Le 20 juillet, le Sénat a adopté définitivement le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.

Ce texte se substituera à la loi du 7 juillet 2014 d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale. Il fixe les objectifs, les moyens et les modalités d’intervention de la politique française en faveur du développement.

Le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, s’est réjoui de l’adoption d’« une loi à la fois stratégique et humaniste, c’est-à-dire porteuse d’une véritable géopolitique des valeurs françaises et européennes ». L’objectif est de « proposer à nos partenaires du Sud une autre voie que celle de la dépendance [...] à des acteurs qui ne cherchent qu’à étendre leur emprise ». Il s’agit de « les accompagner sur la voie d’une souveraineté renforcée » et de « construire sur la scène internationale un autre chemin que celui de la brutalisation et du chacun pour soi, qui ne peut mener qu’à un échec collectif ». M. Le Drian s’est dit heureux de voir réaffirmée « une certaine idée française de la solidarité ».

Trois objectifs ont été assignés à la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales, à savoir :

  • l’éradication de la pauvreté dans toutes ses dimensions, la lutte contre les inégalités, la lutte contre l’insécurité alimentaire et la malnutrition et l’action en matière d’éducation et de santé ;
  • la promotion des droits humains, en particulier des droits des enfants, le renforcement de l’État de droit et de la démocratie et la promotion de la francophonie ;
  • la protection des biens publics mondiaux, en particulier la protection de la planète.

Les dispositions qui n’avaient pas été adoptées dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale et le Sénat lors de la première lecture ont été soumises à une commission mixte paritaire (CMP), à laquelle j’ai eu l’honneur de participer.

Les principaux points de désaccord entre les deux assemblées concernaient la programmation financière et la commission d’évaluation de l’aide publique au développement (APD).

En ce qui concerne la trajectoire budgétaire, le texte de compromis établi par la CMP fixe un objectif en valeur absolue pour l’année 2022 (4,8 milliards d’euros). Avant la fin de l’année prochaine, la programmation financière devra être complétée, après consultation et vote du Parlement, pour les années 2023 à 2025. À ce stade, les objectifs sont exprimés en pourcentage du revenu national brut (0,61% en 2023 ; 0,66% en 2024 ; 0,70% en 2025).

En 2022, les ressources extrabudgétaires du fonds de solidarité pour le développement (FSD) s’élèveront à 838 millions d’euros, soit 100 millions d’euros de plus qu’en 2020 et 2021. À défaut d’une telle augmentation, les crédits budgétaires devront être abondés de 100 millions d’euros (4,9 milliards d’euros). Géré par l’Agence française de développement (AFD), le FSD finance essentiellement de l’aide multilatérale. Il est alimenté par la taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA) et la taxe sur les transactions financières (TTF). Le produit de la TTF versé au FSD ne pourra être inférieur à 528 millions d’euros.

Le texte final prévoit également des cibles de concentration de l’APD (aide bilatérale : 65% du total en moyenne sur la période 2022-2025 ; dons : au moins 70% du montant de l’APD hors allègement de dette et hors prêts aux institutions financières internationales, mesurée en équivalent-don, en moyenne sur la période 2022-2025 ; aide-pays programmable consacrée aux 19 pays prioritaires : 25% en 2025), le doublement du montant de l’APD allouée à des projets mis en œuvre par des organisations de la société civile, ainsi que le doublement du montant des fonds consacrés par l’État au soutien de l’action extérieure des collectivités territoriales.

S’agissant de la commission d’évaluation de l’APD, elle sera placée auprès de la Cour des comptes, qui en assurera le secrétariat. Elle conduira des évaluations portant sur l’efficience, l’efficacité et l’impact des stratégies, des projets et des programmes d’APD financés ou cofinancés par la France. Elle comprendra un collège d’experts indépendants composé de dix personnalités qualifiées - désignées par décret - qui rendront compte de l’ensemble de leurs travaux à un collège de parlementaires composé de deux députés et de deux sénateurs. Elle pourra être saisie de demandes d’évaluation par le président de l’Assemblée nationale ou par le président du Sénat. Une fois par an, elle remettra et présentera au Parlement un rapport faisant état de ses travaux, conclusions et recommandations.

  • Parmi les autres mesures importantes figurent :
  • la mise en œuvre d’un dispositif dédié aux projets de développement présentés à l’État par les organisations de la société civile, dans le cadre de leur droit d’initiative, en vue de l’octroi, le cas échéant, d’une subvention ;
  • la mise en place d’une base de données ouvertes regroupant les informations relatives à l’APD bilatérale et multilatérale de la France ;
  • la création d’un dispositif permettant la restitution, au plus près des populations des États étrangers concernés, des recettes provenant de la cession des biens dits « mal acquis » (les actions de coopération et de développement financées à partir de ces fonds ne seront pas comptabilisées au titre de l’APD française ; le ministère des affaires étrangères définira, au cas par cas, les modalités de restitution des fonds de façon à garantir qu’elles contribuent à l’amélioration des conditions de vie des populations) ;
  • le renforcement de la cohérence des politiques publiques avec les Objectifs de développement durable (ODD) inscrits dans le programme de développement durable à l’horizon 2030, adopté le 25 septembre 2015 par l’Assemblée générale des Nations unies ;
  • la création du « 1% transports » (possibilité, pour les autorités organisatrices de la mobilité, de financer, dans la limite de 1% des ressources hors versement de transport affectées aux budgets des services de mobilité, des actions de coopération avec les collectivités territoriales étrangères, d’aide d’urgence au bénéfice de ces collectivités et de solidarité internationale dans le domaine de la mobilité) ;
  • la mise en place de conseils locaux du développement présidés par les ambassadeurs accrédités auprès des pays partenaires et chargés d’élaborer des projets de stratégie‑pays et des projets de programmation‑pays (les conseillers des Français de l’étranger et les parlementaires des Français établis hors de France en seront membres de droit) ;
  • le maintien au niveau législatif du Conseil national du développement et de la solidarité internationale (CNDSI), qui est l’instance de concertation des différents acteurs du développement et de la solidarité internationale ;
  • le renforcement de la tutelle de l’État sur l’AFD, dont les missions sont rehaussées au niveau législatif (l’activité de l’AFD à l’étranger s’exercera sous l’autorité des ambassadeurs, dans le cadre de la mission de coordination et d’animation de ces derniers) et dont le directeur général se verra remettre une lettre annuelle d’objectifs par le Gouvernement ;
  • l’intégration au groupe AFD d’Expertise France, qui est transformée en société par actions simplifiée (son capital sera totalement ou partiellement détenu par l’AFD) ;
  • la transformation de l’association France Volontaires en groupement d’intérêt public (GIP), la facilitation des volontariats dits « réciproques » (possibilité, pour les ressortissants de pays tiers, d’effectuer en France un volontariat de solidarité internationale) et la prévention des dérives du « volontourisme » (pratique consistant à proposer des séjours touristiques via une agence de voyage en les faisant passer pour du volontariat) ;
  • l’obligation, pour les organisations proposant des actions de volontariat au sein de structures œuvrant auprès de mineurs, de vérifier l’absence de condamnation des volontaires, bénévoles ou stagiaires à une peine d’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs ;
  • l’habilitation du Gouvernement à définir par ordonnance les modalités d’octroi de privilèges et immunités aux associations ou fondations assimilables à des organisations internationales qui installent leur siège en France ou qui souhaitent y organiser des conférences internationales.

L’information du Parlement sera par ailleurs renforcée. Le Gouvernement aura en effet l’obligation de remettre de nombreux rapports à l’Assemblée nationale et au Sénat :

  • rapport annuel relatif à la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales (stratégie mise en œuvre ; résultats obtenus ; cohérence des politiques publiques françaises avec la politique en faveur du développement ; mise en œuvre de la trajectoire d’APD ; liste des pays dans lesquels intervient l’AFD ; répartition des engagements et des versements d’APD entre prêts et dons ; montants d’APD transitant par les instruments d’aide liée ; liste des pays prioritaires ; progrès effectués en matière de gouvernance, de respect des droits humains et de lutte contre la corruption par les pays partenaires ; coordination entre les actions militaires et les actions de développement au Sahel ; etc.) ;
  • rapport étudiant les différentes activités pouvant être comptabilisées au titre de l’APD de la France ;
  • rapport sur les coopérations opérationnelles entre l’AFD et la Caisse des dépôts et consignations;
  • rapport recensant le nombre d’experts techniques internationaux (ETI) français et détaillant leur secteur d’intervention et leur secteur géographique d’activité ;
  • rapport présentant une évaluation du dispositif dit de « bi-bancarisation » (offre d’opérations de banque à des personnes physiques résidant en France par des établissements de crédit ayant leur siège dans un État figurant sur la liste des États bénéficiaires de l’APD) ;
  • rapport examinant les modalités de réduction des coûts de transaction des envois de fonds effectués par les diasporas;
  • rapport présentant la stratégie de la France en matière de mobilité internationale en entreprise et en administration;
  • rapport évaluant les possibilités de dispense de criblage des bénéficiaires finaux pour certaines actions de stabilisation à l’intérieur de périmètres géographiques définis caractérisés par une situation de crise persistante et l’existence de groupes armés non étatiques (le criblage est un dispositif visant à lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme ; les contrôles sont effectués par les organisations non gouvernementales auprès de leurs salariés, fournisseurs et partenaires impliqués dans le déploiement de l’aide ; le criblage s’applique aux actions de développement, mais non aux actions humanitaires ; il existe actuellement une « zone grise » s’agissant des actions de stabilisation).

Annexé au projet de loi, le cadre de partenariat global (CPG) établit les orientations, la stratégie, les modalités de pilotage et le cadre de résultats de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales.

Vous trouverez, ci-dessous, le compte rendu de mon intervention dans la discussion générale, ainsi que le communiqué de presse publié par le groupe Rassemblement des démocrates progressistes et indépendants (RDPI).

M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis de notre réunion d’aujourd’hui sur les conclusions de la commission mixte paritaire. Cette séance marque l’achèvement d’un long processus législatif débuté en 2018.

Je tiens à remercier tout d’abord le président de notre commission et les deux rapporteurs, ainsi que le rapporteur de l’Assemblée nationale. Je salue leur état d’esprit constructif.

Le chemin a été long et semé d’embûches, mais grâce à votre détermination, monsieur le ministre, le cap a été maintenu. Ce cap est celui d’une APD représentant 0,55 % du RNB en 2022 et 0,7 % en 2025.

La semaine dernière, cinq agences de l’ONU ont publié des données qui montrent combien il est urgent de renforcer notre mobilisation pour atteindre les objectifs de développement durable d’ici à 2030. Face à cette urgence, nous avions le devoir de nous entendre sur un texte de compromis.

L’objectif fixé par le Gouvernement est atteint. Le texte que nous nous apprêtons à adopter confère un nouveau souffle à notre politique d’aide au développement. Il nous donne les moyens d’accompagner nos partenaires – il s’agit essentiellement des dix-neuf pays prioritaires, dont dix-huit sont situés sur le continent africain – dans leur transition vers des modèles de croissance plus résilients et plus durables.

En bonne intelligence, nous avons réussi à dépasser nos divergences qui, bien que peu nombreuses, concernaient des dispositions majeures. Pour la première fois, le Gouvernement a eu le courage de proposer l’inscription dans la loi d’une véritable programmation budgétaire pour notre APD. Le texte établi par la commission mixte paritaire prévoit une programmation ambitieuse et réaliste.

Pour ce qui concerne la commission d’évaluation de l’APD, nous avons trouvé, après des débats assez difficiles, puisque nous avions tous des positions divergentes – je dois dire que j’ai moi-même longtemps hésité sur cette question –, un compromis tout à fait positif. La création de deux collèges permet de répondre, à la fois, à la volonté du Sénat de faire participer les parlementaires à ce processus et à celle de l’Assemblée de prévoir des garanties d’indépendance et d’efficacité.

Je me réjouis que l’article 9 qui est relatif à cette commission comprenne de nombreuses dispositions issues d’amendements du groupe RDPI auquel j’appartiens. Je pense notamment à l’extension du champ de l’évaluation, à l’élection de son président par ses membres et à l’obligation pour les personnalités qualifiées de remettre une déclaration d’intérêts.

Plus largement, je me félicite que le texte final comprenne de nombreuses mesures issues d’amendements déposés par notre groupe, mais aussi par les autres groupes. C’est une œuvre collective.

Je veux citer certaines mesures qui figurent dans le texte : la remise d’une lettre annuelle d’objectifs au directeur de l’AFD ; le rôle central joué par les collectivités d’outre-mer et par les organisations de la société civile, ce qui n’est pas évident pour un vieux pays colbertiste comme le nôtre ; l’affirmation de l’autonomie corporelle des filles et des femmes ; le renforcement des capacités numériques des États partenaires ; enfin, un dispositif destiné à lutter contre les biens mal acquis, sujet sur lequel notre collègue Jean-Pierre Sueur est à l’initiative.

Enfin, vous comprendrez que, en tant que sénateur représentant les Français établis hors de France, je me réjouisse du renforcement des compétences des conseillers des Français de l’étranger, qui seront membres de droit des conseils locaux de développement.

En conclusion, je ne vous surprendrai pas, en vous disant que notre groupe votera le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)

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Les sénateurs de la majorité présidentielle se félicitent de l’adoption définitive du projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales

Le Sénat a adopté définitivement, ce jour, le projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales à la suite de l’accord obtenu en commission mixte paritaire.

La France se situe au 5ème rang des pays les plus actifs en matière d’aide publique au développement (APD). Afin de renforcer cet engagement, le Président de la République en a fait l’une des priorités de son quinquennat, avec la promesse d’atteindre 0,55% du RNB dédié à l’APD en 2022. Dans le contexte pandémique, où 118 millions de personnes supplémentaires ont été plongées dans la faim en 2020, nous ne pouvons que saluer l’indispensable compromis trouvé entre députés et sénateurs, fruit d’un travail réalisé en bonne intelligence avec l’ensemble des groupes et le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères.

« Le texte que nous nous apprêtons à adopter définitivement confère un nouveau souffle à notre politique d’aide au développement. Il lui donne les moyens d’accompagner nos partenaires dans leur transition vers des modèles de croissance plus résilients et plus durables ». Richard Yung, sénateur RDPI représentant les Français établis hors de France.

Ce texte présente, pour la première fois en matière d’APD, une programmation budgétaire, ainsi qu’une stratégie réaliste et ambitieuse basée sur une responsabilité partagée avec les pays partenaires, pour une aide au plus près des besoins des populations locales.

Le groupe des sénateurs de la majorité présidentielle a porté des avancées fortes lors de l’examen au Sénat, maintenues dans la version finale du texte : l’affirmation de l’autonomie corporelle des filles et des femmes, une meilleure prise en considération du climat et de la protection de la biodiversité, la valorisation du rôle clé joué par les collectivités d’outre-mer en matière d’APD ou encore l’appui des capacités numériques des États partenaires comme levier de développement. De plus, le groupe RDPI a considérablement renforcé les gages d’indépendance et les compétences de la commission d’évaluation de l’APD, par exemple en étendant son action à l’évaluation de l’efficience des stratégies, des projets et des programmes d’APD et en prévoyant la remise d’une déclaration d’intérêts par ses membres. Le groupe RDPI se félicite aussi de l’adoption d’un dispositif inédit de restitution des recettes issues des biens mal acquis.

Enfin, il se réjouit du renforcement des compétences des conseillers des Français de l’étranger dans les conseils locaux du développement, que le groupe RDPI a lui-même porté.

Par le vote de ce texte, nous dotons la France d’une politique rénovée et ambitieuse en matière d’aide au développement et nous nous inscrivons ainsi dans la volonté de jouer pleinement notre rôle dans la solidarité internationale.