Belle cérémonie hier, simple et juste, pour l’entrée de Robert Badinter au Panthéon, alors qu’au même moment, il se trouvait quelques imbéciles nazillons pour dégrader sa tombe au cimetière de Bagneux.
Une foule considérable rue Soufflot et aux alentours montre l’attachement des Français à cet homme qui a incarné ses valeurs les plus hautes. Famille juive pauvre ayant fui les pogroms de la Bessarabie (actuelle Moldavie), s’étant intégré dans la société française au point que l’on ne devait parler que le français à la maison, il avait réussi tous les barreaux de l’ascension républicaine. Avocat de renom, professeur de droit, garde des Sceaux, président du Conseil constitutionnel, sénateur, il avait gardé la simplicité et la gentillesse de ceux qui n’ont rien à démontrer. Il m’avait à plusieurs reprises reçu chez lui pour m’aider à résoudre telle ou telle difficulté juridique ou politique. Ajoutons qu’il ne manquait pas d’humour, l’œil pétillant derrière ses gros sourcils broussailleux. On lui doit l’abolition de la peine de mort, du délit d’homosexualité, la lutte contre l’antisémitisme, l’amélioration des conditions de vie des détenus et des gardiens de prison, la ratification de la Convention européenne des Doits de l’Homme…et tant d’autres progrès pour la justice, la République, la France.
Belles images de son cénotaphe remontant la rue Souflot sur un tapis bleu-blanc-rouge avec trois haltes consacrées successivement à Victor Hugo (Guillame Galienne lit le célèbre et prophétique discours de 1848 sur la peine de mort), Sandrine Bonnaire à l’arche Mémoire rappela son enfance, Philippe Torreton ses début d’avocat, Eric Ruf à l’arche justice l’exécution de Bontemps, et Marina Hands son attachement à la République. Julien Clerc, qui fut son ami, chanta un “ l’assassin assassiné” si poignant et enfin la soprano Catherine Trottmann chanta sous la coupole du Panthéon le superbe aria de Haendel “lascia ch’io pianga” (“ laisses moi pleurer mon cruel destin et soupirer après mon destin “).
Beau discours d’Emmanuel Macron (il est bien meilleur dans les panthéonisations que dans l’action politique) qui rappela que la grand-mère de Robert Badinter, qui ne parlait pas français, disait souvent “ les morts ici aussi nous écoutent”. Et pourtant adolescent il dut vivre l’arrestation d’une partie de sa famille par la police de Vichy, la déportation et la mort à Auschwitz de son père et de ses tantes.
Gardons cette belle image de lui à Auschwitz, cueillant trois petites fleurs sur la voie ferrée de l’horreur, et disant “ la vie est plus forte que la mort”. Je regrette aujourd’hui d’avoir refusé, sans doute par pudeur et lâcheté, de me rendre à Auschwitz : je n’avais pas appris ce qu’y avait dit Robert Badinter !