Le 7 juillet, lors de la discussion générale sur le projet de loi de finances rectificative pour 2014, j’ai notamment attiré l’attention du secrétaire d’État chargé du budget sur l'impérieuse nécessité de créer un groupe de travail sur la fiscalité applicable aux Français établis hors de France.

Dans sa réponse, Christian ECKERT m’a indiqué avoir donné son « accord pour que ce groupe de travail soit constitué ». Il a également tenu les propos suivants : « Je connais toutes les questions qui se posent dans ce domaine, s'agissant notamment de la CSG et de certaines situations particulières ; nous sommes prêts à y travailler avec vous ».

Je me réjouis que le Gouvernement ait répondu favorablement à ma demande. La mise en place de ce groupe de travail devrait permettre de faire avancer la réflexion sur plusieurs dossiers complexes touchant à la fiscalité des non-résidents : non-déductibilité des charges ; assujettissement des revenus immobiliers aux prélèvements sociaux ; différence de traitement en matière de taxation des plus-values immobilières ; etc.

 


M. le président. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à quoi sert ce budget rectificatif ? On se le demande !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Il sert à rectifier !

M. Richard Yung. Quand il n'y a pas de collectif budgétaire, l'opposition crie : « Regardez ! La majorité avance masquée, pleine d'arrière-pensées ! » (M. Francis Delattre s'exclame.) Et, quand un projet de loi de finances rectificative est déposé, on a droit au discours que l'on entend aujourd'hui.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Pas du tout ! C'est très bien, un budget rectificatif !

M. Richard Yung. Je me mets à la place d'une personne qui écoute ce débat d'un peu loin. M. le président de la commission parle de « rideau de fumée », d'autres de « cartes biseautées ».

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ça c'est pour la méthode !

M. Richard Yung. En entendant de tels propos, on a l'impression que ce budget est réellement,…

M. Francis Delattre. De l'enfumage !

M. Richard Yung. … digne d'Othello !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C'est la saison des festivals !

M. Richard Yung. Chers collègues de l'opposition, ce budget est comme il est. Vous pouvez ne pas approuver les mesures qu'il contient, nous le concevons et c'est votre droit. Reste qu'il traduit le mouvement suivant : nous regardons ce qui se passe, nous constatons que, malheureusement, la croissance et les recettes fiscales ne sont pas exactement au niveau espéré,...

M. Francis Delattre. C'est le moins que l'on puisse dire !

M. Richard Yung. donc nous proposons un certain nombre de correctifs. Si ce n'est pas cela la transparence, il faut m'expliquer ! De plus, les mesures de ce budget rectificatif seront mises en œuvre très vite, dès le mois de juillet.

À mon sens, il convenait de rappeler ces réalités.

Sur le plan des dépenses, nous proposons 50 milliards d'euros…

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. De ralentissement !

M. Richard Yung. … d'économies. Pour certains, ce n'est rien !

M. Francis Delattre. Ils sont invisibles !

M. Vincent Delahaye. Ils sont où ?

M. Richard Yung. Mme Bricq avançait tout à l'heure les chiffres de 100 ou de 130 milliards d'euros.

M. Edmond Hervé. Tout à fait, 130 milliards d'euros !

M. Richard Yung. La semaine dernière en commission, M. Dassault, quant à lui, nous a parlé de 250 milliards d'euros.

M. Jean-Pierre Caffet. Qui dit mieux ?

M. Jean Germain. Économies en rafale ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.)

M. Jacques Chiron. Quelques Rafale, tout juste… (Nouveaux sourires sur les mêmes travées.)

M. Richard Yung. C'est formidable ! Nous sommes admiratifs. Nous aimerions simplement savoir comment vous faites pour obtenir de tels chiffres…

Je vous le rappelle, un de vos mentors…

M. Francis Delattre. Nous n'avons plus de mentors !

M. Richard Yung. … – présent ou passé, je ne sais trop –, M. Fillon, nous disait il y a quelques années : « Nous allons stopper les recrutements dans la fonction publique, nous allons fusionner, d'une part, les départements et les régions, d'autre part les communes entre elles au sein des intercommunalités pour réduire leur nombre à 6 000. Ainsi, nous allons économiser des dizaines de milliards d'euros. » Il l'a dit !

M. Francis Delattre. C'est pour cela qu'il a quitté la Sarthe…

M. Richard Yung. Mais je constate que vous ne le dites plus ! On ne sait donc pas très bien comment vous allez dégager les 120, 130 ou 250 milliards d'euros d'économies.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. En réduisant les crédits des administrations !

M. Richard Yung. Je n'en dirai pas davantage.

Vous déclarez à l'intention de la majorité : « Vous n'êtes pas compétents en matière de réformes, alors qu'il y a nombre de chantiers à mener. » Mais vous mesurez combien il est difficile de réformer ce pays : sitôt que l'on émet une proposition, tout le monde se déclare contre ! Le MEDEF, par exemple, monte au créneau dès que l'on fait une annonce.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Bien sûr ! Toujours le mur de l'argent !

M. Richard Yung. Il n'est pas possible de discuter car, dans la culture politique française, compromis est synonyme trahison ! C'est là le fond du problème, et ce des deux côtés de l'échiquier. À mon sens, nous devons, de part et d'autre, faire davantage d'efforts pour débattre.

M. Francis Delattre. C'est Bad-Godesberg !

M. Richard Yung. Monsieur le secrétaire d'État, je profite de votre présence pour vous dire que les Français de l'étranger souhaiteraient voir certains problèmes de fiscalité discutés avec vos services et vous-même. Ces questions peuvent sembler assez secondaires, mais elles nous concernent au premier plan. Nous serions très heureux qu'un groupe de travail permette de les examiner et, éventuellement, de formuler des propositions.

Par ailleurs, – plusieurs orateurs l'ont déjà dit – l'impôt sur les sociétés est devenu difficilement compréhensible : on compte quatre, cinq, six taux différents, selon les divers critères employés. À cet égard, votre proposition de ramener progressivement le taux de ce prélèvement à 26 % ou 27 % me semble excellente.

M. Jean-Pierre Caffet. Oui !

M. Richard Yung. Si on peut aller plus vite que prévu, ce que tend à assurer un amendement de M. Delahaye, tant mieux. Néanmoins, cette mesure engendrant des coûts élevés, il convient de procéder avec discernement.

En la matière, l'Union européenne pourrait s'acheminer à long terme vers un double régime d'imposition, avec un taux de l'ordre de 25 % pour les grands États et un taux de l'ordre de 15 % à 16 % pour les plus petits pays.

Peut-être est-ce l'occasion de remettre sur la table le sujet de la convergence de l'impôt sur les sociétés.

Le problème de ces questions européennes, c'est qu'elles peuvent s'apparenter à l'invocation des vaches sacrées. De temps à autre, on dit : « Il faut faire cela. » Cette idée relève pourtant bien du bon sens : assurer une assiette moins mitée à l'échelle européenne. Cela ne devrait pas être impossible !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. À ceci près qu'il faut l'unanimité !

M. Richard Yung. On pourrait commencer par agir dans le secteur financier : nous disposons déjà de l'union bancaire, pourquoi ne pas avancer dans cette voie ? Je sais que le débat est complexe, mais, puisque la question est posée, il faut en parler.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je suis sûr que M. Juncker se laissera facilement convaincre !

M. Richard Yung. Nous le convaincrons, monsieur le président de la commission des finances, il est assez sensible à ces questions.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ou plutôt, nous continuerons à invoquer…

M. Richard Yung. Je note que le Luxembourg n'est pas seul à résister à ce mouvement.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Ça c'est vrai.

M. Richard Yung. De grands pays proches de la France se montrent eux aussi réticents. Au reste, disons les choses comme elles sont, il n'y a guère que les Français pour promouvoir réellement cette idée !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. C'est également vrai !

M. Richard Yung. Concernant la taxe de séjour hôtelière, je souscris aux propos qui ont été tenus. À mon sens, cette mesure, qui est sortie tout d'un coup du chapeau, n'est pas une bonne idée. Je ne reprendrai pas les arguments cités : nous les développerons s'il le faut dans la suite de nos discussions.

Toujours est-il que l'amendement de M. le rapporteur m'a paru judicieux. Nous allons prendre connaissance du rapport – il est toujours bon de disposer de tels documents et d'en débattre –, puis nous verrons. Je note au passage que le fait de discuter de ce rapport ne signifie pas que l'on accepte nécessairement ce que l'Assemblée nationale a décidé en la matière.

Je conclus mon intervention – vous voyez, monsieur le président de la commission des finances, que pour une fois je respecte mon temps de parole ! –,…

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Pas tout à fait…

M. Richard Yung. … en rappelant que l'ensemble des sénateurs du groupe socialiste voteront, naturellement, les mesures proposées par le Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE – M. André Gattolin applaudit également.)