Le 1er février 2019, dans le cadre d’une QPC, le Conseil Constitutionnel déclare conforme à la Constitution les articles du code pénal relatifs à la pénalisation de la prostitution. Elle comprend un volet social, et une aide à la sortie pour se reconvertir. Elle se substitue à la pratique du racolage pénalisé auparavant, mais victime d’une large marge discrétionnaire des forces de l’ordre qui en faisaient un usage abusif. La finalité de cette loi est louable puisqu’elle a pour but de lutter contre la traite humaine, les agressions sexuelles, le viol et la protection sexuelle des mineurs.

Pourtant, sa concrétisation a bien des effets contraires, comme je l’avais craint. Les chiffres le montrent. Depuis l’entrée en vigueur de la loi, deux fois plus de signalements ont été rapportés auprès des associations, le nombre de mineurs exploités a augmenté, les cas signalés à l’Office Central pour la Répression de la Traite des Êtres Humains ont doublé en 2017 à 87.

La prohibition ne mène-t-elle pas au manque d’encadrement ? Ne vaudrait-il pas mieux légaliser pour mieux surveiller ? À l’instar de Maître Spinosi, je trouve paradoxal de pénaliser des clients de travailleurs qui paient leurs impôts et cotisations sociales.

Les auteurs de la QPC invoquaient la liberté personnelle, la proportionnalité et la nécessité des peines, et la liberté d’entreprendre. Le Conseil Constitutionnel a statué dans le sens inverse.
Il a rappelé la marge d’appréciation du législateur qui est le garant de la conciliation entre la sauvegarde de l’ordre public et l’exercice des libertés. Il considère que les mesures prises ne sont pas disproportionnées. Il rappelle qu’il n’est qu’en mesure de se prononcer sur la constitutionnalité de la loi. Je prends acte de cette décision.

Il faut rappeler que les prostitué(e)s depuis cette pénalisation sont contraint(e)s de se cacher - sont donc plus sujet(te)s à des violences - d’accepter de procéder sans préservatif ce qui augmente le risque de transmission de MST et du VIH, ou une grossesse non désirée, sans compter les violences rendues plus difficiles à dénoncer (meurtre de Vanesa Campos). Les enjeux sont de taille, puisqu’ils touchent à des considérations de santé publique, à la dignité humaine et à la vie privée. Il ne serait pas surprenant que la question soit portée prochainement devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme, qui aura ainsi à se prononcer sur la hiérarchie entre liberté du commerce et droits fondamentaux.