Le 28 janvier, j’ai rencontré M. Jean-Yves HOCQUET, directeur du Centre des liaisons européennes et internationales de sécurité sociale (CLEISS).

Cet établissement public administratif a été créé en 1959 (voir l’intervention que j’avais prononcée à l’occasion du 50ème anniversaire du CLEISS, le 9 octobre 2009). Il est financé par les organismes de sécurité sociale (ACOS, CNAM, etc.) et son budget s’élève à 9 millions d’euros. Il emploie 122 personnes, dont la moitié sont des contractuels. M. HOCQUET m’a indiqué que le « turn-over » au sein du personnel est relativement important car la rémunération des agents est faible, y compris si on la compare à celle des autres agents du secteur public.

Le CLEISS fait le lien entre les régimes français de sécurité sociale et les autorités nationales compétentes, d’une part, et les organismes étrangers de sécurité sociale, d’autre part.

L’une de ses principales missions consiste à gérer les créances et les dettes internationales de sécurité sociale. Il est chargé, d’une part, de recouvrer les créances dont disposent les régimes français d’assurance sur leurs homologues étrangers au titre des dépenses de santé effectuées au profit de leurs ressortissants (créances recouvrées en 2008 : 833,5 millions d’euros) et, d’autre part, de régler les dettes nées des dépenses engagées pour les soins des ressortissants des régimes français par les institutions étrangères (dettes payées en 2008 : 322 millions d’euros).

En outre, le CLEISS est chargé d’informer et de conseiller les personnes qui travaillent ou ont travaillé à l’étranger. Il les renseigne sur le fonctionnement des conventions de sécurité sociale et les aide dans leurs relations avec les organismes français ou étrangers de sécurité sociale.

Il assiste également les ministères concernés par les questions de sécurité sociale et les institutions de sécurité sociale dans la mise en œuvre des règlements européens et des accords internationaux.

Par ailleurs, le CLEISS est chargé de traduire de très nombreux documents (correspondance, documents juridiques, etc.). Pour ce faire, il fait appel à une soixantaine de traducteurs, dont 25 traducteurs en interne (38 langues).

Enfin, il est chargé de veiller à la bonne application des conventions de sécurité sociale dont la France est partie (règlements européens, accords bilatéraux et multilatéraux).

A partir du 1er mai prochain, le CLEISS sera chargé de coordonner l’application du règlement européen 883/2004, qui fixe les nouvelles dispositions communautaires en matière de coordination des systèmes de sécurité sociale. Ce nouveau règlement doit « permettre aux citoyens d’exercer plus facilement leur droit de circuler librement à l’intérieur de l’Union européenne ». Ses dispositions s’appliqueront à tous les citoyens de l’UE qui sont ou ont été couverts par la législation en matière de sécurité sociale de l’un des Etats membres, y compris les membres de leur famille et leurs survivants (travailleurs salariés, travailleurs indépendants, fonctionnaires, étudiants, retraités, « personnes non actives »). Les nouvelles règles porteront sur les prestations de maladie, de maternité, d’invalidité, de retraite, d’accidents du travail, de chômage, de famille et de préretraite.
Outre les enjeux en matière d’organisation du travail, M. HOCQUET m’a indiqué que l’entrée en vigueur de ce nouveau règlement nécessitera quelques clarifications juridiques. Par exemple, s’agissant des pensionnés français résidant en Espagne, une incertitude subsiste quant au pays qui sera chargé de leur délivrer leur carte européenne d’assurance maladie (CEAM). Afin de répondre aux questions concernant l’interprétation du règlement, une réunion avec la caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) a eu lieu au mois de janvier. Des rencontres avec les autres organismes de liaison européens sont aussi prévues.

D’après M. HOCQUET, « le nouveau régime sera intéressant pour les assurés informés », d’où la nécessité de sensibiliser dès aujourd’hui les caisses locales. Une première journée de sensibilisation devrait avoir lieu le 25 mars prochain avant quatre rencontres régionales.
Pour de plus amples informations concernant le règlement 883/2004, je vous incite à consulter le site Internet du CLEISS : http://www.cleiss.fr/

En dehors de l’Union européenne et de l’Espace économique européen, une trentaine d’Etats sont liés à la France par une convention de sécurité sociale. Ces accords permettent notamment d’éviter les doubles cotisations et d’assurer le maintien des travailleurs au régime de sécurité sociale d’origine pour une durée déterminée (détachement) et de coordonner les régimes de sécurité sociale afin d’éviter les pertes de droit en matière d’assurance vieillesse notamment.
M. HOCQUET m’a indiqué que le projet de loi autorisant la ratification de l’accord franco-indien, qui porte essentiellement sur l’assurance vieillesse, est en cours de finalisation.
S’agissant des négociations avec les autorités australiennes, elles sont toujours suspendues en raison des divergences de points de vue (l’Australie souhaite pouvoir contrôler les ressources des bénéficiaires afin d’éviter tout risque de fraude ; se pose aussi la question des Français résidant en Nouvelle-Calédonie et allant se faire soigner en Australie). Une première session de négociations a eu lieu en 2008 et une nouvelle rencontre devrait prochainement avoir lieu.

Nous avons également abordé la question des « certificats de vie » que les retraités français établis à l’étranger doivent fournir chaque année (la fréquence de cette formalité varie en fonction du pays de résidence : une fois par an pour les retraités qui résident en Europe ; une fois tous les trois à six mois pour ceux qui résident dans des pays dits « à risques »). M. HOCQUET m’a confirmé l’intention du gouvernement de renforcer le contrôle des retraités résidant à l’étranger afin de lutter contre la fraude.

A l’issue de cet entretien, j’ai rencontré des représentants du personnel, qui m’ont fait part d’une rumeur concernant un projet de transfert à Metz du siège du CLEISS. Ils m’ont exprimé leurs nombreuses inquiétudes. Ils craignent tout d’abord qu’une délocalisation nuise au bon fonctionnement de l’établissement. En effet, une telle initiative conduirait de nombreux agents contractuels à démissionner, privant ainsi le CLEISS de compétences précieuses.

Un déménagement ne serait pas non plus opportun au moment où le CLEISS s’apprête à appliquer, à partir du 1er mai prochain, le règlement européen 883/2004. L’entrée en vigueur de ce dernier va en effet nécessiter la mobilisation de tous les talents (mise en place d’une nouvelle application informatique, information du public et des partenaires, etc.).
Une délocalisation rendrait plus difficiles l’accueil du public et des délégations étrangères ainsi que les échanges avec la direction de la sécurité sociale et les caisses de sécurité sociale.
Une telle opération entraînerait également des dépenses inutiles au moment où il est question de réduire le déficit public. Or, il m’a été indiqué que plusieurs études, dont un audit de la Cour des comptes, recommandent de maintenir le siège à Paris (le CLEISS occupe un bâtiment qu’il loue à la CNAMTS à un « prix intéressant »).
Enfin, sur le plan humain, le transfert en province du siège du CLEISS aurait des conséquences négatives. Il serait en effet synonyme de déracinement familial pour des agents qui ont construit leur vie à Paris ou en région parisienne.
Le 1er février, j’ai adressé une lettre au ministre des relations sociales, M. Xavier DARCOS, afin de savoir quel fondement je dois accorder à cette rumeur et lui demander, dans le cas où celle-ci s’avèrerait fondée, de reconsidérer tout projet de délocalisation.