Le 16 décembre, le Sénat a adopté le projet de loi autorisant l’approbation du quatrième avenant à la convention fiscale franco-luxembourgeoise.

Signé le 5 septembre 2014, cet accord insère à l’article 3 de la convention, relatif aux revenus immobiliers, une disposition couvrant les sociétés à prépondérance immobilière. Il permettra à la France de récupérer le droit d’imposer les gains provenant de l’aliénation d’actions, de parts ou d’autres droits dans une société ou une personne morale, quelle que soit sa résidence, dont l’actif ou les biens sont constitués principalement d’immeubles situés sur son territoire ou de droit portant sur ces derniers.

En d’autres termes, il vise à mettre un terme à des schémas d’optimisation fiscale qui permettent aujourd’hui d’échapper à l’imposition de plus-values immobilières réalisées en France par cession de parts de sociétés à prépondérance immobilière détenues par des entités intermédiaires établies au Luxembourg.

Pour en savoir plus, vous pouvez lire le rapport de la commission des finances du Sénat en cliquant ici.

Vous trouverez, ci-dessous, le compte rendu de mon intervention dans l’hémicycle.


M. Richard Yung. Décidément, en cette fin de session, nous voyageons ! (Sourires.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le texte de l’accord qui est soumis à notre examen est étonnamment court si on le compare à celui d’autres accords fiscaux. Il n’en revêt pas moins une importance majeure.
En effet, en introduisant, dans la convention fiscale qui nous lie au Luxembourg, une disposition prévoyant l’imposition, dans l’État de situation des immeubles, des gains résultant de la cession de participations dans des sociétés à prépondérance immobilière, il permettra de mettre un terme au développement de schémas d’optimisation via la création d’entités intermédiaires résidant au Luxembourg.
Dans la mesure où toute une industrie avait fleuri avec ce type de montages depuis plusieurs années, nous nous réjouissons que ce texte soit aujourd'hui soumis à notre examen. On peut toutefois se demander s’il n’existe pas d’autres types de schémas d’optimisation sur lesquels on devrait peut-être agir. On connaît en effet la fécondité de nos financiers en la matière. Pour autant, ne disposant de preuve d’aucune sorte, je n’en dirai pas plus.
La modernisation de la convention fiscale est d’autant plus opportune qu’elle tient compte des travaux de l’OCDE relatifs à la lutte contre l’érosion des bases fiscales et les transferts de bénéfices, qui ont abouti à l’accord BEPS. En effet, l’avenant couvre non seulement les gains réalisés sur des actions, mais aussi ceux qui résultent de l’aliénation d’intérêts dans d’autres entités n’émettant pas ce type de titres. Tel est notamment le cas des fiducies, que vous avez évoqué, monsieur le rapporteur.
Cet accord est symptomatique du changement de cap engagé par le Luxembourg au cours des dernières années, et plus particulièrement depuis l’entrée en fonction du gouvernement Bettel. Alors qu’il a longtemps figuré parmi les États les moins coopératifs de l’Union européenne, le Grand-Duché tourne progressivement le dos à l’optimisation fiscale, ce dont nous nous réjouissons.
Sur le plan bilatéral, la signature, en 2009, du troisième avenant à la convention fiscale avait marqué un premier tournant. Conformément aux standards de l’OCDE, il permet à la France d’obtenir de nombreux renseignements de la part des autorités fiscales luxembourgeoises.
Un autre signe de changement a été la signature, en 2014, d’un accord dit « FATCA » avec les États-Unis, qui entrera en vigueur dans les prochains mois.
Sur le plan européen, le Luxembourg, à l’instar de l’Autriche, a levé son veto concernant l’adoption de la version révisée de la directive sur la fiscalité de l’épargne. Celle-ci a d’ailleurs été abrogée le mois dernier pour ne pas faire doublon avec le standard global de l’OCDE sur l’échange automatique d’informations. Nos voisins ont ainsi accepté de renoncer au secret bancaire à compter du 1er janvier 2017. Après la Suisse, le Luxembourg ! Bien que le chemin soit long et difficile, nous progressons. Un tel revirement était inimaginable voilà encore quelques années.
Le scandale dit « LuxLeaks » et la pression internationale ne sont sans doute pas étrangers au changement d’attitude des autorités luxembourgeoises. Peut-être faut-il y voir la volonté du Grand-Duché de s’acheter une conduite…
Par ailleurs, en matière de coopération, je note que le Luxembourg n’est pas encore complètement en ligne: le Grand-Duché n’a pas encore fait connaître sa position sur le projet de liste européenne des juridictions non coopératives ; il ne participe pas à la coopération renforcée dans le domaine de la taxe sur les transactions financières et, à ma connaissance, il n’a pas beaucoup avancé sur la proposition relative à une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés, l’ACCIS, que nous souhaitons relancer au niveau européen.
Malgré ces éléments, qui tempèrent notre optimisme pour ce qui concerne le Luxembourg, le présent avenant n’en demeure pas moins un très bon accord, dont notre groupe votera l’approbation.(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. - M. Jean-Claude Requier applaudit également.)