Mon cher Pouria,

J’ai été surpris par ta tribune contre l’article 2 du projet de loi sur l’enseignement supérieur qui prévoit "des exceptions" à l’enseignement en langue française.

Rappelons d’abord que la norme reste l’enseignement en français, ce qui est normal et qu’il ne s’agit que d’exceptions. Il ne faut pas craindre l’innovation, quitte à l’évaluer dans quelque temps. Tu t’élèves contre cette proposition en soulignant qu’elle n’attirera pas davantage d’étudiants étrangers en France, que les étudiants français connaissent déjà l’anglais et qu’enfin, ce serait conforter la suprématie de l’anglais dans les publications scientifiques.
Je ne partage pas ces opinions même si elles sont patronnées par l’Académie française. Il arrive à cette vieille dame digne de se tromper comme lors du débat que nous avions dû mener sur la langue de publication des brevets d’invention.

Nous sommes dans un monde de grande compétitivité en matière d’enseignement supérieur et, si la France n’a pas à rougir de sa place de 3ème ou 4ème destination mondiale, elle peut toujours mieux faire. L’enseignement des langues dans le secondaire français est de qualité médiocre et, sauf exception, nos étudiants abordant le supérieur ne sont pas au niveau en anglais et encore moins en d’autres langues. Enfin, il me semble quelque peu naïf de croire que l’interdiction de l’anglais dans le supérieur français permettra à notre langue de rétablir l’équilibre en terme de publications scientifiques. Je craindrai plutôt l’inverse.
J’ajoute que l’anglais n’est pas seul en cause. As-tu pensé à nos jeunes philosophes qui se doivent d’étudier Kant, Hegel, Marx, ... dans le texte (Sartre apprit l’allemand à cette fin) ?

Je suis mal à l’aise à cette stratégie de la forteresse assiégée qui révèle un complexe d’infériorité pour notre langue et notre culture. Tu es député des Français à l’étranger, tu côtoies, tu pratiques d’autres langues et d’autres cultures. Tu sais quelle richesse elles sont pour chacun d’entre nous, combien notre littérature, notre pensée, notre histoire donnent à notre langue, outil par ailleurs exceptionnel dans la précision de l’expression, la force de se mêler, de se mesurer et de vivre avec les autres langues et les autres cultures. Le véritable internationalisme est là.

Tu es un de nos jeunes espoirs, un de nos députés de talent, responsable de la francophonie pour notre parti : cinq cents ans après l’ordonnance de Villers-Cotterêts qui fît du français notre langue officielle, montres la voie de l’audace et de la fierté pour elle !

Bien à toi,

Richard YUNG
Sénateur des Français établis hors de France

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