Suite à la réponse que Pierre MOSCOVICI m’a récemment adressée au sujet du régime de déductibilité des charges des non-résidents, j’ai interrogé le service juridique du Sénat sur le problème du traitement différencié des Français établis hors de France selon qu’ils résident au sein de l’UE et l’Espace économique européen ou dans des États tiers.

L’avis ci-dessous montre que nous devons poursuivre nos efforts pour faire avancer ce dossier.

1) Sur la portée de l’instruction fiscale 5 B-1-12 du 13 janvier 2012 relative à la déduction des charges du revenu global pour les non-résidents tirant de France l’essentiel de leurs revenus imposables (dits "non-résidents Schumacker"), comme l’indique M. Yung :
- celle-ci applique l’arrêt "Schumacker" du 14 février 1995 de la Cour de justice de l’Union européenne qui indique que l’article 48 du traité UE "ne permet pas à un État membre de traiter un ressortissant d’un autre État membre qui, ayant fait usage de son droit de libre circulation, exerce une activité salariée sur le territoire du premier État, de façon moins favorable qu’un ressortissant national se trouvant dans la même situation" et, en conséquence, assimile les "non-résidents Schumacker" à des résidents français, ouvrant ainsi le droit à déduction des charges ;
- cette assimilation aux contribuables domiciliés fiscalement en France est ouverte aux résidents des autres États membres de l’Union ou de l’EEE qui ont conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l’évasion fiscale.

2) Sur l’interprétation que fait M. Yung de l’instruction, il convient de préciser que :
- les modalités générales d’imposition des non-résidents répondent au
principe de non déduction des charges ;
- la déductibilité prévue par l’instruction constitue donc
une exception tirant les conséquence de la jurisprudence de la CJUE, dont le champ d’application est limité à l’UE, visant à mettre fin à un traitement discriminatoire au sein de l’Union ;
- il en ressort que
la "limitation du champ d’application de l’instruction" dont fait état M. Yung est justifiée par le caractère européen de la décision de justice.

3) S’agissant de l’inégalité de traitement entre non-résidents de l’UE et de l’EEE et les non-résidents hors UE et EEE :
- le principe est qu’à situation différente correspond un traitement différent
: chaque convention fiscale bilatérale règle les questions d’imposition des non-résidents respectifs de chaque État ; il en ressort que le traitement fiscal des non-résidents français installés à l’étranger peut sensiblement différer en fonction des règles fiscales applicables dans les États étrangers et les disposition des conventions bilatérales ;
- dans la mesure où l’instruction se borne à tirer les conséquences d’un arrêt de la CJUE, il ne semble pas que la question de l’inégalité de traitement entre les Français établis en Europe et ceux établis dans les États tiers à l’UE et à l’EEE relève du domaine d’un recours devant la juridiction administrative. En effet, la demande formulée par M. Yung relèverait davantage d’une modification du droit en vigueur.

Pour en venir à votre question sur la faisabilité juridique de l’extension des dispositions de l’instruction fiscale 5 B-1-12 aux non-résidents établis hors de l’UE et de l’EEE, plusieurs obstacles sont identifiés :
- le premier concerne le coût de la mesure (qui n’est pas chiffré) ;
- le second a trait au fait que
l’extension aux États tiers du régime de déductibilité serait conditionné par un examen État par État des conventions fiscales bilatérales et, le cas échant, le lancement d’un cycle de renégociation. Sur ce point, la faisabilité juridique de votre demande relève d’un examen pays par pays des clauses fiscales d’imposition.

Aussi, peut-on considérer que le vœu formulé par l’AFE relève au préalable du champ de la négociation internationale, sujet sur lequel vous pourriez saisir le Gouvernement, avant semble-t-il d’envisager une modification de la législation ou de la réglementation nationale.