À l’arrivée dans la soirée du 8 à Abou Dhabi, je retrouve Élisabeth Rayer, notre conseillère AFE de la circonscription ainsi quez M. Gilles Bervillé, notre consul. Un peu plus tard, également, Jean Daniel Chaoui, candidat aux législatives sur la 10ème circonscription qui inclut les pays du Golfe persique. Nous ferons toutes les visites ensemble.
Lundi 9 mai
Petit déjeuner avec M. Alain Azouaou, notre ambassadeur à Abou Dhabi (pour une courte présentation de cette fédération de 7 émirats indépendants voir ici). Participent à la réunion MM. Pierre-Denis Lablanquie, chargé de mission financier, correspondant AFII, un des conseillers de l’ambassade, D. Morisset, attaché d’armement, David Bertolotti, Conseiller de coopération et d’action culturelle, Raphaël Juge, attaché de sécurité intérieure, Gilles Bervillé, consul.
Nos relations bilatérales sont excellentes. En témoignent la création d’une base militaire française importante (air, mer, terre) ainsi que le développement d’une Sorbonne d’Abou Dhabi soutenue par nos universités parisiennes. De même la sortie de terre d’un Louvre d’Abou Dhabi va dans ce sens. En matière économique, la concurrence est rude : nous avons perdu l’appel d’offres pour une centrale nucléaire (à ma connaissance à cause du prix mais aussi pour nos divisions internes entre les grandes entreprises françaises concernées). Nos positions restent à peu près constantes sur les grands appels d’offres mais nous reculons globalement.
Le gouvernement investit dans des technologies de pointe : énergies renouvelables, économie de la connaissance, nucléaire civil, mais aussi industries lourdes : aluminium, aéronautique, semi-conducteur, pétrochimie, …
Sur le plan diplomatique, les ÉAU considèrent qu’ils font face à trois risques :
- L’Iran à la fois sur le plan nucléaire et par sa politique d’ingérence régionale
- La prédominance amicale mais forte de l’Arabie saoudite
- Les crises du monde arabe ou musulman : Afghanistan, Palestine, Pakistan, Libye où ils sont engagés militairement
La coopération policière fonctionne bien dans les domaines de la drogue et de la lutte anti terroriste.
En matière d’enseignement et de culture, une réforme du système national d’enseignement – peu performant- est en cours. Le gouvernement émirati a fait appel, pour le supérieur, à plusieurs universités étrangères (Sorbonne, INSEAD, NYC, Imperial College, …). Dans le secondaire, il n’y a pas d’enseignement d’une seconde langue vivante (donc pas de français).
La communauté française compte 6 à 7000 personnes (4200 enregistrés, 2500 sur la liste électorale consulaire) et est composée de jeunes et actifs. La CCPAS n’a qu’un cas, et une centaine bourses sont accordées chaque année (40 PEC). Il y a 10000 demandes de visas par an qu’il est prévu d’externaliser.
Le consulat est installé dans une villa peu commode et devenue rapidement trop petite. Il existe plusieurs projets de nouvelle implantation immobilière.
Nous visitons ensuite le nouveau campus de la Sorbonne d’Abou Dhabi et sommes reçus par son directeur, le professeur Jean-Yves de Cara. Le projet est entièrement de droit émirati et financé par le gouvernement (en fonctionnement comme en investissement). Les installations sont magnifiques et créent un cadre idéal pour les 600 étudiants (il est prévu de monter à terme à 2000). 30 % des étudiants sont émiratis et il y a 60 nationalités sur le campus. Après une année d’apprentissage de la langue, deux voies sont ouvertes sciences humaines (littérature, histoire de l’art, géographie, …) et sciences humaines (sciences économiques, droit, sciences politiques).
Un beau projet qui porte haut les matières où la France a des compétences et qui sert notre langue et notre culture.
À l’Alliance française, nous visitons les locaux devenus trop petits pour accueillir tous les étudiants (1200 par an), situation à laquelle s’ajoute le manque cruel de parking (absolument nécessaire dans une ville avec peu de transports en commun). La situation juridique de l’Alliance mérite également d’être revue, le droit local ne permettant pas à des associations (type 1901) de fonctionner. Le regroupement dans l’Institut français nouvellement créé (sous forme d’EPIC) permettrait sans doute de continuer l’activité mais sans le label alliance française et avec le risque de tomber sous les fourches caudines de la RGPP (pas de possibilité de recruter).
Mardi 10 mai
Le matin visite du lycée Louis Massignon. Nous sommes reçus par le proviseur M. Gérard Aubertel et son équipe de direction. M. David Bertolotti, Conseiller de coopération et d’action culturelle, assiste à la réunion. Le lycée compte actuellement 1500 élèves dont 700 dans le primaire et se voit confronter à une demande forte (1650 pour la prochaine rentrée). Les frais de scolarité vont de 3700 € à 5500 €. Il n’y a qu’une vingtaine de bourses. Le principal problème est de trouver le financement du développement du lycée. Dans les conditions où se trouve actuellement l’AEFE qui est plafonnée en termes d’emplois et ne peut plus emprunter pour financer les constructions, il n’y a guère de solution publique. C’est sans doute l’objectif poursuivi par le gouvernement. Pour le moment, je ne vois pas d’autre solution qu’une initiative privée avec un financement des parents et des entreprises. Resterait le choix d’un opérateur : la MLF ou un autre.
Puis visite de l’ (établissement homologué affilié à la Mission laïque française), dirigée par M. Pierre Larzul et Élisabeth Rayer. L’école va jusqu’au collège (840 élèves) et opère la répartition des effectifs en commun avec Massignon. Elle est gérée par l’AFLEC (association franco libanaise pour l’éducation et la culture) avec un appui pédagogique de la MLF. 50% des effectifs sont des recrutés directs. Là encore l’école est confrontée à une demande très forte et devra refuser certaines inscriptions. Elle cherche à s’agrandir en prenant possession d’une école émiratie voisine.
Nous déjeunons avec Mme Marion Guth, Chargée de mission financière, Conseillère régionale INPI pour les questions de propriété intellectuelle, M. Anthony Brelet attaché douanier et les représentants des grandes marques : Alexander Liske (Ford) Adulla Hasayen (Nokia) et le représentant de LVMH. Nous faisons le point sur la lutte contre la contrefaçon (voir la note du Trésor de septembre 2010 sur la propriété intellectuelle et la contrefaçon aux Émirats arabes unis).
Départ pour El Aïn à 150 km à l’est d’Abou Dhabi, oasis sur la frontière omanaise. C’est une ville en plein essor et plusieurs entreprises françaises s’y installent. Nous visitons notre petite école (annexe de Theodore Monod) dont M. François Trégouët est le directeur. Elle compte actuellement 33 enfants (primaire) et devrait progressivement atteindre la centaine. À l’occasion d’un prochain déménagement (elle est en effet logée dans une villa qui devient inappropriée), elle devrait devenir indépendante. Son avenir dépend de sa capacité à équilibrer ses comptes. Il en est de même pour l’Alliance française, dirigée par Mme Ketty Laurent, installée à l’étage qui compte 200 inscrits. Compte-tenu de la taille de communauté française (35 inscrits et peut être 70 en tout), une réflexion sur l’avenir doit être menée.
Mercredi 11 mai
Nous partons tôt pour Dubaï sur une autoroute à 6 ou 7 voies, passant devant le site du futur Louvre d’Abu Dhabi, sur l’île des musées qui comprendra de nombreux autres musées. Nous passons devant le circuit de formule 1 et plusieurs stades gigantesques. Dubaï est un gigantesque chantier de construction de tours de bureaux et d’habitations, souvent très belles et originales. Une partie de la rente pétrolière y est investie mas aussi le fruit du commerce qui est la vraie richesse de Dubaï. Par ses ports et par son aéroport, parmi les premiers du monde, elle est devenue une place centrale logistique et de répartition des flux commerciaux entre l’Europe, l’Afrique et l’Asie. Ceci fait réfléchir au modèle de développement d’un petit pays (1 million d’habitant) qui, doté d’une ressource pétrolière importante, investit tellement massivement qu’il doit faire venir 7 millions de travailleurs étrangers. C’est une forme de délocalisation mais à domicile. Que penser d’une croissance qui est entièrement « extérieure » par le financement et par les hommes. Quelle identité nationale peut-il rester pour les citoyens du pays ? Et même si cette politique montre la volonté de préparer l’avenir, quelle fierté peuvent-ils en retirer ?
Notre première visite est pour le lycée français international, ouvert il y a 8 ans qui compte 1300 élèves dont 180 dans le secondaire. Il est géré par l’AFLEC en liaison avec la Mission laïque française : son proviseur est M. Christophe Troucat. Là aussi une forte croissance est prévue (10% par an) avec près de la moitié d’enfants français. La construction d’une nouvelle aile est programmée sur le site actuel (club Al Nasr) mais qui sera rapidement remplie.
Accueil au consulat général de Dubaï par M. Éric Giraud-Telme, le consul général. La communauté a grandi considérablement ces dernières années (12% cette année) et atteint 9000 inscrits (+ 4000). Parmi les nouveaux profils de Français, des jeunes qui cherchent à créer leur entreprise, ce qui est nouveau.
Le consulat va déménager dans les tous prochains jours dans une nouvelle implantation mieux adaptée. Il compte 17 employés (dont 7 MAE) .La communauté a globalement peu de difficultés : 70 bourses et quelques allocations de solidarité.
Puis au déjeuner, rencontre avec des représentants de notre communauté française : Sylvain Hijazi, conseiller du commerce extérieur, responsable d’Alsthom ; Laurent Rigaud, responsable de l’hôtel JAL tower Dubaï, et président de l’UFE ; la directrice de l’Alliance française, Mme Dominique Chevalier-Wixler, les deux proviseurs, MM. Christophe Troucat et Jean Marion.
L’Alliance française compte 2500 inscrits pour l’année. Et cherche à se positionner comme centre français d’activités culturelles. Quoiqu’elle soit dans la même situation de vide juridique que celle d’Abou Dhabi, ceci ne pose pas, semble-t-il, de problème ni pour la gestion ni même pour les développements à venir.
Nous visitons ensuite le lycée Georges Pompidou, dirigé par Jean Marion, ancien responsable de l’AEFE pour la région. C’est un bel établissement à l’architecture originale. Le problème principal est celui de la croissance des effectifs et de la nécessité de construire une nouvelle école primaire. Le comité de gestion (Mme Nicole Aroyo et M. Laurent Rigaud) propose un système mixte de donations et d’achat par les entreprises de blocs de plusieurs années pour un élève. Les entreprises garantissent ainsi à leurs agents expatriés ou autres une place à l’école, ce qui devient un élément important de la décision d’expatriation, dans une situation où plusieurs centaines de places manquent pour les enfants français et ayant-droits. La décision sur le montage financier devrait être prise rapidement.
Le soir, une réception est offerte par M. l’Ambassadeur à la communauté française Elle me permet de saluer les trois conseillers AFE (Mme Maryse Laurenti (UFE), M. Guy Makki (UFE), Mme Élisabeth Rayer (Français du Monde)) ainsi que de présenter Jean-Daniel Chaoui, notre candidat à l’élection législative sur la 10ème circonscription.
Un séjour instructif qui m’a permis de découvrir un pays au modèle économique et sociétal original. J’ai regretté de n’avoir pu – malgré plusieurs demandes –rencontrer aucun chef d’entreprise ni responsable de Chambre de commerce ou de club d’investisseur français, sans doute trop pris !
Plus souciant est le manque de places dans les écoles françaises publiques ou homologuées. La difficulté à mettre en place des solutions alternatives ne permet de voir clairement l’avenir et la crainte que chacun d’entre nous peut avoir, c’est de voir nos enfants français scolarisés dans des établissements anglophones, ce qui l’exact contraire de la politique que nous voudrions suivre. Il y a là un problème politique majeur et qui dépasse les Émirats arabes unis.