Le 31 octobre, j’ai participé à la première réunion du groupe de travail sur la fiscalité des Français établis hors de France.
Créé à l’initiative du secrétaire d’État chargé du budget, Christian ECKERT, ce groupe de travail a pour but de faciliter les échanges entre les parlementaires des Français établis hors de France et le ministère des finances et des comptes publics sur des dossiers particulièrement complexes : application des contributions sociales aux revenus du patrimoine des non-résidents ; modalités d’imposition des agents de droit local ; fiscalité des plus-values immobilières réalisées par les non-résidents ; régime d’imposition des pensions de retraite de source française versées à des personnes résidant à l’étranger ; etc.
Le cabinet du secrétaire d’État chargé du budget était représenté par Sébastien RABINEAU, conseiller parlementaire, et Gaël PERRAUD, conseiller fiscal.
Quant à la direction générale des finances publiques (DGFIP), elle était notamment représentée par Édouard MARCUS, sous-directeur de la prospective et des relations internationales, Antoine MAGNANT, sous-directeur de la fiscalité des transactions, et Jonathan BOURDON.
Après une rapide présentation du cadre général des travaux menés par Bercy, les représentants du cabinet et de l’administration ont abordé les questions relatives au traitement fiscal de certains revenus de source française au regard de l’imposition des plus-values et des prélèvements sociaux.
1) Différence de traitement entre les non-résidents en matière d’imposition des plus-values immobilières réalisées en France
Actuellement, le taux d’imposition des plus-values immobilières réalisées par les non-résidents varie selon le pays de résidence du cédant. Les non-résidents dont le domicile fiscal se situe dans un État membre de l’Espace économique européen (UE, Islande, Liechtenstein et Norvège) se voient ainsi appliquer un taux de 19% alors que les non-résidents établis dans les États tiers à l’EEE sont soumis au prélèvement forfaitaire libératoire de 33,33%.
Selon M. MAGNANT, cette différence de traitement – que je considère comme injuste – est appliquée « en vertu d’un principe historique ». Interrogé sur les fondements de ce principe, M. MARCUS a rappelé que les non-résidents ne sont pas imposés sur l’ensemble de leurs revenus, contrairement aux personnes fiscalement domiciliées en France. Par ailleurs, une égalité de traitement supposerait la réciprocité.
J’ai demandé à M. MARCUS s’il existe des accords bilatéraux qui prévoient une égalité de traitement. Il m’a répondu que la convention franco-suisse du 9 septembre 1966 comprend une clause de non-discrimination qui permet à un résident de Suisse de bénéficier du taux réduit de 19%, en vertu du principe de libre circulation des capitaux.
Le Conseil d’État apportera très prochainement une réponse à la question de savoir si ce même principe de libre circulation des capitaux doit conduire à une modification du taux d’imposition des plus-values immobilières réalisées en France par des résidents d’autres États tiers à l’EEE.
Après que M. PERRAUD a précisé que la question du taux d’imposition des plus-values relève du législateur, je n’ai pas manqué de rappeler que lorsque j’avais proposé, en 2012 et 2013, de mettre un terme à la discrimination subie par les non-résidents établis hors de l’EEE, plusieurs arguments (perte de recettes, absence de réciprocité, etc.) - que je considère comme contestables - m’avaient été opposés par le Gouvernement.
M. MARCUS a indiqué avoir demandé un chiffrage de la perte de recettes en cas d’évolution du taux de 33,33%. Ce document devrait nous être communiqué lors de la prochaine réunion.
Pour sa part, M. MAGNANT s’est dit défavorable à une nouvelle modification du régime d’abattement pour durée de détention dont les non-résidents peuvent bénéficier au même titre que les personnes fiscalement domiciliées en France. Une telle solution s’avérerait très onéreuse.
2) Assujettissement aux prélèvements sociaux des revenus du patrimoine et de placement de source française perçus par les non-résidents
Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012, les revenus immobiliers (revenus fonciers et plus-values) de source française perçus par les personnes fiscalement domiciliées à l’étranger sont soumis aux prélèvements sociaux (CSG, CRDS, prélèvement social de 2%, contribution additionnelle de 0,3%). Cette disposition, à laquelle je me suis opposé, fait l’objet de nombreuses contestations de la part de non-résidents qui ne sont pas à la charge d’un régime obligatoire français d’assurance maladie. Ils estiment que la soumission de leurs revenus immobiliers à des prélèvements dont le produit est exclusivement affecté au financement de la protection sociale est incompatible avec le droit de l’Union européenne, qui prévoit qu’en matière de sécurité sociale, les personnes « ne sont soumises qu’à la législation d’un seul État membre ».
Ce point de vue est partagé par l’avocate générale de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), qui, dans ses conclusions dans l’affaire de Ruyter, considère que le prélèvement de la CSG et de la CRDS sur les revenus du patrimoine des personnes fiscalement domiciliées en France mais soumises à la législation de sécurité sociale d’un autre État membre est incompatible avec le droit européen (voir mon article sur l’affaire de Ruyter).
Il est fort probable que la décision de la CJUE – en cours de publication – aille dans le même sens que les conclusions de l’avocate générale. En cas de condamnation, la France sera contrainte de verser des indemnités, dont le montant ne nous a pas été communiqué.
En réponse aux nombreuses critiques concernant le manque d’anticipation de l’administration et l'absence de réforme depuis une précédente condamnation de la France relative aux prélèvements sociaux appliqués aux revenus du travail, M. MARCUS a rappelé que les non-résidents ont la possibilité d’imputer les prélèvements sociaux sur l’impôt prélevé dans l’État de résidence lorsque ce dernier est lié à la France par une convention fiscale. Ce dispositif, malheureusement trop peu connu des non-résidents, permet d’éviter les situations de double imposition. Il n’est cependant pas applicable aux personnes domiciliées aux États-Unis, au Royaume-Uni, à Bahreïn, en Inde, à Monaco et en Polynésie française. M. MARCUS a appelé les parlementaires à faire remonter vers les services de Bercy d’éventuelles difficultés (Italie, etc.). Il s’est également engagé à améliorer l’information de nos concitoyens établis à l’étranger.
3) Points divers
Au cours de la réunion, deux autres sujets d’actualité ont également été abordés.
M. PERRAUD a annoncé l’aboutissement des négociations destinées à mettre fin à la double imposition des retraités ayant travaillé en Allemagne. Il y a deux jours, les administrations fiscales française et allemande ont dégagé un accord sur l'avenant à la convention fiscale franco-allemande du 21 juillet 1959. Concrètement, à compter de l’entrée en vigueur de l’avenant, les pensions de source allemande seront imposables en France. En contrepartie, notre pays versera une compensation financière à l’Allemagne – dont le montant sera finalement inférieur à celui qui était réclamé par Berlin. Tout en me félicitant de l'issue favorable de ce dossier vieux de cinq ans, je regrette que l’accord n’ait pas d’effet rétroactif. J’appelle aussi les gouvernements allemand et français à déposer au plus vite les projets de loi autorisant la ratification de l’avenant.
Par ailleurs, le cabinet de M. ECKERT et l’administration ont répondu aux inquiétudes soulevées par la convention fiscale franco-andorrane. Signée le 2 avril 2013, cette dernière comprend notamment une clause qui permet à la France de taxer ses nationaux résidents d’Andorre sans tenir compte des dispositions de la convention (article 25). Face aux craintes exprimées par l’ensemble des parlementaires, M. PERRAUD a indiqué que le Gouvernement n’a absolument pas l’intention de faire évoluer la fiscalité des non-résidents vers une imposition sur la nationalité. Pour sa part, M. MARCUS a précisé que la convention a été négociée dans un contexte très particulier, à une époque où Andorre ne disposait pas d’un système d’imposition directe sur le revenu des personnes physiques. Étant donné que la Principauté vient d’introduire un impôt sur le revenu, il conviendrait, à mon sens, de supprimer la clause prévue à l’article 25 avant de demander à l’Assemblée nationale et au Sénat d’autoriser la ratification de la convention.
La prochaine séance de travail, prévue le lundi 17 novembre, portera sur la situation des recrutés locaux et des retraités. Elle sera suivie d’une séance de conclusion, à laquelle participera M. ECKERT.
Pour plus d’informations, vous pouvez consulter les deux documents ci-dessous :