À l’occasion de cette journée internationale des droits des femmes, je voulais mettre en lumière les parcours courageux des femmes diplomates, qui ont œuvré et œuvrent pour la France et les Français à l’étranger, et qui ont souvent eu un parcours plus compliqué que celui de leurs comparses masculins, dans un ministère où le plafond de verre est réputé très solide.

Le Quai d’Orsay a fait un long chemin depuis l’entrée de la première femme par ses portes. Suzanne Borel, née en 1904, passée par la Sorbonne, l’École nationale des langues orientales (aujourd’hui l’INALCO), ainsi que l’École libre des sciences politiques (aujourd’hui Sciences Po), réussit le concours d’entrée. Mais un huissier lui refuse initialement sa candidature au motif qu’elle n’avait pas réalisé son service militaire, chose pourtant impossible pour une femme à l’époque… Les choses ne s’arrêtent pas là pour Suzanne. Son ami et professeur André Siegfried lui confie d’ailleurs « Vous êtes reçue ; maintenant il faut vous faire admettre ». Alors qu’elle devient la première femme nommée attachée d’ambassade le 1er juillet 1930, sa nomination provoque un tollé : l’Association des agents du ministère des Affaires étrangères dépose un recours devant le Conseil d’État, la réglementation ne prévoyant pas la possibilité de nommer les femmes. En 1934, elle est nommée ministre plénipotentiaire, mais sa carrière est entravée faute d’être citoyenne de plein droit, les femmes ne pouvant voter qu’à partir de 1944. De surcroît, le recours de ses collègues masculins conduira le ministère à ne plus recruter de femmes diplomates jusqu’à la fin de la Seconde Guerre Mondiale.

Il faudra donc attendre 1944 pour qu’une autre femme soit nommée à un haut poste du Quai (directrice adjointe aux affaires étrangères), par le ministre Georges Bidault, sur recommandation de son épouse… Suzanne Borel ! Marcelle Campana deviendra par la suite 1ère femme consule générale (à Toronto en 1967) et 1ère femme nommée ambassadrice (au Panama en 1972).

Heureusement, des progrès ont été faits depuis, mais à petits pas. C’est en 2002 que le Quai adopte l’appellation officielle d’ambassadrice pour désigner une chef de mission (auparavant, les ambassadrices étaient appelées « Madame l’ambassadeur »). Dans les 5 dernières années, le nombre de femmes ambassadrices a été doublé. Aujourd’hui, 28,6% des ambassadeurs sont des femmes - une proportion en hausse mais toujours loin de la parité. J’ai eu la chance de rencontrer certaines d’entre elles durant mes voyages à l’étranger : Elisabeth Laurin en Corée du Sud, Hélène le Gal à Israël, Anne-Marie Descôtes en Allemagne, Véronique Vouland-Aneini à Madagascar, Catherine Colonna en Italie… Elles sont remarquables, et méritent amplement leur place (voire plus, compte tenu des obstacles qui se sont tenus sur leur chemin !). Elles prouvent qu’une féminisation des postes est nécessaire au Quai.

Elle l’est d’autant plus que la France a fait de la « diplomatie féministe » une de ses priorités à titre national : elle s’est notamment engagée à ce que d’ici 2022, 50% de son aide publique au développement soit affectée à des projets ayant pour objectif significatif ou principal l’égalité femmes-hommes. Ces temps de crise ont aussi mis en valeur la vulnérabilité des femmes : les confinements renforcent le risque d’exacerbation de violences intrafamiliales. De surcroît, la réduction de l’activité et la perte d’emploi sont particulièrement lourdes pour les femmes, qui sont majoritaires dans les secteurs les plus touchés par la crise (tourisme, restauration, services) ainsi que l’emploi informel et précaire. Pour toutes ces raisons, cet engagement en faveur non seulement des femmes diplomates, mais aussi des femmes partout dans le monde, doit se prolonger dans la durée, et ce pas seulement en ce 8 mars, mais pendant les 364 autres jours de l’année.

Je veux également prendre cette occasion pour remercier tout particulièrement les sénatrices et députées des Français de l’étranger, qui, tout comme les ambassadrices et agentes du Quai d’Orsay, travaillent pour améliorer la vie des Français de l’étranger et contribuent à montrer l’exemple français de l’égalité femmes-hommes aux autres pays du monde. J’ai également une pensée, en ce premier jour de l’Assemblée des Français de l’étranger, pour toutes les conseillères consulaires, fonction dans laquelle il y a davantage de femmes à chaque élection, qui s’investissent localement pour améliorer la vie de leurs compatriotes.