Le 20 juillet, le Sénat a autorisé la ratification de l’avenant modifiant la convention fiscale franco-portugaise du 14 janvier 1971.

Signé à Lisbonne le 25 août 2016 et déjà ratifié par le Portugal [1], cet avenant prévoit, d’une part, une modification des règles d’imposition des rémunérations et pensions publiques et, d’autre part, un renforcement des dispositifs de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.

Le texte actuel de la convention fiscale (article 20) prévoit que les rémunérations et pensions de retraite publiques de source française versées aux personnes domiciliées au Portugal sont imposables en France et au Portugal. Ce droit d’imposition partagé n’a cependant été mis en œuvre par le Portugal qu’à compter de 2013, ce qui a conduit à des situations de double imposition temporaire ou à des impositions plus lourdes que celles prévues par le droit fiscal français. L’application de ces règles conventionnelles a principalement pénalisé les enseignants exerçant pour le compte de l’État dans les établissements de l’AEFE (Lisbonne et Porto), qui ont fait l’objet de contrôles fiscaux au titre des années 2009 et suivantes.

Afin de pallier ces difficultés, l’article 3 de l’avenant introduit dans la convention fiscale le principe de l’imposition exclusive en France des rémunérations et pensions publiques de source française. Cette disposition est d’autant plus pertinente qu’elle s’appliquera non seulement aux agents et retraités de la fonction publique française qui ne possèdent pas la nationalité portugaise, mais aussi aux fonctionnaires franco-portugais, les négociateurs français ayant obtenu – je m’en réjouis – une dérogation au modèle de convention fiscale de l’OCDE [2]. Au regard du barème de l’impôt sur le revenu portugais, les contribuables concernés devraient être gagnants.

Pour ce qui concerne les pensions publiques de source française versées aux retraités binationaux résidant au Portugal, j’éprouve un sentiment mitigé. Tout en me félicitant de la mise en conformité de la convention fiscale avec le modèle de l’OCDE [3], je regrette que le Portugal – malgré les efforts déployés par les négociateurs français – n’ait pas accepté que les retraités binationaux soient traités fiscalement de la même façon que les fonctionnaires binationaux établis au Portugal. À l’issue de leur carrière professionnelle, les agents publics binationaux qui demeureront sur le territoire portugais deviendront imposables exclusivement au Portugal. Certains d’entre eux seront alors sans doute amenés à renoncer à leur nationalité portugaise. Plusieurs retraités binationaux m’ont déjà fait part de leur souhait d’engager une telle démarche.

Les dispositions relatives aux rémunérations et pensions publiques s’appliqueront aux périodes d’imposition commençant à compter du 1er janvier 2013. Cette application rétroactive permettra une annulation des redressements fiscaux subis par les contribuables qui jusqu’alors étaient soumis au régime de l’imposition partagée, à l’exception des retraités binationaux. Aussi, j’appelle les autorités fiscales portugaises à faire preuve de clémence à l’égard de ces personnes. Il conviendrait, à tout le moins, de les faire bénéficier d’une annulation des majorations et pénalités. Afin de relayer ma demande, le ministre de l’action et des comptes publics, Gérald DARMANIN, adressera prochainement un courrier - dont il me transmettra une copie - à son homologue portugais, ainsi qu’à l’ambassadeur du Portugal en France et à l’ambassadeur de France au Portugal.

Le deuxième volet de l’avenant concerne la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales. Je me réjouis que le Portugal ait accepté la proposition de la France d’insérer dans la convention fiscale des mesures destinées à garantir l’application des standards les plus récents de l’OCDE, qu’il s’agisse de l’échange de renseignements [4], de l’assistance mutuelle au recouvrement [5] ou des clauses anti-abus [6].

À l’instar du rapporteur de la commission des finances, je souhaite que le Gouvernement, dans la perspective des futurs débats, communique au Parlement des éléments clairs et exhaustifs relatifs aux dispositions fiscales conventionnelles modifiées par l’Instrument multilatéral du 7 juin 2017 (voir mon article du 30 juin 2017).

La discussion du projet de loi autorisant la ratification de l’avenant a, par ailleurs, été l’occasion d’aborder l’épineuse question du régime fiscal des résidents non habituels [7]. À mon sens, il importe d’ouvrir un débat sans tabou sur ce dispositif, dont la mise en œuvre aboutit à la double non-imposition des pensionnés français du secteur privé établis au Portugal, la convention fiscale attribuant à l’État de résidence le droit exclusif d’imposer les pensions privées. Les doubles non-impositions privent les États membres de recettes fiscales et engendrent une concurrence déloyale entre les États membres. C’est pourquoi il faut les éliminer, au même titre que les doubles impositions. La lutte contre la double non-imposition des entreprises figure au rang des priorités de l’OCDE (plan dit « BEPS ») et de la Commission européenne (directive dite « ATAD »). Il conviendrait que des travaux similaires soient engagés s’agissant de la double non-imposition des particuliers. À cette fin, le couple franco-allemand pourrait jouer un rôle central, la France et l’Allemagne s’étant récemment fixé pour objectif de « parvenir à une position commune d’ici fin 2017 sur les moyens d’éviter la course au moins disant fiscal ».

Pour en savoir plus, vous pouvez lire le rapport de la commission des finances en cliquant ici.

Vous trouverez, ci-dessous, la vidéo et le compte rendu de mon intervention.

Richard Yung. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me paraît sain que le Parlement débatte de conventions fiscales ; il nous est même arrivé de nous opposer à certaines.
L’accord dont nous sommes saisis est bienvenu. En ma qualité de sénateur des Français de l’étranger, je me suis rendu à plusieurs reprises au Portugal, j’ai rencontré les communautés concernées et pu constater l’émotion que cette question suscitait sur place. Certes, la fiscalité suscite toujours de l’émotion. (Sourires.) Mais, en l’occurrence, cette émotion était, pour partie au moins, de bonne foi.
En effet, si l’accord de 1971 prévoyait déjà un partage de la fiscalité directe entre la France et le Portugal, notre partenaire ne s’en était pas préoccupé. Les binationaux franco-portugais n’étaient fiscalisés qu’en France, et tout le monde vivait heureux sur les bords du Tage. (Nouveaux sourires.) Or, pour les raisons qui ont été rappelées, le Portugal s’est subitement réveillé et a fait procéder, sur de solides bases juridiques, à des redressements, suscitant beaucoup de tracasseries fiscales.
Comme l’a excellemment expliqué M. le rapporteur, l’imposition exclusive des Franco-Portugais en matière de rémunérations et de pensions publiques de source française est une dérogation au modèle de l’OCDE. Il faut féliciter les négociateurs français de l’avoir obtenue. Je pense que tout le monde s’en réjouira, la fiscalité étant un peu plus douce en France qu’au Portugal.
Toutefois, sur les pensions, le Portugal n’a pas accepté que les retraités binationaux soient traités fiscalement de la même manière que les fonctionnaires. Ces derniers seront donc fiscalisés au Portugal.
Je fais mienne la requête de M. le rapporteur pour que le Portugal fasse preuve de clémence dans l’application rétroactive des nouvelles dispositions. Évidemment, ce n’est pas facile. Il va falloir que le Gouvernement négocie et sollicite une faveur, dont nous comprenons bien qu’elle serait importante, auprès de ses interlocuteurs portugais.
M. le rapporteur a également évoqué les « fiscalités douces » mises en place par certains pays. Que le Maroc ou la République de Maurice y aient recours peut à la rigueur se discuter – et encore ! Mais il est profondément choquant qu’il existe du dumping fiscal au sein de l’Union européenne. Nous devons au contraire viser une harmonisation et une cohérence fiscales. S’il est compréhensible que le Portugal cherche à se développer économiquement, il ne faut surtout pas encourager ce genre de pratiques.
En tout état de cause, mon groupe votera le projet de loi autorisant la ratification de l’avenant.

[1] Le Portugal a achevé sa procédure de ratification le 3 avril 2017.
[2] L’article 19 du modèle de l’OCDE prévoit que les rémunérations versées par un État contractant « ne sont imposables que dans l’autre État contractant si les services sont rendus dans cet État et si la personne physique est un résident de cet État qui possède la nationalité de cet État ».
[3] L’article 19 du modèle de l’OCDE prévoit l’imposition à la résidence des pensionnés possédant la nationalité de leur État de résidence, qu’ils soient mono-nationaux ou binationaux.
[4] L’article 4 de l’avenant actualise la rédaction de l’article 27 de la convention conformément aux derniers standards de l’OCDE (possibilité que les renseignements reçus par un État contractant soient utilisés à d’autres fins que fiscales lorsque les lois des deux parties le permettent et que l’autorité compétente de l’État qui les fournit l’autorise ; obligation d’échanger des renseignements même dans les cas où l’État requis n’en a pas besoin pour l’application de sa propre législation fiscale ; etc.).
[5] L’article 5 de l’avenant insère, dans la convention, un nouvel article 27 bis, qui organise l’assistance en matière de recouvrement des créances fiscales selon les modalités recommandées par l’OCDE.
[6] L’article 6 de l’avenant insère, dans la convention, un nouvel article 31 bis, qui prévoit que les avantages de la convention sont refusés en cas d’abus (le bénéficiaire des avantages n’est pas le bénéficiaire effectif du revenu; l’opération permet au bénéficiaire effectif du revenu de supporter une charge fiscale moindre; l’opération a pour principal objectif d’obtenir une position fiscale plus avantageuse; etc.).
[7] Mis en place en 2009, le régime fiscal des résidents non habituels ouvre droit - pendant dix ans - à des avantages fiscaux (exonération d’impôt ou imposition à un taux préférentiel). Il est accordé aux personnes qui, d’une part, attestent qu’elles n’ont pas été fiscalement domiciliées au Portugal au cours des cinq dernières années et, d’autre part, remplissent les conditions nécessaires pour se voir reconnaître le statut de résident fiscal (séjour - continu ou non - d’une durée supérieure à 183 jours au cours de l’année fiscale ou, à défaut, disposition d’une habitation au 31 décembre de l’année fiscale).