L’acquittement du Dr Bonnemaison, accusé d’homicide sur sept de ses patients en fin de vie, est un soulagement. Les magistrats et les jurés ont retenu que l’ex-urgentiste n’avait pas agi avec l’intention de donner la mort mais de soigner et soulager les souffrances de ses malades, tous atteints d’affections graves et reconnues comme incurables dont les traitements avaient été préalablement arrêtés. Cette décision empreinte d’humanité pose toutefois de réelles difficultés. L’ex-urgentiste n’a en effet pas tenu compte de la loi dite Leonetti en prenant seul une décision qui aurait dû relever de l’équipe soignante et de la famille.

Fin de vieÀ l’inverse, le Dr Kariger et son équipe ont respecté à la lettre les instructions de cette même loi, comme l’a confirmé le Conseil d’État, en prenant la décision d’arrêter l’acharnement thérapeutique jugé déraisonnable sur Vincent Lambert. Pourtant, la CEDH, saisie en urgence, a suspendu provisoirement cette décision et ordonné la reprise des traitements maintenant Vincent Lambert en vie. L’acharnement judiciaire aura réussi à imposer la poursuite de l’acharnement thérapeutique. C’est un bien triste dénouement qui ne fera que prolonger les souffrances du malade et les déchirures entre les membres de sa famille.

Ces deux affaires sont certes différentes mais elles illustrent une évidence : le cadre législatif issu de la loi Leonetti est insuffisant pour offrir aux malades les conditions d’une mort conforme à leur idée de la dignité et pour guider les médecins dans l’accompagnement de ce parcours de fin de vie. C’est la responsabilité du législateur de faire évoluer ce cadre législatif avec un souci de cohérence, de justice et d’humanité.

S’il n’est pas question de légiférer à la va-vite ou sur le coup de l’émotion dans un tel domaine, je regrette cependant l’immobilisme qui a prévalu jusqu’à aujourd’hui alors même que l’opinion publique est prête (9 Français sur 10 se déclarent favorables à l’euthanasie et à l’aide active à mourir), que les médecins demandent une clarification du droit et que les exemples étrangers ne manquent pas.

Quelle évolution de la loi est donc souhaitable ? Je crois qu’il faut déjà reconnaitre au patient le droit de bénéficier d’une aide à mourir selon sa propre conception de la dignité. La volonté du patient, exprimée directement, à travers des directives anticipées ou par l’intermédiaire d’une personne de confiance désignée par lui ou à laquelle il aurait fait part de ses souhaits, doit être le fondement premier de toute initiative médicale visant à permettre une fin de vie digne. L’intervention de la famille, de ses proches, ou des médecins doit être réservée aux cas où l’on ne peut connaitre la volonté du malade en raison de son état de conscience.

Il faut ensuite sortir de l’hypocrisie du « laisser mourir » qui cache une réalité quasi inhumaine. La loi prévoit aujourd’hui la possibilité d’arrêter les traitements des malades (euthanasie « passive »). Cela se traduit généralement par une coupure de l’alimentation et de l’hydratation du patient qui engendre une mort lente – sur plusieurs jours – et inhumaine. L’utilisation de substances létales (euthanasie « active ») ne doit plus être un tabou quand elle permet une mort rapide et sans souffrance, surtout si la patient en fait la demande.

Ces deux considérations m’amènent à prendre position en faveur à la fois de l’euthanasie active et du suicide assisté. La loi actuelle est dans un entre-deux défavorable au malade : il ne peut bénéficier avec certitude d’une aide active à mourir quand il en fait la demande expresse mais les médecins et sa famille peuvent s’accorder sur son euthanasie passive alors même qu’il n’en a jamais fait la demande. En outre, le « laisser mourir », sous couvert de ne pas franchir l’interdit moral de tuer, est bien souvent porteur de plus de souffrances pour le malade que l’euthanasie active. Il est urgent de remettre le patient au cœur d’un dispositif plus humain !