Le 4 novembre, le Sénat a adopté le projet de loi relatif au retour de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal.
Ce texte vise à concrétiser un engagement pris par le président de la République. Dans un discours prononcé à Ouagadougou le 28 novembre 2017, Emmanuel Macron avait cité, parmi les enjeux permettant la construction d’une nouvelle relation d’amitié entre la France et l’Afrique, la question des patrimoines africains. Il avait affirmé la possibilité de restitutions d’œuvres des collections publiques françaises, afin de permettre à la jeunesse africaine d’avoir accès au patrimoine du continent en Afrique et non plus seulement en Europe.
Dans le prolongement de son discours, le chef de l’État avait confié une mission à deux universitaires, Felwine Sarr et Bénédicte Savoy, qui lui avaient remis un rapport intitulé « Restituer le patrimoine africain : vers une nouvelle éthique relationnelle ».
Par dérogation au principe d’inaliénabilité des collections publiques françaises, le projet de loi prévoit la restitution au Bénin de vingt‑six œuvres constituant le « Trésor de Béhanzin » (statues anthropomorphes, portes, autels portatifs, trônes, etc.). Conservées par le musée du Quai Branly-Jacques Chirac, ces œuvres avaient été données par le général Alfred Dodds, qui avait dirigé la campagne du Dahomey (1892-1894) et déposé le roi Béhanzin. Selon le Gouvernement, elles « pourront à terme être présentées au public béninois et au public international dans le cadre du projet de musée porté par la République du Bénin et auquel la France entend participer au travers des actions et initiatives prévues dans le programme de travail franco‑béninois signé le 16 décembre 2019 à Cotonou ».
Le projet de loi prévoit également la restitution au Sénégal du sabre avec fourreau dit d’El Hadj Omar Tall. Détenu par le musée de l’Armée, ce sabre est actuellement exposé au musée des civilisations noires de Dakar, dans le cadre d’un prêt de longue durée. Il avait été confisqué au fils d’El Hadj Omar, Amadou Tall (1836-1897), durant la conquête coloniale de l’Afrique de l’Ouest. El Hadj Omar (1797-1864) était une grande figure militaire et religieuse ouest-africaine du XIXème siècle. En 1848, il avait fondé l’éphémère empire toucouleur auquel mit fin la colonisation française en 1893.
Dans les deux cas, les autorités compétentes disposent d’un délai maximum d’un an pour transférer les biens culturels.
La ministre de la culture considère, à juste titre, que ces « objets exceptionnels, témoins d’un passé glorieux et tourmenté, d’une qualité esthétique exceptionnelle, sont devenus des "lieux de mémoire" au sens de Pierre Nora, dépositaires d’une partie de l’identité des peuples sénégalais et béninois ». Selon Roselyne Bachelot, le projet de loi « n’est pas un acte de repentance mais un acte d’amitié et de confiance envers des pays auxquels nous lient une longue histoire et des projets d’avenir ».
La majorité sénatoriale a adopté un amendement prévoyant la création d’un Conseil national de réflexion sur la circulation et le retour de biens culturels extra-européens. Le Gouvernement n’est pas favorable à la création d’une telle instance, qui « aurait pour résultat de faire doublon avec les travaux scientifiques des musées et des responsables de collections, conduits en lien avec le ministère de la culture, et de se superposer ainsi à l’exercice d’une mission qui est fondamentalement du ressort de ces professionnels ».
Une commission mixte paritaire (CMP) - composée de sept députés et sept sénateurs - se réunira prochainement en vue de proposer un texte commun sur le projet de loi.