Le 12 novembre, le Sénat a examiné l’article 15 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, qui prévoit notamment un changement d’affectation des prélèvements sociaux payés par les non-résidents qui perçoivent des revenus du capital de source française (revenus fonciers, plus-values immobilières).

Actuellement, ces prélèvements participent essentiellement au financement des différentes branches du régime général de la sécurité sociale. Or, dans un arrêt qu’elle a rendu dans l’affaire dite « De Ruyter », la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) considère que les personnes affiliées au régime de sécurité sociale d’un autre État membre de l’Union ne peuvent pas être assujetties, au titre de leurs revenus du capital, à des prélèvements qui participent au financement de la sécurité sociale en France.

Afin de tirer les conséquences de la jurisprudence de la CJUE, le Gouvernement propose d’affecter les prélèvements sociaux sur les revenus du capital au financement de prestations non contributives telles que le minimum vieillesse.

Considérant que cette solution ne permet pas d’assurer la mise en conformité de notre législation avec le droit de l’Union, Hélène Conway-Mouret, Claudine Lepage, Jean-Yves Leconte et moi-même avons proposé d’appliquer aux prélèvements sociaux sur les revenus du capital le critère de l’affiliation à un régime obligatoire de sécurité sociale français (voir l’amendement n°97). C’est ce même critère qui s’applique, depuis 2001, aux prélèvements sociaux sur les revenus d’activité et de remplacement.

Cette solution a été écartée par le Gouvernement principalement en raison d’un risque constitutionnel ainsi qu’en raison de son coût, qui est évalué à environ 250 millions d’euros par an.

À mes yeux, le risque de rupture du principe constitutionnel d’égalité devant les charges publiques n’est pas avéré. C’est, au contraire, la solution envisagée par le Gouvernement qui risque d’entraîner une rupture du principe d’égalité. En effet, assujettir aux prélèvements sociaux les revenus du capital des personnes qui ne sont pas affiliées à un régime obligatoire français, c’est de facto obliger ceux-ci à contribuer à deux régimes de sécurité sociale.

S’agissant du coût de l’amendement que j’ai défendu, il est à mettre en regard avec le coût d’un éventuel remboursement des prélèvements sociaux acquittés par les personnes qui ne sont pas affiliées à un régime obligatoire français. En effet, il ne faut pas exclure le risque d’une censure du dispositif prévu par l’article 15, qui, de l’aveu même du secrétaire d’État chargé du budget, n’est pas « d’une solidité juridique totale » et fera, sans nul doute, l’objet de recours.

Notre amendement n’a malheureusement pas été adopté, la majorité conservatrice du Sénat préférant voter un amendement présenté par Robert del PICCHIA, qui tend à abroger l’assujettissement aux prélèvements sociaux des revenus immobiliers de source française perçus par les non-résidents. Lors du scrutin public sur cet amendement, je me suis abstenu car je suis favorable à l’alignement de la fiscalité des revenus du capital sur celle des revenus du travail, dans le respect du droit européen.

Vous pouvez lire le compte rendu de mon intervention en cliquant ici.