Conformément à l’article 12 de la loi de finances initiale pour 2020, le Gouvernement a remis au Parlement un rapport relatif à la fiscalité appliquée aux revenus de source française des contribuables fiscalement domiciliés hors de France.

Ce rapport confirme que la mise en œuvre de la réforme de l’imposition des revenus d’activité et de remplacement de source française perçus par les non-résidents se traduirait par une « augmentation significative du niveau d’imposition ».

Actuellement, les traitements publics, les salaires, les pensions et les rentes viagères servis aux non-résidents font l’objet – après abattement forfaitaire de 10% – d’une retenue à la source spécifique qui est calculée par tranches de revenus aux taux de 0%, 12% et 20%. Cette retenue est partiellement libératoire de l’impôt sur le revenu. En effet, seule la fraction qui a été soumise au taux de 20% est imposée – avec les autres revenus de source française imposables en France – au barème progressif de l’impôt sur le revenu, mais avec application du taux minimum (20% pour la fraction du revenu net imposable inférieure ou égale à 25.659 euros et 30% pour la fraction supérieure à 25.659 euros). Les contribuables ont cependant la possibilité de bénéficier de l’application du taux moyen (ce taux n’est appliqué que s’il est favorable au contribuable). Dans tous les cas, la retenue prélevée au taux de 20% est imputable sur le montant de l’impôt sur le revenu. Par ailleurs, si le montant de la retenue à la source excède l’impôt dû après application du taux moyen, les contribuables peuvent demander le remboursement de l’excédent de la retenue à la source en produisant un justificatif du paiement de cette retenue par le débiteur (employeur, caisse de retraite, etc.).

L’article 13 de la loi de finances initiale pour 2019 prévoit le remplacement de la retenue à la source spécifique par une retenue à la source non libératoire de l’impôt sur le revenu, calculée par l’application de la grille de taux par défaut utilisée pour le prélèvement à la source de droit commun. Pour déterminer la base de la retenue, il ne serait plus fait application de l’abattement forfaitaire de 10% (cet abattement serait appliqué lors de la soumission des revenus au barème progressif). Par ailleurs, les contribuables auraient toujours la possibilité de bénéficier du taux moyen et la retenue à la source continuerait de s’imputer sur le montant de l’impôt résultant de la soumission au barème progressif de l’ensemble des revenus de source française imposables en France.

Cette réforme vise à rapprocher les règles d’imposition applicables aux non-résidents de celles applicables aux personnes fiscalement domiciliées en France. Elle suscite néanmoins beaucoup d’inquiétude parmi les non-résidents, qui craignent d’être pénalisés par les nouvelles règles d’imposition.

C’est pourquoi son entrée en vigueur a été reportée par l’article 12 de la loi de finances initiale pour 2020, qui prévoit, d’une part, un report au 1er janvier 2021 de la suppression du caractère partiellement libératoire de la retenue à la source spécifique et, d’autre part, un report au 1er janvier 2023 du remplacement de la retenue à la source spécifique par le prélèvement à la source de droit commun.

Le rapport publié par le Gouvernement présente notamment les « propositions d’aménagements susceptibles d’être apportés à la réforme ».

Afin de compenser les effets de la suppression de la retenue à la source spécifique partiellement libératoire, « le bénéfice de la décote pourrait être admis, sous certaines conditions, pour le calcul du taux moyen ». La décote est un mécanisme fiscal qui permet de minimiser, voire d’annuler, l’impôt dû par les contribuables modestes entrant dans la première tranche du barème.

Une autre solution consisterait à maintenir la retenue à la source spécifique tout en améliorant ses modalités de gestion. Concrètement, il s’agirait de permettre un traitement automatique des demandes de bénéfice du taux moyen et de la restitution des excédents de retenue à la source.

En revanche, le Gouvernement émet de fortes réserves quant à la proposition consistant à mettre en place un barème spécifique pour le calcul de l’impôt sur le revenu des non-résidents. Une telle solution présenterait plus d’inconvénients que d’avantages. Elle risquerait de « faire des perdants » ou « serait source d’une complexité supplémentaire et de difficultés notables ».

Selon le Gouvernement, deux autres « améliorations en gestion permettraient de mieux accompagner les contribuables », à savoir l’amélioration des outils de simulation actuels (« la possibilité d’exploiter le simulateur actuel destiné aux résidents pour permettre aux non-résidents d’estimer leur niveau d’imposition, avec l’établissement d’un pas à pas pour les guider dans leur démarche, est actuellement à l’étude ») et la facilitation du recours au régime dit « Schumacker ». Ce dernier prévoit que les non-résidents établis dans les États membres de l’Espace économique européen ou en Suisse qui tirent l’essentiel de leurs revenus de la France sont assimilés, en droit interne, à des personnes fiscalement domiciliées en France pour la détermination de leur impôt sur le revenu. En d’autres termes, les non-résidents dits « Schumacker » peuvent bénéficier, en France, des avantages fiscaux applicables aux résidents (application du mécanisme de la décote ; déductibilité des charges ; bénéfice des réductions et crédits d’impôt ; exemption du taux minimum d’imposition ; etc.). Cette assimilation est cependant subordonnée à l’impossibilité, pour les contribuables concernés, de bénéficier, dans leur État de résidence, des avantages fiscaux précités. Un premier axe d’amélioration consisterait à permettre aux non-résidents de solliciter l’application du régime en annexant à leur déclaration de revenus « une déclaration sur l’honneur indiquant le montant des revenus mondiaux perçus et attestant du respect des conditions » d’accès au régime (les justificatifs seraient produits a posteriori, sur demande de l’administration fiscale). L’autre piste de réforme évoquée par le Gouvernement est « la reconduction tacite du régime, lorsque le contribuable en a bénéficié deux ou trois années consécutives ou lorsque le contribuable a bénéficié de ce régime une année et dispose d’un contrat de travail à durée indéterminée ou d’une pension de retraite ».

D’autres pistes de réforme sont en revanche écartées. Selon le Gouvernement, l’octroi aux non-résidents de réductions ou crédits d’impôts aurait notamment pour effet de dénaturer l’économie générale du régime d’imposition des non-résidents (« permettre d’imputer les réductions d’impôt sur l’impôt calculé sur les seuls revenus de source française porterait une atteinte importante à la progressivité de l’impôt sur le revenu et serait critiquable au regard du principe d’égalité »). Le Gouvernement est par ailleurs défavorable à la suppression du taux minimum de 30%.

La discussion du projet de loi de finances pour 2021 sera, je l’espère, l’occasion de concrétiser certaines des propositions figurant dans le rapport.

Vous pouvez lire le rapport en cliquant ici.