Le 24 octobre, j'ai adressé au ministre de l'économie et des finances, Bruno Le Maire, un courrier relatif à la suspension de l’octroi de la garantie de l'État aux emprunts réalisés pour le compte des établissements scolaires français de l'étranger par l'Association nationale des établissements français à l'étranger (ANEFE).

Monsieur le Ministre,

Je souhaite vous faire part de mon inquiétude s’agissant de la suspension de l’octroi de la garantie de l'État aux emprunts réalisés pour le compte des établissements scolaires français de l'étranger par l'Association nationale des établissements français à l'étranger (ANEFE).

Selon les informations dont je dispose, la suspension du dispositif prévu par le décret n°79-142 du 19 février 1979 serait consécutive à la réalisation d’un audit par le contrôle général économique et financier.

Je constate avec regret que la décision prise par la direction générale du Trésor a pour effet de compromettre la réalisation de plusieurs projets immobiliers, dont ceux de Panama et Mascate. Cette décision est d’autant plus préjudiciable que de nombreux investissements seront nécessaires en vue d’atteindre l’objectif fixé par le Chef de l’État de « doubler le nombre d’élèves accueillis au sein du réseau scolaire français d’ici à 2025 ».

Soucieux des conditions de développement du réseau d’enseignement français à l’étranger, je vous serais très reconnaissant de bien vouloir m’indiquer, d’une part, les raisons qui ont conduit à la situation actuelle et, d’autre part, comment le Gouvernement entend y remédier.

Vous remerciant d’avance pour votre réponse, je vous prie de croire, monsieur le Ministre, à l’expression de ma haute considération.

Richard YUNG

Vous trouverez, ci-dessous, les éléments d'information que le président de l'ANEFE, André Ferrand, a transmis aux membres du conseil d'administration de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE).

L’ASSOCIATION NATIONALE DES ÉCOLES FRANÇAISES À L’ÉTRANGER

HISTORIQUE/SA VOCATION

Elle a été créée à l’initiative d’un sénateur des Français de l’étranger, Jacques Habert, en 1976, à une époque où les communautés françaises de par le monde souhaitaient se doter d’écoles françaises.
L’ AEFE n’existait pas encore et le but était d’assister ces communautés sur les plans pédagogique et administratif.
En 1979, les sénateurs obtiennent la signature d’un décret signé par le Premier Ministre M. Raymond Barre, le Ministre des affaires étrangères, Jean François-Poncet et le Ministre des finances, M. René Monory, qui confie à l’ANEFE la mission de permettre à ces écoles d’obtenir, pour leurs financements immobiliers, la garantie de l’État, à condition que l’ANEFE se porte caution.

ORGANISATION – GESTION

Toutes les écoles réputées membres de l’ANEFE participent à son assemblée générale, laquelle élit seize de leurs représentants à son conseil d’administration.
Outre ces seize membres élus, le conseil est composé de seize membres de droit dont plusieurs représentants des trois ministères partenaires : le MEAE représenté aujourd’hui par la DGM et l’AEFE, le MEN représenté aujourd’hui par la DREIC (Direction aux relations européennes et internationales et à la coopération) et le MINEFI représenté par la DG Trésor.
L’ANEFE est donc en quelque sorte semi-publique.
Le conseil d’administration élit le bureau et sa gestion est assurée bénévolement par deux personnes: la directrice, Françoise Hirzel et votre serviteur qui en est le président. Le Sénat met à sa disposition un modeste bureau au Palais du Luxembourg.
Le travail principal consiste à préparer des dossiers de demande de garantie qui seront présentés au Comité des Prêts composé des représentants de l’ANEFE et des trois  ministères partenaires. Ce comité étudie le dossier, apprécie le projet et demande éventuellement plus d’informations à l’établissement ou bien des aménagements d’ordre financier avant de donner son accord pour une présentation devant la Commission interministérielle ad hoc. Celle-ci est composée des représentants des trois ministères partenaires, l’ANEFE n’y ayant pas de voix délibérative. Elle est présidée par un conseiller maître à la Cour des comptes.

C’est après son approbation que le MINEFI publie l’arrêté de garantie.

Une cotisation de 0,4% sur les sommes restant dues payée à l’ANEFE par les établissements permet de constituer les fonds de garantie nécessaires.

LE BILAN

Depuis sa création en 1976, 166 prêts ont été garantis par l’ANEFE pour 112 établissements et 95 pays.
Elle n’a enregistré que deux sinistres entrainant le recours au fonds de garantie, tous deux d’origine politique – le Lycée Blaise Pascal en Côte d’Ivoire en 2005 (entièrement remboursé ensuite par le Président Gbagbo) et le Lycée Charles de Gaulle à Damas qui, son effectif augmentant à nouveau, a recommencé à régler en partie les échéances.
Et pendant tout ce temps, l’ANEFE n’a pas coûté un denier à l’Etat, ni en garantie, ni en fonctionnement.

LE PROBLÈME ACTUEL

Il est apparemment né de l’importante augmentation, ces dernières années, du montant des prêts (Chicago, Londres, Zurich, Tokyo, Luxembourg).
Ainsi, aujourd’hui, c’est un total de quelque 275 MK€ qui sont garantis
Ces montants ont apparemment ému la DG Trésor qui a mandaté en février dernier un audit du Contrôle Général économique et financier (le CGéfi). A ce jour le rapport de cet audit n’a été communiqué à personne, mais le cinq septembre dernier, à la veille d’une réunion du Comité des prêts qui devait statuer sur deux dossiers, un beau projet d’un nouveau lycée à Panama (7,5MK€) et la restructuration d’un prêt consenti pour le lycée de Mascate qui connait des difficultés en ce moment, l’ANEFE été informée par un bref courriel de la DG Trésor que cette réunion ne pourrait avoir lieu et serait annulée « sine die ».
Par un bref échange téléphonique (à notre initiative) nous avons su qu’il était reproché à l’ANEFE, non pas sa gestion, mais sa structure et le respect des « règles prudentielles ». Quant aux dossiers Panama et Mascate, « On verra plus tard »…
Il est vrai que, depuis la crise de 2008, la réglementation, suite aux accords de Bâle, a largement évolué et ce qui était possible lors du décret qui l’a créée ne l’est plus.
Nous avons eu la confirmation la semaine dernière que là était bien la raison de la décision de la DG Trésor ;
En effet, la Sénatrice Évelyne Renaud-Garabédian ayant, lors d’une récente audition du Ministre Bruno Le Maire devant la Commission des affaires économiques, posé la question de ce blocage, le Ministre a suggéré une rencontre de la sénatrice avec la Secrétaire Générale de la DG Trésor et un membre de son cabinet.
Il en est résulté en substance ce que j’ai exposé ci-dessus : la DG Trésor ne veut plus d’une structure à caractère associatif, elle se demande pourquoi c’est elle qui est chargée de cette révision et le rapport d’audit n’a pas été communiqué car il n’a pas encore été présenté au Ministre. « On va se pencher sur les dossiers Panama et Mascate et trouver une solution dès que possible ».

C’est donc là la présente situation.

Quel est mon sentiment ?
Il est vrai que si on voulait aujourd’hui créer un dispositif de garantie de l’État en faveur des écoles, on s’y prendrait différemment. La situation actuelle est le résultat de l’histoire et de la vocation initiale de l’ANEFE.
Mais il appartient évidemment à l’État de décider dans quelles conditions il veut donner sa garantie.

Personnellement, j’attends donc sa décision tout en regrettant très vivement le tort causé aux deux établissements et à ceux qui s’apprêtaient à déposer un dossier ainsi que l’apparente désinvolture avec laquelle est, pour le moment, traité ce sujet.
Je retiens aussi que le coût d’un nouveau dispositif serait forcément plus onéreux et, aussi, que le risque pour l’État ne se trouverait pas diminué car si, en cas de désastre, l’ANEFE ne devait plus avoir suffisamment de fonds de garantie, c’est, bien sûr, l’État qui devrait payer les banques. Mais n’en serait-il pas de même s’il donnait sa garantie directement ?

André Ferrand