Le mardi 15 février, j'ai interrogé Henri de Raincourt sur la gestion du patrimoine immobilier de l’état à l’étranger. Sa réponse m'a laissé sur ma faim, car j'aurais souhaité qu'il présente une vision d’ensemble des opérations envisagées dans les prochains mois et les prochaines année.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, auteur de la question n° 1165, adressée à Mme la ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes.

M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question concerne la gestion du patrimoine immobilier de l’État à l’étranger.

Notre pays entretenant une activité diplomatique depuis plus de trois cents ans, son patrimoine immobilier à l’étranger est devenu considérable : ce dernier comprend les ambassades, les résidences des ambassadeurs, les consulats, les résidences des consuls généraux, les centres culturels, les instituts français, soit environ 1 500 biens répartis dans 160 pays, pour une valeur estimée entre 4,5 milliards d’euros et 5 milliards d’euros.

La politique actuelle du Gouvernement consiste à vendre une partie de ce que l’on pourrait appeler les « bijoux de famille ». Dans certains cas, cette solution peut s’avérer judicieuse et je n’y suis pas absolument opposé. Par exemple, la vente de l’hôtel particulier de la rue Monsieur et de l’ensemble immobilier de l’avenue Kléber va permettre de financer la rénovation de l’immeuble du Quai d’Orsay et, probablement, une partie de l’acquisition des nouveaux locaux de la rue de la Convention. Une très belle opération a également été réalisée à Tokyo, permettant de financer la construction de la nouvelle ambassade et la rénovation de la résidence de l’ambassadeur.

Mais, dans d’autres cas, des biens historiques sont vendus uniquement en raison de leur grande valeur financière. Cette pratique appelle deux remarques : d’une part, ces biens sont des outils de diplomatie essentiels – la résidence d’un ambassadeur est un lieu où s’effectue le travail de la diplomatie française – ; d’autre part, comme le sait tout bon père de famille, une fois les immeubles vendus, il faut louer et, après quelques années, en fonction du niveau des loyers, on a « croqué le magot » !

Monsieur le ministre, pouvez-vous faire le point sur la politique immobilière de l’État à l’étranger ?

La création d’une agence foncière de l’État à l’étranger a été souvent évoquée ; j’ai cru comprendre que cette solution avait « du plomb dans l’aile » et que le ministère des affaires étrangères envisageait un accord avec une filiale de la Caisse des dépôts et consignations. Pouvez-vous nous en dire davantage sur la manière dont l’État envisage de financer ces opérations ?

Enfin, je déplore le manque de transparence – pour ne pas dire l’obscurité – qui entoure ces opérations. Le Quai d’Orsay a beaucoup de mal à dialoguer avec les élus que nous sommes. Sans aller jusqu’à instaurer un dialogue, nous souhaiterions au moins être informés des plans du ministère des affaires étrangères dans ce domaine.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Henri de Raincourt, ministre auprès de la ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé de la coopération. Monsieur Yung, permettez-moi de vous répondre, au nom de Mme la ministre d’État, que le ministère des affaires étrangères et européennes gère à l’étranger un patrimoine d’une très grande diversité, comme vous l’avez d’ailleurs rappelé : ce dernier comprend environ 1 500 biens immobiliers, répartis dans 160 pays, dont la valeur était estimée à 4,76 milliards d’euros à la fin de 2010. Une partie de cet ensemble est constituée d’immeubles de haute valeur historique, et tous les statuts juridiques y sont représentés : pleine propriété, bail emphytéotique, simple jouissance ou location.

L’entretien de ce parc immobilier à l’étranger et les nouvelles opérations d’investissement constituent une charge lourde dans le contexte budgétaire actuel.

Le ministère s’est engagé dans une politique de valorisation plus systématique de ce patrimoine. En particulier, il ouvre à la location les espaces de réception dans nos ambassades, encaissant ainsi des recettes destinées à contribuer à l’entretien de son parc immobilier.

Les opérations de rationalisation de ce patrimoine doivent être bien sûr poursuivies : il faut regrouper les services dispersés, mutualiser des locaux, céder des biens devenus inutiles, mettre en sécurité nos sites. Toutefois, il n’est pas sain de faire assurer l’entretien de nos immeubles en fonction des seuls produits de cession disponibles, ce qui est contraire à toute gestion immobilière efficace.

De plus, les évolutions récentes de la politique immobilière de l’État ont mis en lumière l’inadaptation des procédures et des instruments budgétaires existants à une gestion dynamique et efficace du patrimoine immobilier de l’État à l’étranger. Le conseil de modernisation des politiques publiques du 4 avril 2008 avait retenu le principe de la mise à l’étude de la création d’une nouvelle entité chargée de la gestion de tous les immeubles de l’État à l’étranger. La création de cette agence, à laquelle vous faisiez vous-même référence, monsieur le sénateur, paraît aujourd’hui inappropriée, au regard des contraintes d’ordre juridique et de la difficulté rencontrée pour la doter des moyens financiers nécessaires à l’exercice de ses missions.

Aussi, Mme la ministre d’État a fait engager une négociation avec la Société de valorisation foncière et immobilière, la SOVAFIM, société anonyme à capitaux publics créée en 2006, pour étudier différentes possibilités de délégation de maîtrise d’ouvrage sur quelques grosses opérations immobilières à l’étranger. Cette formule souple et pragmatique paraît aujourd’hui plus efficace que celle de la constitution d’un opérateur ad hoc dont la nécessité n’est plus ressentie, dès lors que la SOVAFIM offre une solution de rechange efficace.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Monsieur le ministre, je reste sur ma faim, parce que vous n’avez pas procédé à la description générale de la politique immobilière de l’État à l’étranger. Nous souhaiterions que vous nous présentiez une vision d’ensemble des opérations envisagées dans les prochains mois et les prochaines années, car celles-ci sont certainement planifiées.

Ces questions foncières touchent beaucoup les communautés françaises à l’étranger, parce que le consulat ou la résidence de l’ambassadeur représentent, pour elles, l’équivalent de la mairie ou de la préfecture. Cet aspect ne doit pas être le critère principal d’évaluation, mais il doit également être pris en compte. En tant qu’élus, nous sommes parfois surpris d’apprendre, en ouvrant le journal, que la résidence du consul général va être vendue : c’est le cas à Hong-Kong, alors qu’il s’agit d’une des plus belles villas de cette ville !

Je vous demande donc instamment, monsieur le ministre, de faire réaliser par vos services un descriptif d’ensemble de la politique immobilière du ministère des affaires étrangères !