Dans un effort de transparence unique au monde, la Commission, le Parlement et le Conseil ont réussi à conclure un accord cette semaine dans le but de renforcer l’arsenal européen de lutte contre l’évasion fiscale des grandes multinationales (Amazon, Google, Facebook…) ayant un chiffre d’affaires supérieur à 750 millions.

Ainsi, ces dernières seront à priori contraintes de déclarer les revenus et les bénéfices qu’elles réalisent dans chaque pays de l’Union européenne, les impôts qu’elles y paient, ainsi que le nombre d’employés par État membre (afin de prévenir le phénomène des sociétés « boîtes aux lettres »). Elles devront également déclarer toutes leurs activités dans les juridictions inscrites sur la liste noire de l’Union. Celle-ci comprend les paradis fiscaux qui ne suivent pas les critères de transparence des 27 : on y retrouve, hormis le Panama et les Seychelles, que des îles des Caraïbes (îles Vierges américaines, Dominique, Trinité-et-Tobago...) ou du Pacifique (Guam, Fidji, Palau, Vanuatu…).

Malgré tout, l’optimisation fiscale est avant tout un phénomène qui se pratique au sein de l’UE : 80 % des transferts de bénéfices constatés en Europe se font entre les 27 pays membres. Alors qu’il y a un manque à gagner de 50 milliards d’euros, le dossier a longtemps patiné. Seule la pression continue de l’opinion publique et du Parlement européen, qui souhaitent cette réforme depuis des années mais se sont souvent heurtés aux velléités contradictoires des gouvernements, a permis ce changement majeur.

Ces derniers mois ont vu les pays occidentaux hausser le ton contre les multinationales. Cet accord intervient alors que se tient aujourd’hui et demain le G7 Finance à Londres, où les négociations pour une taxation minimale des entreprises vont bon train. Il serait sans doute de 15 %. Reste à savoir si le mauvais élève de l’Union en la matière cédera : l’Irlande refuse historiquement tout accord sur un taux d’imposition minimal, qui est sur l’île de 12,5 %, attirant ainsi de nombreuses entreprises qui y logent des sociétés boîtes aux lettres. La tendance y serait favorable ; le Luxembourg avait déjà dû lever le secret bancaire en 2015. Le dumping fiscal ne peut pas être aussi simple dans une union économique et monétaire aussi avancée que l’UE, et surtout à l’heure où les pays ont besoin du manque à gagner pour financer leurs plans de relance.