En janvier, lors d'une rencontre avec le Médiateur de la République, j'avais discuté notamment avec lui du problème des délais extrêment longs d'obtention des CNF. Dans sa longue réponse, il indique que les délais ont été réduits et pourraient l'être encore. Je n'ai pour ma part pas encore constaté une telle réduction, et je resterai vigilant, comme le Médiateur, sur ce sujet très important pour les Français de l'étranger.


Monsieur le Sénateur,

Vous avez bien voulu appeler mon attention, au cours de l’entretien que nous avons eu le 6 janvier 2009, sur les délais anormalement longs auxquels sont confrontés les Français résidents à l’étranger pour l’obtention des certificats de nationalité française (CNF). Après examen attentif, votre demande appelle de ma part les observations suivantes.

Document officiel servant à prouver la nationalité française, le CNF peut être demandé pour l’établissement d’une carte nationale d’identité ou d’un passeport, l’inscription à un concours d’entrée dans la fonction publique ou bien la liquidation des droits à pension. Justifiée par la progression de la fraude documentaire, l’exigence d’un tel document a conduit à un engorgement du tribunal d’instance chargé de cette délivrance.

En effet, dans un souci de rationalisation et d’efficacité, le décret n° 2005-460 du 13 mai 2005 relatif aux compétences des juridictions civiles, à la procédure civile et à l’organisation judiciaire adonné au tribunal d’instance du 1 arrondissement de Paris compétence exclusive pour traiter les demandes de CNF émanant des Français nés et établis hors de France. L’augmentation substantielle de ces demandes (passées de 9463 en 2004 à 36 175 en 2006) a vu ce service accuser des retards conséquents dans la délivrance de CNF.

Vous m’avez indiqué que certaines personnes doivent attendre deux ans pour obtenir ce document et pour ma part, je suis très régulièrement sollicité par des Français résidant hors de France confrontés de tels délais. Enfin, je relève que, dans un avis rendu le 27 janvier 2009, le Conseil économique, social et environnemental, souligne que ces personnes « pâtissent, depuis 2005, de délais d’attente d’un minimum de 18 mois »(1). Sensible à ces difficultés, j’ai donc contacté les différents ministères concernés.

Un rapport d’information, auquel vous avez contribué, remis à la Commission des lois du Sénat le 26 septembre 2007, recommandait de « renforcer les effectifs »(2) du service de la nationalité des Français nés et établis hors de France. De même, un rapport établi cette même année par la Mission d’inspection des greffes du ministère de la justice avait souligné que, face à l’afflux de demandes de CNF, dix emplois de plus que ceux existants alors étaient nécessaires.

Afin de pallier ce manque de moyens humains, la Chancellerie a décidé d’affecter deux greffiers en chef à ces fonctions à compter du 1 juin 2008. Il a également été prévu d’affecter huit agents de catégorie C au cours du deuxième semestre 2008 pour une prise de fonction en septembre 2008. De surcroît, deux greffiers (emplois de catégorie B) seront à terme remplacés par des adjoints administratifs (postes de catégorie C). Dans l’attente de l’arrivée de ces fonctionnaires, les chefs de cour ont mis à la disposition du service considéré une dizaine de vacataires qui ont contribué à résorber les retards. Actuellement, les emplois affectés au service se répartissent de la sorte : trente-quatre agents dont treize greffiers en chef, sept greffiers et quatorze agents de catégorie C. Au total dix nouveaux agents ont donc rejoint ce service au cours de l’année 2008 et la Chancellerie a prévu d’effectuer un bilan de l’évolution des stocks en retard et de la charge de travail des fonctionnaires concernés.

Le transfert à Nantes, du service de la nationalité des Français nés et établis hors de France, recommandé par le rapport d’information sénatorial susvisé, avait été un temps étudié par le ministère de la justice. Cette hypothèse semble aujourd’hui écartée, dans la perspective du regroupement géographique de l’ensemble des tribunaux d’instance parisiens, facteur de probables mutualisation et professionnalisation des services qui devraient contribuer à la résorption des retards en matière de délivrance de CNF.

Par ailleurs, j ‘ai pris l’attache du ministère des affaires étrangères et européennes afin de m’assurer que ces documents ne sont exigés, par les postes diplomatiques et consulaires, qu’à bon droit. En effet, les rapport et avis précités ont dénoncé des « pratiques abusives » des postes, entraînant mécaniquement une augmentation du stock de dossiers à traiter par le service de la nationalité des Français nés et établis hors de France et un allongement du délai de traitement de ces dossiers.

Afin d’éviter de telles pratiques, la direction des Français à l’étranger a adressé, le 27 juin 2008, un télégramme circulaire aux postes diplomatiques et consulaires. Il précise les hypothèses justifiant une demande de CNF et les conséquences à tirer d’un refus de CNF. Il y est explicitement indiqué que la demande de CNF ne doit intervenir qu’en dernier recours et être réservée aux situations qui le justifient réellement. Ainsi un CNF ne devrait plus être exigé dès l’instant où il est possible de vérifier qu’un acte de naissance est transcrit dans les registres de l’état civil français, que cette inscription soit intervenue durant la minorité de l’intéressé ou après sa majorité.

Un bilan effectué par le ministère six mois après l’envoi de ce télégramme circulaire a permis de constater que les postes diplomatiques et consulaires n’ont fait part d’aucune difficulté dans l’application des mesures préconisées. De plus, le recours à l’application «deliceweb» (liée au service central de l’état civil) et au fichier informatique TELNAT (recensant les pertes de nationalité française) s’est systématisé. Ces nouvelles pratiques ont donc semble-t-il, contribué à une diminution sensible des demandes de CNF (le poste d’Alger a, par exemple, fait savoir que ces demandes ont été réduites de 40% en six mois).

Bien que ce délai puisse encore apparaître excessif aux yeux des intéressés, les dossiers de demandes de CNF sont aujourd’hui, et du fait des dispositions précédemment exposées, traités en douze mois en moyenne. Une nouvelle réduction de ce délai, eu égard aux perspectives envisagées et à l’évolution des pratiques, ne saurait également être exclue.

Compte tenu de ces éléments, je considère qu’il n’y a pas lieu, dans le cas présent, de mettre en œuvre les conditions d’exercice de mon pouvoir de proposer des réformes. Soyez cependant assuré que je resterai vigilant quant aux évaluations qui pourront être faites des mesures récemment prises par les ministères concernés et que je ne manquerai pas, le cas échéant, de leur rappeler la nécessité d’un traitement dans un délai raisonnable des demandes de CNF.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Sénateur, l’expression de ma considération distinguée.

Jean-Paul DELEVOYE

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(1)Les Français établis hors de France : leurs attentes, leurs besoins, P. 19.
(2)L ‘état civil des Français nés, résidant ou ayant vécu à l’étranger — Vers un
état civil moderne et respectueux de la dignité des citoyens
, p. 84