caméras dans les lieux publics, aux fichiers informatiques de toutes sortes), et constitue une menace pour les libertés publiques et individuelles. Pour le pays qui a « inventé » l’Habeas Corpus et le respect des libertés individuelles, c’est une régression de taille.
Enfin la croissance économique a permis une diminution très nette de la pauvreté mais n’a pas réduit les inégalités sociales.

Côté soleil, une modernisation importante des institutions ; avec la création de la mairie du Grand Londres dotée de pouvoirs importants, la « dévolution » aux parlements écossais et gallois c’est à dire une décentralisation très importante, la résolution du conflit irlandais vieux de 80 ans, et enfin le bouleversement de la Chambre des Lords avec la suppression du pairage héréditaire et l’élection de la très grande majorité d’entre eux.
Dans le domaine de l’économie, une croissance de près de 3% par an pendant 10 ans a permis de réduire le chômage à environ 5%. D’autre part la transformation de l’économie britannique en une économie d’activités tertiaires, ainsi que l’instauration d’un salaire minimum, certes faible (environ 1300 € par mois) marquent un progrès réel.
Enfin, contrairement à une idée répandue, un investissement massif dans l’éducation et la santé, nécessaires après les années de casse « thatchérienne » a permis à l’Angleterre de revenir à un niveau comparable à celui des pays de l’Union européenne.

En conclusion, on peut trouver curieux et arrogants ces Français qui, avec leur confusion idéologique et un record européen de défaites aux élections présidentielles et législatives, se drapent dans leur toge de donneurs de leçons envers un Blair qui a gagné trois élections générales de suite !
Peut-être y a–t-il mieux à faire, et s’inspirer d’une partie de son action…