Le 15 novembre, en notre qualité de rapporteurs spéciaux du budget, mon collègue Éric Doligé (LR) et moi-même avons présenté devant la commission des finances du Sénat notre rapport sur les crédits de la mission « Action extérieure de l’État ».

En 2017, le budget global de la mission s’élèvera à 3 milliards d’euros [1], soit une baisse de l’ordre de 5% par rapport à 2016, qui s’explique principalement par :

  • la fin du programme consacré à l’organisation de la COP 21, dont les crédits s’élevaient à 139,2 millions d’euros en 2016. Partant, si l’on excepte la COP 21, la baisse du budget global de la mission ne sera que de 0,84% par rapport à 2016 ;
  • la baisse des crédits consacrés aux contributions internationales – versées aux organisations internationales – et aux opérations de maintien de la paix (OMP). Cette baisse d’environ 100 millions d’euros sur un an est essentiellement due à la révision du barème des contributions internationales [2] ainsi qu’à la réduction du budget de certaines OMP.

L’année 2017 sera marquée par un renforcement des mesures de lutte contre le terrorisme et de protection des communautés et des intérêts français à l’étranger. Concrètement, 51,9 millions d’euros et 67 emplois (équivalents temps plein) supplémentaires seront consacrés à la sécurité.
Ces moyens additionnels seront principalement affectés à la sécurisation des emprises françaises à l’étranger (travaux, gardiennage) : ambassades, consulats et instituts culturels (+22,2 millions d’euros) ; établissements d’enseignement français à l’étranger (+14,7 millions d’euros) ; alliances françaises (+2 millions d’euros).
S’agissant de la protection des communautés françaises à l’étranger, 1,63 millions d’euros supplémentaires seront affectés au Centre de crise et de soutien (amélioration de la prise en charge locale des Français blessés; mise en place d’un nouveau logiciel de gestion de crise ; formation aux pratiques de sécurité; déploiement dans le réseau de moyens radios autonomes).
Par ailleurs, les dépenses de coopération internationale en matière de sécurité augmenteront de 9,5 millions d’euros par rapport à 2016 (financement des formations d’élites et de cadres militaires étrangers à la lutte contre le terrorisme, etc.) et 25 postes de coopérants seront créés dans le domaine de la lutte contre le terrorisme.

Compte tenu de la création de 67 équivalents temps plein (ETP) dans le cadre du plan de sécurité, le nombre de suppressions nettes de postes sera inférieur à celui prévu par la programmation triennale 2015-2017 (48 au lieu de 115). À la fin de l’année prochaine, 450 ETP auront été supprimés en trois ans, contre 600 ETP entre 2013 et 2015.
Parallèlement à la réduction des effectifs, le ministère des affaires étrangères poursuivra les redéploiements d’emplois vers les pays émergents et les services des visas. À la fin de l’exercice 2017, le ministère comptera 13.834 ETP, auxquels il faut ajouter les 6.863 équivalents temps plein travaillé (ETPT) sous plafond employés par les opérateurs relevant du programme « Diplomatie culturelle et d’influence ».
Pour ce qui concerne les crédits de rémunération, je me réjouis que le projet de loi de finances prévoie une enveloppe de mesures catégorielles (primes, etc.) destinée aux agents de droit local (1,7 million d’euros).

Conséquence de la diminution du budget consacré aux contributions internationales et aux OMP, les crédits du programme « Action de la France en Europe et dans le monde » (financement du réseau diplomatique et des dépenses de personnel et de fonctionnement) seront en baisse de 5,3% (hors dépenses de personnel).
Les dépenses de fonctionnement des postes diplomatiques et consulaires connaîtront une diminution de 4% (83,3 millions d’euros), qui s’explique notamment par la poursuite de la restructuration du réseau (transformation de 13 ambassades en postes de présence diplomatique [3], fermeture de cinq trésoreries auprès des ambassades de France) et la maîtrise des dépenses relatives aux voyages et aux missions statutaires. Cependant, les crédits correspondant aux frais de représentation resteront stables (environ 9,5 millions d’euros), ces dépenses étant complétées par du mécénat à hauteur de 2,4 millions d’euros.
En matière immobilière, le ministère des affaires étrangères bénéficie, à l’instar du ministère de la défense, d’un mécanisme particulier de retour intégral du produit des cessions d’immeubles à l’étranger. En contrepartie, le ministère doit prendre en charge les dépenses d’entretien lourd de ces biens. À cette fin, le projet de loi de finances prévoit une ligne de 12,2 millions d’euros, qui devra de nouveau être complétée par une prise en charge par le compte d’affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l’État ». Par ailleurs, depuis 2014, le ministère des affaires étrangères renonce à une partie des produits de cessions immobilières et verse, au titre du désendettement de l’État, une contribution forfaitaire d’au moins 25 millions d’euros. En 2017, le montant de cette contribution s’élèvera à 60 millions d’euros, contre 100 millions d’euros en 2016. Ce mécanisme dérogatoire arrivera à échéance le 31 décembre 2017. Dans un contexte de tarissement du produit des cessions immobilières, la question de sa reconduction doit être posée. Il n’est pas certain qu’il reste avantageux pour le ministère. De plus, une normalisation pourrait obliger le ministère à professionnaliser sa gestion immobilière alors que, selon France Domaine, le ministère des affaires étrangères se caractérise par une sous-consommation des crédits demandés en début d’année.

L’année prochaine, les crédits du programme « Diplomatie culturelle et d’influence » s’établiront à 712,8 millions d’euros, soit une légère baisse de 1,2% par rapport à 2016.
Ce programme comprend notamment les subventions versées aux opérateurs de la politique d’influence française (Agence pour l’enseignement français à l’étranger, Atout France, Campus France, Institut français), qui seront globalement stables par rapport à 2016. Cependant, il s’agit d’une stabilité en trompe l’œil.
En effet, la stabilité de la dotation à l’AEFE masque une enveloppe spécifique de 14,7 millions d’euros pour des dépenses de sécurisation des établissements du réseau. À périmètre constant, la subvention à l’AEFE est en baisse et pose la question, soulignée par la Cour des comptes, du maintien de l’ambition et de l’excellence du réseau. Je crois que nous arrivons au terme de cette phase de baisse des crédits publics et d’augmentation des frais de scolarité. Il importe désormais stabiliser les ressources de l’État pour assurer la pérennité du réseau.
De même, la stabilité de la subvention versée à Atout France masque la disparition, en 2017, d’une recette exceptionnelle de 5 millions d’euros, dont l’opérateur a bénéficié en 2016, suite à la mise en place d’un mécanisme d’attribution de produits de visas [4]. Ce dernier repose cependant sur l’hypothèse d’une augmentation des recettes de visa d’une année sur l’autre. Or, à la suite des terribles attentats qui ont frappé notre pays, la demande de visas s’est légèrement tassée, en particulier en provenance de Chine et de Russie. Il s’ensuit que les recettes devraient reculer d’environ 3 millions d’euros. Il n’y aura donc aucune attribution de produits, ni pour Atout France, ni pour des vacations sur l’instruction des visas.
Quant aux crédits relatifs aux bourses aux étudiants et chercheurs étrangers, ils sont en baisse de façon quasi-continue depuis 2012. De plus, les dotations initiales sont systématiquement rognées en cours d’exercice car elles sont facilement mobilisables pour des annulations ou redéploiement de crédits. Là encore, nous arrivons au terme d’un cycle de réduction : peut-on encore réduire ces crédits sans remettre en question notre attractivité universitaire ?

En 2017, les crédits du programme « Français à l’étranger et affaires consulaires » connaîtront une hausse de 4,4% par rapport à 2016 (386,7 millions d’euros), qui s’explique principalement par l’organisation des élections présidentielle et législatives. Une enveloppe de 15,3 millions d’euros sera notamment consacrée au développement d’un module informatique pour le vote électronique disponible pour les seules élections législatives.
Par ailleurs, les crédits destinés aux dépenses du personnel affecté à l’instruction des visas augmenteront (+3,5 millions d’euros), de même que le plafond d’emplois (+5 ETPT). Cependant, l’instruction des visas perdra la cinquantaine de vacations hors plafond dont elle disposait en 2016 grâce au mécanisme d’attribution de produits susmentionné. Cela est regrettable car, au moment où notre attractivité touristique est menacée, la rapidité de l’instruction des demandes de visa peut constituer un levier efficace face à la concurrence européenne. Face à la crise, les efforts ne doivent pas être amoindris mais redoublés!
Pour ce qui concerne les bourses scolaires attribuées aux élèves français du réseau AEFE, le montant des dotations initiales n’a, depuis 2012, que peu de rapport avec la réalité des versements aux parents d’élèves. En effet, chaque année, l’enveloppe initiale est rabotée par la réserve de précaution [5], puis par des annulations en gestion, mais compensée par l’utilisation d’une réserve de trésorerie dans les caisses de l’AEFE [6]. Il reste aujourd’hui une trésorerie d’une dizaine de millions d’euros au sein de l’AEFE pour les bourses. Cette réserve permettra de compenser la réserve de précaution pour obtenir un niveau de bourses effectif de 110 millions d’euros en 2017. À cet égard, je remarque que l’on se situe significativement en dessous de la promesse faite en 2012 consistant à maintenir un niveau d’aide de 125 millions d’euros. Si les besoins ne sont pas supérieurs à 110 millions d’euros, c’est en partie parce que les critères applicables se sont durcis et que les familles s’autocensurent. Un niveau suffisant d’aide à la scolarité est pourtant nécessaire pour maintenir une certaine mixité sociale au sein du réseau d’enseignement français à l’étranger. C’est pourquoi j’ai présenté un amendement visant à abonder de 5 millions d’euros les crédits d’aide à la scolarité, financés par les dépenses de fonctionnement des ambassades, en particulier les frais de représentation pour inciter ces dernières à solliciter des partenaires privés.
Enfin, le budget consacré au service public offert aux Français à l’étranger – qui comprend notamment les dépenses électorales – s’élèvera à 223,6 millions d’euros (+9,1% par rapport à 2016). Les crédits relatifs à l’aide sociale resteront stables (15,6 millions d’euros). Il en ira de même de ceux alloués au financement du dispositif d’aide à l’accès à la Caisse des Français de l’étranger (382.000 euros).

Les crédits de la mission « Action extérieure de l’État », ainsi que l’amendement relatif aux bourses scolaires, n’ont malheureusement pas pu être examinés en séance publique car, avant même la discussion du volet « recettes » du projet de loi de finances, la majorité conservatrice du Sénat a brusquement mis un terme au débat budgétaire en adoptant, le 30 novembre, une motion tendant à opposer la question préalable.

Pour de plus amples informations, vous pouvez lire mon rapport en cliquant ici.

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[1] À l’initiative du Gouvernement, l’Assemblée nationale a minoré de 26 millions d’euros les crédits du programme « Action de la France en Europe et dans le monde ». Selon le secrétaire d’État chargé du budget et des comptes publics, cette diminution est permise par une révision à la baisse des dépenses des contributions aux organisations internationales et aux OMP suite à une actualisation des prévisions de l’ONU. Elle a pour conséquence de faire passer le budget global de la mission « Action extérieure de l’État » de 3,03 milliards d’euros à 3 milliards d’euros.

[2] En 2018, la contribution de la France passera à 6,28%, contre 7,2% en 2015.

[3] Au total, le nombre de postes de présence diplomatique (PPD) s’élèvera à 25 en 2017 (Brunei, Cap-Vert, Érythrée, Guinée-Bissau, Honduras, Jamaïque, Kirghizstan, Libéria, Népal, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Tadjikistan, Trinité et Tobago, Zambie, Botswana, Fidji, Moldavie, Monténégro, Namibie, Nicaragua, Paraguay, Salvador, Seychelles, Soudan du sud, Suriname, Turkménistan).

[4] L’an dernier, mon collègue Doligé et moi-même avions recommandé au Gouvernement de mettre en place ce mécanisme d’attribution de produits de visas.

[5] La réserve de précaution consiste à rendre indisponible, dès le début de la gestion, une fraction des crédits ouverts en lois de finances.

[6] Fin 2014, l’excédent constaté dans les comptes de l’AEFE s’élevait à 42 millions d’euros. L’utilisation de cette soulte comptable a été de 10,4 millions d’euros en 2015 et 19 millions d’euros en 2016. En 2017, le reliquat de la soulte (12,7 millions d’euros) s’ajoutera à la dotation de 110 millions d’euros.