Bruno Le Maire l’avait promis : il a présenté le 6 mars au Conseil des ministres sa taxe de 3% sur le digital. Il s’agit de taxer le chiffre d’affaires des activités numériques réalisé par les grandes entreprises sur le territoire français. Bien sûr, dans le viseur les fameux GAFA (Google Amazon Facebook Apple) qui parviennent encore à payer en moyenne 14 points d’impôt de moins qu’une entreprise locale.

Le projet de loi comporte deux articles. La taxe concernerait seulement une trentaine d’entreprises françaises, et uniquement celles dont le chiffre d’affaires numérique mondial dépasse les 750 millions d’euros, dont 25 millions sur le territoire français. Un report de baisse de l’impôt sur les sociétés est prévu afin d’éviter une double imposition. Ce système permettrait de rapporter des gains non négligeables : 400 millions en 2019, 450 millions en 2020, 550 millions en 2021 et 650 millions en 2022.

La décision française n’est pas isolée. Nos voisins européens l’ont aussi tentée ; l’Italie a mis en place une « web tax », l’Autriche taxe à 3% les entreprises dont les revenus sont supérieurs à 750 millions d’euros. Ces initiatives nationales ne sont que le reflet d’une problématique globale de difficulté de taxation des géants du numériques. En connaissance de cause, l’Union Européenne a tenté de mettre en place une directive visant à réformer les règles existantes pour mieux cibler la spécificité de ces entreprises et imposer une taxation provisoire, mais l’unanimité a fait défaut – 23 pays sur 27. Des États comme l’Irlande, terre d’accueil des sièges de GAFA, ne sont pas favorables à un changement de la législation fiscale de peur de perdre leur avantage. Par conséquent, des voix européennes isolées se mobilisent en attendant l’élaboration d’une solution technique par l’OCDE prévue pour 2020.

Alors, une taxe est-elle la solution adéquate ? Elle ne fait pas l’unanimité. Il est vrai qu’elle ne résout pas le problème des stratégies d’éviction utilisées par les entreprises comme les déclarations faussées[1] ou le déplacement de bénéfices vers d’autres filiales, via des royalties et transférés à l’étranger. Une autre interrogation a été soulevée quant à neutralité de la taxe. Il semble que puisque celle-ci est destinée uniquement aux activités numériques, elle n’appréhende pas l’ensemble des activités sur le territoire français et est ainsi compatible.

Loin de résoudre le problème, l’initiative de Bruno Le Maire doit pourtant être reconnue et appréciée. Elle illustre le besoin urgent de cibler ces géants du numérique qui profitent d’une législation inadaptée, et favorise les actions sur la question. L’OCDE y travaille depuis un certain temps et l’on peut espérer une réglementation efficace à son image. Le numérique évolue sans cesse, tout comme la législation qui doit pouvoir l’encadrer pour plus de protection et d’équité.

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[1] Facebook divise par 15 sa déclaration de chiffre d’affaires sur le sol français