La frégate « Nivôse » de la Marine nationale faisant relâche pour quelques jours à Port-Louis, nous sommes invités à déjeuner à bord, en compagnie de l’ambassadeur de France Dominique Renaux, du premier conseiller, Michaël Roux, et de leurs épouses. Le capitaine de Muizon, pacha de la frégate, explique les missions de surveillance des zones et des terres éloignées qui lui sont confiées par l’Amiral commandant les Forces Navales dans l’Océan Indien, grâce à la très grande autonomie du navire et à son hélicoptère embarqué. Elles couvrent un arc nord de la Somalie à l’Asie du sud-est, et un arc sud qui comprend les îles françaises du Sud et les TAAF.

Le soir, nous sommes invités à la cérémonie des 25 ans de l’ADFE-Maurice qui se déroule dans le beau cadre du Domaine de Paille, animé par les rythmes d’un festival de musique créole.
La cérémonie, à laquelle plus d’une centaine de personnes ont participé, est honorée par la présence du vice-président de la République, Raouf Bundhun, par celle de plusieurs personnalités mauriciennes amies de la France, par l’ambassadeur de France, le premier conseiller, et la consule chef de chancellerie, Anne Clivot.
Lucette Fakim présidente de l’ADFE a organisé cette belle célébration des actions menées pendant 25 ans. Plusieurs discours les mettent en valeur, en particulier un historique fait par Thierry de Comarmond, un des co-fondateurs de l’ADFE-Maurice. Nous profitons de l’occasion pour honorer la doyenne Lucette Latour-Adrien. Un dîner, accompagné de danses de l’île et d’ailleurs, clôt la célébration.

Le 4 décembre, nous visitons l’école et le lycée La Bourdonnais avec Jean-Pascal Gerber, proviseur et M. Chovelon, directeur du primaire, accompagnés entre autres par François Foti, attaché de coopération éducative, par le responsable de la « Compagnie » ou comité de gestion, Henri de Chazal, et par Mme d’Unienville, présidente de l’APE. Ce sont de vastes et beaux bâtiments, qui accueillent 1800 élèves, dont 40 % de Français. Il y a 140 boursiers.
Nous tenons ensuite une réunion sur les questions éducatives où nous rejoignent des représentants du corps enseignant et des élèves ainsi que des associations représentatives. Ils insistent sur l’augmentation des frais de scolarité (15 % cette année, 13 % l’an prochain) qui touche en particulier les familles qui ont des salaires mauriciens (88 % des familles). De fait plusieurs familles mauriciennes ont retiré leurs enfants du lycée. Je développe les principaux axes de la politique éducative que nous entendons mener à l’étranger : développement du système éducatif à l’étranger, maintien d’une proportion significative d’élèves non français et possibilité de bourses, stabilisation puis baisse de la part des écolages dans le financement de l’AEFE, ouverture à l’enseignement technique, encouragement au regroupement des écoles en gestion parentale.

Un déjeuner dans le cadre historique de la « maison Le Clézio » à Moka autour de Fred Constant, chef du SCAC et de François Foti, avec Michèle Lambiotte, IEN en résidence, les directeurs des écoles du Nord, du centre et Paul et Virginie, ainsi que Jean-Pierre Hardy, président de la Compagnie du Lycée des Mascareignes, permet de faire le point sur les BTS, la seconde aménagée, la concurrence des écoles à cursus britannique.

L’après-midi, nous sommes accueillis au lycée des Mascareignes par le proviseur Michel Irrmann et son équipe de direction qui nous montrent leurs belles installations techniques et culturelles.
Jean-Pierre Hardy et des représentants du comité de gestion ainsi que Mme l’Intendante présentent la situation financière de l’établissement et surtout un modèle prévisionnel à long terme (2015) qui montre la croissance des frais financiers liés au remboursement des emprunts ainsi qu’ à l’évolution de la parité euro-roupie et au taux de remontées sur les salaires des résidents et sur l’ISVL. Leur conclusion, partagée par les autres responsables des comités de gestion que nous verrons plus tard dans la journée, est de demander un moratoire, une stabilisation du taux de remontée au taux actuel (variable selon les établissements mais globalement bas) pour une durée de 4 ou 5 ans, le temps de rembourser les emprunts importants contactés pour investissements. Le raisonnement me paraît convaincant et j’appuierai leur demande auprès de l’AEFE.
Nous rencontrons ensuite les directeurs et proviseurs des autres établissements : Ecole du Nord, Ecole du Centre, Paul et Virginie. Une réunion avec les représentants des personnels enseignants et autres portent sur les mêmes questions et sur l’avenir des établissements compte tenu de l’évolution des charges financières.
Les présidents des comités de gestion ou « compagnies » des cinq établissements (Henri de Chazal, Jean-Pierre Hardy, François Louis pour l’Ecole du Nord, Benoit Regnard pour l’école du Centre et Robert Ferrat pour Paul et Virginie) expliquent ensuite qu’ils souhaitent la mise en place d’une coordination entre comités de gestion, ce qui me parait aller dans la bonne direction puisqu’elle permettrait une harmonisation des conditions d’emploi. Ils évoquent enfin la possibilité d’offrir des bourses à des jeunes mauriciens, issus des lycées français de l’île, pour qu’ils se forment en France (en métropole ou à la Réunion) et reviennent enseigner dans les écoles françaises de Maurice. Cette idée est intéressante et j’en parlerai aux responsables de la DGCID.

Le 5 décembre nous avons eu un entretien avec l’ambassadeur de France Dominique Renaux. Il a mis en évidence l’originalité de Maurice, petite île éloignée de tout pays développé, handicapée par les risques de catastrophes naturelles et une hétérogénéité ethnique et religieuse, et qui pourtant a réussi un développement exemplaire, aidé essentiellement par la France, dans un cadre parfaitement démocratique. Pays francophone et profondément francophile, son équilibre reste fragile, ainsi après la fin du soutien européen à l’industrie sucrière et l’expiration des Accords Multifibres, et les crédits de coopération et d’ordre éducatif (bourses) sont encore nécessaires et au niveau actuel. Les relations avec le gouvernement mauricien sont bonnes, des gestes récents ont été appréciés comme le retour de l’AFD à Maurice ou la diffusion de RFI.

Nous avons ensuite visité le consulat avec Anne Clivot, Consule chef de Chancellerie, et Xavier Richou, consul adjoint. Nous avons pu constater l’exiguïté des locaux – le consulat a un projet d’agrandissement, dont je parlerai à Stéphane Romatet à mon retour. La charge de travail – gérer une communauté de quelque 8000 Français, et délivrer des visas en représentation des 15 Etats Schengen – est excessive pour le nombre d’agents disponibles, aussi une demande a-t-elle été faite d’un poste supplémentaire (moitié pour les affaires sociales et moitié pour le service de l’état-civil). Armelle Picq, chargée entre autres des questions sociales, suit les dossiers des 74 allocataires, le taux de base de l’allocation de solidarité étant de 355 euros.

Nous avons ensuite été reçus par le président ou « speaker » de l’Assemblée nationale mauricienne, Kailash Purryag, qui a dénoncé les ravages causés à l’économie mauricienne par la dérégulation du commerce international, avant d’être introduits dans l’hémicycle où nous avons pu assister à la séance hebdomadaire de questions au gouvernement. Avec la conduite à gauche, les institutions politiques sont le seul souvenir de la colonisation anglaise de l’île. Nous avons été ensuite reçus, toujours avec l’ambassadeur et le premier conseiller, par le Premier ministre Navin Ramgoolan, qui a déclaré qu’il encourageait la double nationalité entre Français et Mauriciens. J’ai promis de lui envoyer le dernier livre de Pierre Mauroy qu’il souhaitait lire.

Le soir, l’ambassadeur et Madame Renaux offrent une réception pour environ 300 membres de la communauté française. La présence du vice-président de la République, Raouf Bundhun, et du ministre des Affaires étrangères, Madan Muzlidhaz DULLOOO, montre l’intérêt et l’amitié de Maurice pour la communauté française et pour la France. L’ambassadeur a brossé un tableau de notre présence dans l’île et de l’action qui y est menée, en particulier par le consulat. J’ai ensuite parlé de l’action des sénateurs représentant les Français hors de France et de ce que je retenais de mes contacts et rencontres à Maurice, communauté dynamique, engagée dans les affaires, s’étant dotée des établissements d’enseignement nécessaires.

Nous concluons la soirée par une réunion du Bureau de l’ADFE Maurice où nous évoquons l’action à mener dans les prochains mois et années.

Le lendemain nous avons rencontré, au consulat, les responsables des associations : Patrick Ferrat (représentant à Maurice du délégué Claude Mac Gaw), Michèle Malivel (présidente de l’UFE, représentante de Michel Ducaud), Brigitte Ribet (vice-présidente, représentante de Xavier Desplanques), Lucette Fakim (présidente de l’ADFE), ainsi que Gérard Weill, président de la Société d’Entraide et de Bienfaisance (SEB). La SEB touche du MAE une subvention de 3500 euros, qui ne suffit pas à résoudre les problèmes des Français démunis : versement d’une aide ponctuelle, aide au rapatriement, au logement, parfois même dépannage alimentaire. Une anomalie a été soulevée : chaque allocataire d’une aide consulaire se voit retirer 50 euros, ce qui devient insupportable lorsqu’il y en a plusieurs dans la même famille. Une solution serait d’effectuer un abattement pour les allocataires de la même famille, solution que j’appuierai. Gérard Weill me signale par ailleurs qu’il est interdit à la SEB d’avoir un compte d’épargne, pourtant bien utile en cas de grosses dépenses urgentes, j’essayerai d’éclaircir ce point, tout comme les motifs de l’arrêt du versement d’une subvention de la Croix-Rouge Internationale.
L’autre grave problème soulevé est le taux trop élevé de la cotisation à la CFE, même pour la 3ème catégorie aidée : elle est de 2000 roupies environ, alors qu’à Maurice le salaire moyen est de 1500 roupies. Un taux de cotisation acceptable serait de 1000 roupies. Il est suggéré de supprimer ou d’alléger le droit d’entrée pour certaines catégories, demande que je relayerai.
Enfin, il est souhaité que la carte de COTOREP puisse être attribuée dans l’intervalle entre deux réunions de la CCPAS, la décision étant ensuite confirmée. Je soutiendrai cette demande.

Nous sommes ensuite invités par l’ambassadeur à déjeuner avec une vingtaine de chefs d’entreprise français. Eric Noitakis, chef de la Mission économique, fait un exposé sur la situation économique de l’île et les possibilités de développement dans les domaines des NTIC, du tourisme et de la formation en général. L’impression que je retire est celle d‘un environnement favorable, d’une fiscalité douce, mais d’une certaine incertitude dans la gestion des grands appels d’offres. Les problèmes de contrefaçon ont également pris de l’importance avec le développement du textile et des articles de mode. Il serait sans doute nécessaire d’envisager une action conjointe avec la Commission européenne et d’autres pays européens pour demander à ce que Maurice devienne partie à l’une des grandes Unions africaines de la propriété intellectuelle (OAPI ou ARIPO), que la législation anti-contrefaçon soit modernisée, et surtout que la formation des différentes autorités parties prenantes (douanes, police, justice) soit assurée.

Notre dernière visite aura été pour le Centre culturel français Charles Baudelaire, avec son directeur Jean-André Viala, et le responsable d’une remarquable médiathèque riche de 28 000 documents et ouvrages, de 900 DVD et de 1300 CD audio. Il nous fait remarquer qu’avec 2 500 lecteurs inscrits, le taux de prêt est le plus haut de tous les centres culturels français…