Je me promène ce matin sur la rue principale « Orchard street », la rue des vergers - qui ont disparu depuis longtemps pour faire place aux boutiques et immeubles les plus modernes. Cette cité-État étonnante, construite en 40 ans, atteint aujourd’hui une prospérité comparable à celle de l’Europe. Ce qui frappe le plus, c’est le mélange des races et nationalités : Chinois de Singapour et de Chine, Malais, Indiens bengalis, Tamouls, Sikhs, Européens, Australiens … tout le monde se presse vers son travail. Ville conquise sur la mer et sur l’eau, par des polders qui font un bon tiers de sa surface : battus les Pays-Bas ! Nos entreprises de BTP y sont d’ailleurs actives.

La communauté française compte à peu près 6000 personnes, jeunes et mobiles avec cependant un début de précarisation. Les contrats en or des expatriés ont disparu et beaucoup de Français sont maintenant employés aux conditions locales du marché. D’où des difficultés pour se loger et pour payer les frais de scolarité de l’école française. La visite au consulat de France sous la conduite du consul Franck Laval confirme la montée du nombre de demandes de bourses (environ une vingtaine), même s’il y a quasiment pas d’allocations de solidarité.

Capacité extraordinaire de Singapour et de son père fondateur Lee Kuan Yew pour gérer comme une entreprise ce micro pays, mais aussi pour planifier leurs orientations économiques à moyen terme, comme ici dans le domaine de la recherche (ceci ne l’affranchit pas d’un régime de dictature soft, muselant le droit d’expression et les libertés individuelles). Une visite à l’agence scientifique du gouvernement singapourien (A*Star) permet de mieux comprendre la politique scientifique : des objectifs précis (biologie, médicine, sciences pour l’ingénieur), des moyens importants (6,5 milliards d’euros en 2006 – à titre de comparaison les dépenses françaises de R et D ont été de 38 milliards d’euros pour la même année), un recrutement des meilleurs chercheurs étrangers (toutes nationalités), des résultats essentiellement utilisables par l’industrie.

Nous visitons ensuite l’ensemble Biopolis qui comprend une quinzaine de formations de recherche couvrant les domaines médicaux, pharmaceutiques, biologie appliquée. A l’invitation d’Antoine Mynard, attaché scientifique, je rencontre plusieurs chercheurs français en poste à Biopolis ou dans l’université. Tous disent le plaisir qu’ils ont de pouvoir travailler avec les moyens financiers nécessaires et stables.

Visite au Lycée français de Singapour sous la conduite de Pierre Mondoloni, proviseur et son équipe de direction. Très bel établissement de 1400 élèves mais qui explose comme beaucoup de nos écoles à l’étranger et pour lequel un plan d’extension est prévu. La structure juridique de l’établissement est originale, puisqu’il a été créé par un groupe d’entreprises françaises qui continuent d’en assurer la responsabilité financière. Les frais de scolarité sont relativement élevés (6000 € par an en moyenne) par rapport à l’ensemble du réseau AEFE (3500 €) mais plutôt bas pour les écoles comparables sur Singapour. Ils risquent d’augmenter les prochaines années pour faire face à la construction d’une extension nécessaire et à l’inflation. Ceci risque de créer des difficultés pour les parents qui sont salariés dans le système économique singapourien. Quasi pas de demandes de gratuité pour la classe terminale. Je suggère d’étudier une formule de coopération européenne avec le lycée allemand. Rencontre avec les représentantes du comité d’établissement et avec ceux du corps enseignant et des personnels.

Soirée avec les amis de la section ADFE qui ont le mérite et le courage de porter les couleurs de la gauche dans un environnement qui n’est pas très favorable à nos idées (Ségolène Royal a fait 25% au 2ème tour !).

Le lendemain je rends visite à Ms Liew Woon-Yin, directrice générale de la propriété intellectuelle à Singapour (IPOS), accompagné de Michel Cywinski, conseiller commercial. Nous faisons un tour d’horizon des questions de propriété industrielle régionales et nationales.

Rencontre avec Pierre Buhler, ambassadeur de France, qui m’expose l’excellence des relations diplomatiques entre nos deux pays. Pas de contentieux même léger, concordance de vues sur la plupart des grands dossiers internationaux. La diplomatie singapourienne se caractérise par sa volonté d’indépendance vis-à-vis de ses voisins (Indonésie, Malaisie) dont le pays dépend pour ses approvisionnements en énergie et eau. Indépendance aussi vis-à-vis de la Chine dont l’expansion économique peut devenir obsédante et, du moins en théorie, vis-à-vis des Etats-Unis. Pour cela Singapour favorise le multilatéralisme à travers un ensemble d’organisations internationales en nombre de plus en grand, depuis l’ASEAN, l’ASEM, l’APEC….. Indépendance aussi basée sur une armée puissamment équipée (6 frégates françaises pour la marine, une quinzaine de F 15 US pour l’aviation – curieusement basés aux Etats-Unis). C’est un peu le syndrome suisse transposé sous l’équateur asiatique.

Déjeuner offert par l’ambassadeur pour une quinzaine de personnes des organisations officielles françaises et de Français à Singapour.

L’après midi visite intéressante du chantier mené par Dragages (filiale de Bouyges) qui achève un ensemble de deux tours d’appartements de 80 étages avec de nombreux problèmes techniques à résoudre (fondations près de l’eau, métro, protection anti tremblements de terre). Une présentation très vivante par Fréderic Pérez nous fait vivre la conduite d’un grand chantier difficile et celle d’importantes équipes d’ouvriers et de chefs d’équipe.

Le soir dîner à l’invitation de Jean Marie Demange, chef de la mission économique pour la région Asie du Sud-est, avec quelques-uns de ses collaborateurs. Nous faisons un tour des principales questions économiques de la région et du pays. Le plus préoccupant pour la France est la dégradation de la balance commerciale avec un déficit en 2007 dû principalement à l’augmentation de nos importations, doublée de la stagnation de nos exportations. Nous nous plaçons ainsi au 20ème rang des pays exportateurs vers Singapour.

Le 16, je tiens une permanence au consulat pour recevoir nos concitoyens.

Visite de l’Alliance française (4000 élèves par an, budget de l’ordre de 1,2 million d’euros) avec son directeur Pierre-Emmanuel Jacob, puis déjeuner à la brasserie Wolf à l’invitation d’Olivier Vaysset et Thierry Bayle (conseiller et attaché culturel) avec deux représentantes de la chanson française à Singapour. Erik Orsenna se joint à nous, pour notre grand plaisir.