La deuxième réunion du groupe de travail sur la fiscalité des Français établis hors de France s’est tenue le 17 novembre.

Elle a été ouverte par le secrétaire d’État chargé du budget, Christian ECKERT, qui est revenu sur deux sujets qui avaient été abordés lors de la réunion du 31 octobre.

Pour ce qui concerne l’assujettissement aux prélèvements sociaux des revenus du patrimoine et de placement de source française perçus par les non-résidents, M ECKERT a déclaré ne pas souhaiter modifier notre droit tant que la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) n’aura pas rendu sa décision dans l’affaire de Ruyter. Il a indiqué que la Cour de Luxembourg devrait se prononcer très prochainement.
Par ailleurs, le secrétaire d’État a demandé à ses services d’établir, « dans un délai rapide », la liste des pays où subsistent des situations de double imposition résultant de l’impossibilité d’imputer les prélèvements sociaux acquittés en France sur l’impôt prélevé dans l’État de résidence (Royaume-Uni, États-Unis, Italie, etc.).
Pour les pays dans lesquels aucun cas de double imposition n’aura été recensé, M. ECKERT souhaite que l’information des contribuables soit améliorée. Son conseiller fiscal, Gaël PERRAUD, a évoqué l’idée de publier des informations compréhensibles par tous (démarches à effectuer, etc.) sur les sites internet des ambassades et des consulats.

Dans un deuxième temps, M. ECKERT a abordé la question de la différence de traitement entre les non-résidents en matière d’imposition des plus-values immobilières réalisées en France. Il a constaté que le taux global d'imposition de ces revenus peut, dans certains cas, s'avérer élevé. Rappelons en effet que les non-résidents établis dans les États tiers à l’Espace économique européen sont imposés au taux global de 48,83% (33,33% + 15,5% de prélèvements sociaux) alors que les non-résidents établis dans les États membres de l’EEE (UE, Islande, Liechtenstein et Norvège), à l’instar des personnes fiscalement domiciliées en France, se voient appliquer un taux global de 34,5% (19% + 15,5% de prélèvements sociaux). Le secrétaire d’État a déclaré que le régime d'imposition des plus-values immobilières réalisées par les non-résidents « nécessite une évolution législative ». Il a dit ne pas voir « ce qui conduirait à attendre » (aucun contentieux n'est en cours) avant de préciser qu'une harmonisation du taux d'imposition coûterait « plusieurs dizaines de millions d'euros ».

Dans un arrêt du 20 octobre 2014, le Conseil d’État a considéré que la libre circulation des capitaux s’oppose à l’imposition au taux de 33,33% des plus-values immobilières réalisées par le résident d’un État tiers à l’EEE par l’intermédiaire d’une SCI française.

Après le départ du ministre, Véronique BIED-CHARRETON, directrice de la législation fiscale, Édouard MARCUS, sous-directeur de la prospective et des relations internationales et Gaël PERRAUD ont échangé avec les parlementaires sur les règles fiscales applicables aux pensions de retraite des non-résidents et aux revenus des recrutés locaux.

1) Modalités d’imposition des pensions de retraite de source française versées à des personnes fiscalement domiciliées à l’étranger

M. MARCUS a indiqué qu’en l’absence de convention fiscale, les pensions de retraite de source française versées à des non-résidents sont imposables en France. Dans ce cas, elles supportent une retenue à la source – calculée par tranches de revenus – de 0%, 12% ou 20%. Seule la fraction soumise à la retenue à la source au taux de 20% est soumise au barème progressif de l’impôt sur le revenu (la retenue prélevée à 20% est alors imputable sur le montant de l’impôt ainsi déterminé) avec un taux minimum de 20%, sauf si le non-résident peut justifier que le taux moyen correspondant à l'imposition en France de la totalité de ses revenus, quelle qu'en soit l'origine, serait plus faible. Dans cette hypothèse, c'est ce taux moyen qui est applicable aux revenus de source française.
Par ailleurs, il est à noter que ces pensions de retraite ne supportent aucun prélèvement social.

Les conventions fiscales signées par la France sont généralement régies par le principe de résidence, conformément au modèle de l’OCDE. Lorsque les pensions privées sont exclusivement imposables dans l’État de résidence, elles ne sont pas soumises à la retenue à la source susmentionnée. En revanche, lorsque l’imposition est partagée, les pensionnés doivent imputer sur l’impôt payé dans l’État de résidence l’impôt prélevé en France.
La grande majorité des conventions fiscales attribuent expressément à la France le droit d'imposer les pensions publiques, à l’exception de celles qui sont versées aux retraités qui ont la seule nationalité du pays de résidence sans avoir la nationalité française.
D’après M. MARCUS, « le principe de résidence répond à des fondements économiques, sociaux, et juridiques lourds » : principe d’égalité ; contribution au financement des services publics ; etc.

Le principe de l’imposition à la résidence a été remis en cause par certains pays avec lesquels la France a engagé des discussions.
Depuis 2010, l’Allemagne impose à la source les pensions versées aux retraités qui sont fiscalement domiciliés en France. Il en résulte souvent des cas de double imposition. Environ 70.000 personnes sont concernées, qui se sont parfois vu réclamer des arriérés d’impôt depuis 2005 ! Afin de mettre un terme à cette situation, les administrations fiscales française et allemande ont engagé des négociations qui ont très récemment abouti. Un projet d'avenant à la convention fiscale franco-allemande vient d’être paraphé. Il devrait être signé d’ici à la fin de l’année. Sa ratification devra ensuite être autorisée par les deux parlements. Cela signifie que les nouvelles règles fiscales – l’imposition en France – devraient pouvoir entrer en vigueur à compter du 1er janvier 2016 – une « hypothèse réaliste » selon M. MARCUS.
En 2008, le Danemark a dénoncé la convention fiscale franco-danoise afin de pouvoir taxer à la source les pensions versées aux retraités – majoritairement danois – résidant en France. En l’absence de convention, les deux administrations fiscales mettent en œuvre un mécanisme fondé sur le droit européen – un peu plus compliqué – afin d’éviter les doubles impositions. La France a proposé « plusieurs approches médianes », sans succès. Les négociations se poursuivent. M. MARCUS estime que le Danemark devrait « mettre de l’eau dans son vin sur le principe de résidence ». Il considère aussi que les personnes fiscalement domiciliées en France qui perçoivent une pension de source danoise doivent contribuer au financement des services publics français.

Un tableau récapitulant les modalités d’imposition des pensions publiques et privées selon les conventions fiscales conclues par la France est disponible ici.

Vous pouvez également consulter une note de Bercy sur les modalités d’imposition des pensions de retraite transfrontalières en cliquant ici.

2) Régime fiscal des personnes recrutées localement par les administrations françaises à l'étranger

D’après M. MARCUS, le régime fiscal applicable aux agents employés localement par les administrations françaises à l’étranger (postes diplomatiques et consulaires ; établissements culturels ; établissements d’enseignement français à l’étranger ; etc.) est « un sujet en friche ». L’état du droit n’est « pas simple ».

Les personnes bénéficiant du statut de diplomate sont « privilégiées ». En effet, les agents de l'État en poste à l'étranger sont imposés comme des résidents français. En d’autres termes, leurs revenus sont soumis au barème progressif de l’impôt sur le revenu.

Le régime d’imposition des agents de droit local est en revanche plus complexe. Sa mise en œuvre nécessite une approche au « cas par cas ».

En l'absence de convention fiscale entre la France et le pays d'exercice d'activité, les salaires versés aux agents de droit local sont imposés en France.

Par dérogation au principe de l'imposition exclusive dans l'État d'exercice de l'activité, la plupart des conventions fiscales signées par la France prévoient que les rémunérations perçues par les recrutés locaux sont imposables en France, sauf si l’agent a la seule nationalité du pays de résidence sans avoir la nationalité française. Ce régime dérogatoire – conforme au modèle de l’OCDE – est identique à celui qui est appliqué aux pensions publiques servies aux non-résidents.

Mme BIED-CHARRETON a précisé que les agents qui perçoivent une rémunération publique doivent, dans tous les cas, déclarer leurs revenus en France et dans l’État de résidence afin d’éviter un éventuel redressement fiscal. Il en va de même pour les personnels résidents de l’AEFE.

La grande majorité des recrutés locaux paient donc leurs impôts en France. Cependant, du fait de leur statut de non-résident, ils ne peuvent généralement pas faire état, pour la détermination de leur impôt sur le revenu, des charges admises en déduction de leur revenu global et des réductions et crédits d'impôt, contrairement aux contribuables fiscalement domiciliés en France.
Cette situation suscitant de nombreuses protestations, la direction de la législation fiscale a entrepris un « chantier de clarification » qui concerne aussi le traitement fiscal des pensions publiques servies aux non-résidents. L’objectif de l’administration est d’aboutir à des propositions concrètes en 2015. Toute la question est de savoir quels avantages fiscaux pourraient être octroyés à ces non-résidents. D’après M. MARCUS, la réponse à cette question relève d’un « choix politique ».

Une séance de restitution des travaux aura prochainement lieu en présence de M. ECKERT.