Le 11 janvier, le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, sest entretenu avec son homologue japonais, Tarō Kōno.

En amont de cette rencontre, javais envoyé à M. Le Drian la lettre ci-dessous afin dattirer son attention sur la situation des enfants franco-japonais privés de tout lien avec leur parent français.

Monsieur le Ministre,

Dans la perspective de votre entretien avec M. Tarō Kōno, ministre des affaires étrangères du Japon, je me permets d’attirer votre attention sur la situation des enfants franco-japonais privés de tout lien avec leur parent français.

Ces enfants ont fait l’objet soit d’un enlèvement international commis par leur parent japonais, soit d’un déplacement illicite à l’intérieur du Japon. Dans les deux cas, ils ont subi un véritable traumatisme et se retrouvent privés d’une part essentielle de leur identité.

Plusieurs dizaines de citoyens français se trouvent actuellement dans l'impossibilité d'exercer au Japon leurs droits parentaux. Ils sont dans un désarroi absolu. Certains d’entre eux n’ont pas vu leur(s) enfant(s) depuis plusieurs années.

Cette situation découle principalement de l’application de la législation nippone en matière de droit de la famille, qui ne reconnaît ni le partage de l’autorité parentale, ni la garde alternée. Pis, les juges appliquent le principe non écrit de « continuité », qui les conduit à attribuer systématiquement l’autorité parentale et la garde exclusive de l’enfant au parent kidnappeur. Quant au droit de visite, il est laissé à l’appréciation du juge et au bon vouloir du parent auquel a été attribuée la garde de l’enfant.

Le 25 janvier 2011, j’avais fait adopter par le Sénat une résolution destinée à appeler l’attention des autorités japonaises sur la nécessité de reconnaître aux enfants franco-japonais le droit de conserver des liens avec chacun de leurs parents. Faisant écho à une résolution adoptée par la Chambre des représentants américaine, cette initiative parlementaire avait eu pour effet d’inciter le Japon à adhérer à la convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants. Cette dernière est entrée en vigueur au Japon le 1er avril 2014.

Près de cinq ans plus tard, force est malheureusement de constater que le Japon ne satisfait pas pleinement aux obligations qui lui sont imposées par la convention de La Haye. Le principal motif d'inquiétude réside dans le défaut d'exécution d’ordonnances de retour et de décisions accordant un droit de visite au parent français. Je note avec satisfaction que ce point fait l’objet d’une attention particulière de la part de notre ambassadeur à Tokyo, Laurent PIC, qui, avec l’ensemble des ambassadeurs des États membres de l’UE représentés au Japon, a signalé au gouvernement japonais « l’importance de l’exécution des décisions des tribunaux japonais ».

Selon le ministère de la justice japonais, la question de l’exécution des décisions civiles fait l’objet d’une réflexion, qui pourrait éventuellement déboucher sur une réforme législative.

Pour ce qui concerne les enfants dont la situation ne relève pas de la convention de La Haye (enlèvements internationaux survenus avant le 1er avril 2014 ; enfants ayant fait l’objet d’un déplacement illicite à l'intérieur du Japon), il est urgent que le Japon mette un terme à l’application du principe de « continuité ». Plus largement, il importe que le respect de l’intérêt supérieur de ces enfants soit pleinement garanti.

Les autorités japonaises souhaitent échanger des bonnes pratiques et des connaissances avec les États membres de l’UE. À cet égard, je me réjouis que votre collègue Nicole BELLOUBET ait confié à la délégation aux affaires européennes et internationales du ministère de la justice la mission d'organiser une visite, en France, de responsables du ministère de la justice japonais.

Enfin, il est à noter que le département d'État américain a classé le Japon parmi les pays qui ne se conforment pas aux obligations qui leur incombent en vertu de la convention de La Haye. Pour sa part, le représentant Chris SMITH (New Jersey) a organisé, dans le cadre de la commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants, plusieurs auditions sur les enlèvements internationaux d'enfants, en vue d’inciter l’administration TRUMP à mettre en œuvre les sanctions prévues par le Goldman Act de 2014 (suspension de l’aide publique au développement, suspension de l’assistance sécuritaire, etc.).

Vous remerciant d’avance pour l’attention que vous voudrez bien porter à ces éléments d’information, je vous prie de croire, monsieur le Ministre, à l’expression de ma haute considération.

Richard YUNG