J'ai été interviewé la semaine dernière par le site expartries.senat.fr sur la création des députés des Français établis hors de France envisagée dans le cadre du projet de loi constitutionnelle de réforme des institutions, sur la proposition de loi socialiste tendant à modifier le mode d'élection du Sénat, sur proposition de loi visant à assurer l'indemnisation des dommages subis à l'étranger et sur l'état civil des Français nés, résidant ou ayant vécu à l'étranger.

La création de députés représentant les Français établis hors de France prévue à l'article 9 du projet de loi constitutionnelle de réforme des institutions vient d'être adoptée par les députés. Quel devrait être le sort de cet article au Sénat ?

Les sénateurs regimbent pour deux raisons : une partie des sénateurs des Français de l'étranger craint qu'en contrepartie de la création de douze députés, on réduise le nombre de sénateurs. Par ailleurs, les sénateurs sont attachés au principe selon lequel le Sénat représente les communes de France et les Français de l'étranger.

Il est normal que les Français de l'étranger aient des députés et deviennent ainsi, sur le plan politique, des citoyens comme les autres.

Que pensez-vous du choix du scrutin majoritaire à deux tours pour l'élection de ces députés ?

C'est un choix paradoxal : il serait préféré au mode de scrutin proportionnel au motif que le député élu au scrutin majoritaire serait plus proche de l'électeur que celui élu sur une liste proportionnelle. Mais en pratique, douze circonscriptions, cela voudrait dire six en Europe - où résident la moitié des Français établis hors de France - et six dans le reste du monde. Or, une circonscription pour l'Asie-Océanie, cela représenterait trente pays séparés par 6.000 kms. Où est la proximité avec l'électeur ?

Par ailleurs, en Europe, j'ai quelques craintes que le découpage des circonscriptions soit opéré en faveur de la majorité actuelle. Par exemple en découpant la Suisse - qui compte 130.000 Français ayant majoritairement voté à droite au dernier scrutin présidentiel - de telle sorte qu'une partie soit rattachée à l'Autriche (qui a majoritairement voté à gauche).

La proposition de loi socialiste tendant à modifier le mode d'élection du Sénat, et, partant, à élargir la base électorale des sénateurs représentant les Français établis hors de France, est inscrite à l'ordre du jour de la séance du 4 juin au Sénat. Quel est votre pronostic ?

L'article 4 de cette proposition de loi reprend, pour l'essentiel, le dispositif de la proposition de loi tendant à élargir le collège électoral des sénateurs représentant les Français établis hors de France, que nous avions présentée avec Monique CERISIER-ben GUIGA en novembre 2005.

A l'heure actuelle, le collège électoral pour l'élection des douze sénateurs représentant les Français établis hors de France est constitué par les seuls 150 membres élus de l'Assemblée des Français de l'étranger. Par comparaison, le même collège pour les sénateurs de Paris compte plus de deux mille membres pour une population parisienne légèrement inférieure en nombre à celle des Français de l'étranger (un peu plus de deux millions d'habitants contre 2,3 millions d'habitants).

Nous proposons de désigner des délégués supplémentaires à raison de un pour 300 Français immatriculés ce qui multiplierait par trente le nombre de grands électeurs en le portant à4 735 membres. Cette base électorale semble plus équitable pour une communauté à la fois nombreuse et dispersée dans le monde entier.

Hélas, la Commission des lois du Sénat a décidé mercredi dernier d'opposer une question préalable sur la proposition de loi socialiste, ce qui revient à l'enterrer. Elle considère en effet qu'en instituant des délégués supplémentaires dont la majorité ne serait pas des élus, ce texte est contraire à l'article 24 de la Constitution qui dispose que le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales de la République.

N'aurait-il pas fallu inscrire votre proposition de loi à l'ordre du jour séparément de celle concernant le mode d'élection du Sénat. En effet, il semble plus urgent de réformer le collège électoral des sénateurs représentant les Français de l'étranger que celui des sénateurs des départements...

Il faut comprendre notre raisonnement. Nous sommes prêts à travailler sur le projet gouvernemental de réforme des institutions - qui comporte globalement plutôt des bonnes choses, à quelques réserves près - mais nous souhaitons poser comme préalable la réforme du mode électoral des sénateurs.

Il ne sert à rien en effet de discuter savamment de la modification de l'ordre du jour au Sénat ou de s'interroger sur l'opportunité de partir du texte de la commission plutôt que de celui du gouvernement pour l'examen en séance publique si l'on continue à fonctionner dans un Parlement dont l'une des chambres ne connaît jamais l'alternance politique. Ça se défend non ?

Vous venez de déposer une proposition de loi visant à assurer l'indemnisation des dommages subis à l'étranger. Comment avez-vous procédé pour la rédiger ?

Je suis allé rencontrer les responsables du fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, le FGTI. C'est notamment ce fond qui indemnise les victimes d'accidents de voiture causés par des personnes non assurées ou les victimes d'actes terroristes. Cette situation est assez proche de celle des Français victimes de catastrophes climatiques ou de crises politiques à l'étranger.

J'en ai donc repris le principe. L'idée serait d'utiliser le même fond, en prévoyant des conditions d'accès et de financement différents. Ainsi, en plus d'un pourcentage des contrats d'assurance souscrits par les Français de l'étranger, son financement serait assis sur les droits de chancellerie et, sur une partie des recettes issues du traitement des demandes de visas délivrés à l'étranger, qui s'élèvent à presque 80 millions d'euros par an.

En quoi votre proposition de loi diffère-t-elle de celle déposée par Joëlle Garriaud-Maylam (consultable ici) ?

Sur le fond, l'objectif est le même. Nos propositions diffèrent sur les modalités de financement et sur l'utilisation du Fond de garantie des victimes d'actes du terrorisme et d'autres infractions.

Quelles ont été les suites de votre rapport d'information sur l'état civil des Français nés, résidant ou ayant vécu à l'étranger ? L'administration a-t-elle évolué ?

Il y a eu quelques progrès. La direction des Français à l'étranger et des étrangers en France a envoyé une circulaire aux consulats leur rappelant qu'il convenait de ne réclamer des Certificats de nationalité française aux administrés qu'à bon escient, c'est-à-dire quand il y a doute sur la nationalité des impétrants.

Par ailleurs, l'idée de rapprocher le greffe du tribunal de la rue du château des Rentiers à Paris des services de l'Etat civil de Nantes progresse un peu.

On se heurte néanmoins aux résistances de l'administration qui considère souvent les propositions de réforme émanant des parlementaires comme des remises en cause de leur action. Je note à cet égard que nous avons beaucoup de progrès à faire par rapport aux Etats-Unis où les parlementaires américains ont beaucoup plus de pouvoirs et d'influence, notamment dans leur mission de contrôle de l'exécutif.

Propos recueillis le 28 mai 2008
(Source
http://www.expatries.senat.fr)